Le phœnix renait toujours de ses cendres, peu importe la manière dont il est mort. Bonsoir. Le courage, la folie, la prétention, l’honneur et la sagesse. Voilà les caractères de nos héros, du moins ceux dont je vais vous parler aujourd’hui. Tous avaient répondu à l’appel du guerrier en armure, Aiden. Tous se tenaient dans la salle de réunion du palais, ou presque alors qu’il les observait depuis le balcon.

Donne à ceux que tu aimes des ailes pour voler, des racines pour revenir et des raisons de rester. — Dalaïlama

– Salut, mon chou.

– Pourquoi faut-il toujours que tu fasses les choses autrement ? demanda Aiden.

– Tu ne porterais pas attention à moi sinon.

Simha était arrivée par-derrière, toujours aussi discrète. Elle se présentait à côté de lui, dans la tunique qu’il lui avait offerte, ses deux armes à la main. Aiden lui était appuyé contre la rambarde, attendant le moment pour intervenir.

– Ça y est, tu as enfin trouvé l’équipe magique de bras cassés ?

– Je pense oui, répondit-il en riant, seulement tu en fais partie.

– Tu ne cesseras jamais de me surprendre.

Simha avait une posture étrange, provocante. Il parait qu’il est difficile de ne pas tomber sous ses charmes.

– Je te trouve plus beau sans ton casque.

– Lorsque nous nous sommes rencontrés, ma peau était encore nécrosée. Je dois avouer que ce n’était pas forcément joli à voir.

Aiden ne portait qu’un casque partiel, comme un bandeau qui redescendait sur son visage. Il respirait la tranquillité, le calme, de sa posture, à sa manière de manier le bâton qu’il avait à côté de lui. On dit qu’il est devenu comme ceci après son pèlerinage qui lui a permis d’accepter son corps de Symbian.

– Tu me les présentes ?

– Idan, spécialiste fou des explosifs et son acolyte muet Jared. Tu les connais déjà, je crois.

– Cette bande de tarés, ouais.

Un long silence pesait entre les trois qui occupaient la salle de réunion. Idan n’avait confiance qu’en Jared et Lars, sa solitude l’avait rendu asocial, étrangement.

– Lars, mon frère.

– Pourquoi l’avoir rallié à ta cause ? C’est lui qui t’a tué.

– Contrairement à toi, j’ai pardonné son acte à mon frère. Il était légitime, contrairement à ce que le maitre des ombres t’a fait.

– Je ne m’en plains pas.

– Plus maintenant.

Aiden s’approcha de la table pour se servir une tasse de thé, Simha répondit non à sa proposition.

– Il en manque un, non ?

– Il est présent, tu ne le sais juste pas.

– En qui as-tu le plus confiance ? Il prit quelques secondes pour réfléchir et commencer son thé.

– Jared. Il est loyal à Idan, tant que je le garde à mes côtés, Idan le suivra.

– Qui t’effraie le plus ?

– J’aurais dit toi. Si je n’étais pas à tes côtés.

– Je ne suis pas si destructrice que ça, voyons, dit-elle d’un air hautain.

– Je connais tes méthodes, jamais tu ne les as appliquées lorsque nous avons travaillé ensemble.

– Alors qui sinon moi ?

– Mon frère.

– Tiens donc.

– Il a changé depuis notre rencontre. Certes, il n’est plus autant noirci par ses actes. Cependant, j’ai vu quelque chose dans ses yeux, quelque chose que j’ai vu chez toi. Les ombres, le hantent lui aussi, mais pas comme toi, cette face de lui me fait peur.

– Tu arrives à avoir peur ? Toi ! Je n’aurais jamais entendu quelque chose d’aussi stupide.

– La peur hante les hommes, et même si elle n’a rien de mauvais en soi, elle permet d’éclaircir son esprit sur ses faiblesses. C’est en ayant conscience de ses faiblesses que l’on devient plus fort, que le courage remplace l’espoir. Tu ne retiens donc rien de son passage ?

– Tu n’as pas à me dire, ce que je dois apprendre des autres ! dit-elle approchant violemment.

Ses yeux luisaient rouges comme les flammes. Son corps s’embrumait pour disparaitre doucement. Aiden ne dit rien, il n’avait plus peur d’elle. Il la fixa dans les yeux jusqu’à ce qu’elle retrouve sa forme normale.

– Comment est-ce que tu fais ? dit-elle retournant son regard.

– Je ne fais rien. Pourquoi tant de questions ?

Aiden arrivait à contrôler l’essence des ombres de Simha. Chose que même le maitre des ombres n’arrivait pas à faire.

– Tu arrives à lire en moi comme dans un livre ouvert, mais je suis incapable d’en faire autant avec toi. Qu’est-ce que je fais mal ?

– Ta vision des choses est encore obscurcie, réfléchie à ce que tu cherches vraiment, à ce que ton cœur te dicte, tu trouveras des réponses.

Elle se retourna vers le salon.

– Il en manque encore ?

– Oui, laisse-leur le temps d’arriver, tout le monde n’est pas aussi furtif et rapide que toi.

Il sortit de la pièce, Simha se dirigea vers la rambarde pour observer Lars. La ressemblance n’était pas frappante, puis il avait des écailles sous les yeux. Elle ne resta pas longtemps, elle partit rejoindre Aiden qui avait rejoint la pièce d’à côté.

– Oh, désolé, je…

Aiden n’était pas en armure, il portait un kimono lorsque Simha est arrivée. Il était en train de revêtir le haut de sa tenue lorsque Simha est entrée.

– Non, il n’y a pas de mal. Rentre.

– Je n’aurais pas pensé ça comme ça…

– Tu pensais que tout mon corps était cybernétique ? Pourquoi est-ce que je mangerais encore alors ?

– C’est étrange…

Elle s’était rapprochée de lui, pour observer l’aspect de son torse. La peau était brulée, flétrie, il était couvert de cicatrices. Elle posa ses doigts sur son torse, il était froid, presque sans vie.

– Je… désolée.

Elle enleva ses doigts, croisant le regard d’Aiden, gênée. Cette réaction avait fait sourire Aiden, comme s’il venait de confirmer ses pensées. Il finit par enfiler le torse, le verrouiller et illuminer son costume.

– Depuis combien de temps tu es comme ça ?

– Depuis dix ans. J’ai mis longtemps à l’accepter. Mais on s’y fait.

– Et ton corps, jamais il ne retrouvera sa forme normale ?

– Avec beaucoup de temps si. Mon visage a repris forme normale, mais il n’a pas été brulé par le dragon de Lars. Seule la nécrose à cause du temps que j’ai passé à agoniser l’avait endommagé. Rassure-toi certaines fois, j’aimerais avoir encore mon corps, comme toi ou être mort.

– Je ne suis pas si certaine…

Il s’approcha d’elle, posa sa main gauche sur son visage.

– Ne laisse pas ta colère t’emporter, dit-il jouant avec les ombres qui flottaient autour d’elle, ta véritable nature recherche mieux que ça.

Il s’en alla. Quelques minutes plus tard, Nekho proposa à manger à Simha, nourriture qu’elle ne refusa pas le moins du monde.

– Le repas a-t-il été à votre gout madame ?

– Parfait !

– Bien.

– Où est-ce que je peux trouver Aiden ?

– À cette heure-ci ? Certainement dans le jardin de méditation. Par ici.

Il la guida vers un couloir en pierre, où l’eau coulait des deux côtés. Il donnait sur deux grands plateaux, entourés de cerisiers. Sous le premier autel trônaient des flammes, le courant d’eau était présent aussi dans l’escalier et faisait le tour du second plateau. Des cascades d’eau décoraient le second autel. Aiden se trouvait à côté, regardant les étoiles.

– Je…

– C’est le temple de ma mère, le dragon d’eau est celui que je maitrise, voilà pourquoi elle trône autant.

– C’est magnifique !

Il ouvrit les yeux après s’être tourné vers elle.

– Comment tu as su que j’étais là ?

– Peu de choses peuvent venir troubler le flot des eaux ici. Fais de cet endroit ton palais, je t’offrirai le pouvoir dont tu as besoin.

– Je n’ai pas besoin de ton aide pour cela ! Tu ne m’arrives pas à la cheville.

– Pourtant tu as besoin de moi.

– Non ! dit-elle détournant les yeux.

Elle releva les yeux sur lui, observant son calme légendaire.

– Comment fais-tu pour rester toujours aussi calme ?

– Je passe ma vie à méditer, tu devrais essayer.

– Je n’ai pas besoin de ça.

– Qu’est-ce que tu recherches ?

– Qu’est-ce que tu veux dire ?

– Ta quête de pouvoir, qu’est-ce qu’il y a au bout ? Tu travailles toujours toute seule, dans tes propres intérêts. Pourtant je ne compte plus le nombre de fois où tu as requis mon aide, et moi la tienne. Jamais tu ne me l’as refusé. Pourquoi ai-je ce privilège ?

– Je…

– Je ne cherche pas de réponse, je cherche à te les faire découvrir. Si tes valeurs sont fortes, que tes choix sont justes, quelque chose d’autre guide tes pas. Mais tu ne l’as pas encore découvert.

– Qu’est-ce que tu en sais ?

– J’ai découvert beaucoup de choses grâce à Jekiah, mon dragon m’offre la voie de la sagesse, et une vision des choses plus experte que quiconque. Il y a quelque chose de caché en toi et notre rencontre l’a changé.

Elle se dirigea sous l’autel, au centre du courant d’eau. Aiden se retourna face aux montagnes pour observer les étoiles.

– Quel est ton plus grand rêve ?

– Prétendre la paix dans le monde serait beaucoup. J’aimerais offrir un meilleur monde à ceux qui nous succèderont.

– Ma famille me manque. Depuis la mort de mon père, je me dis que j’ai tout perdu, qu’il ne me reste plus rien, plus personne à qui le rattacher.

Elle s’approcha de lui, se plaçant à ses côtés.

– Tu n’as jamais retrouvé quelqu’un à qui t’attacher ?

– Jamais je n’arrive à avoir ce genre de pensées, les ombres ont envahi mon cœur, qui es-tu pour arriver à les stopper ?

– Le genre de personnes à qui tu voudrais t’attacher ? répondit-il avec le sourire.

– Possible. Je croyais que les machines n’éprouvaient aucun sentiment.

– Les Symbians ont tout autant de sentiments que nous. Et je ne suis pas une machine, pas encore.

Une heure s’était écoulée et ils étaient encore à regarder les étoiles.

– Qu’est-ce que Jekiah t’a fait voir pour être devenu comme ça ?

– Tu oses prétendre savoir comment j’étais avant ? dit-il en souriant.

– Moi aussi j’ai des pouvoirs magiques, dit-elle de façon arrogante.

– Les yeux de Jekiah. Le monde dans sa forme la plus pure. Le repos éternel.

– Pourquoi ça n’a pas marché avec moi ?

– Ouvre ton cœur. Et si ce n’est pas lui qui te l’offre, peut-être ce sera à travers mes yeux ?

Elle se mit à sourire. Elle arrivait à trouver le calme qu’avait Aiden, simplement grâce à sa présence. Son aura était si forte, qu’il arrivait à bloquer les ombres qui avaient pris le cœur de Simha.

– Promets-moi de ne pas me laisser tomber.

– Si tu tombes. Je serai là. Si les ombres t’emportent, tu n’auras qu’à chercher mon reflet dans ton cœur, si ta rage t’envole, laisse mon dragon te libérer. Et si ton cœur se brise sous les coups, je serai là pour le retenir. J’ai trop perdu aujourd’hui pour laisser tomber quelqu’un d’autre. Plus maintenant.

– Ta foi en l’humanité te perdra Aiden.

– Ma foi t’a guidé sur mon chemin, je n’ai aucune raison de l’abandonner.

– Tu sais déjà ce qui se cache au fond de mon cœur.

– Ce n’est pas à moi de te le dire. Mais je serais honoré de t’aider à le découvrir.

Il se releva et leva ses yeux sur la lune qui commençaient à s’assombrir. Des pas métalliques résonnèrent sur les planches, Aiden se retourna vers Simha.

– Aiden, je crois que nous avons un souci, fit Lars.

– Je vois ça. Tu sais déjà ce que ça signifie ?

– Tu l’avais déjà anticipé ?

– Je ne vous aurais pas réuni sinon. Si vous voulez bien me suivre.

Une vague d’ombre se propageait, réveillant le démon de Lars bloqué par Naia, puis Simha, tombant à genoux. Aiden se lança sur elle pour la relever.

– Qu’est-ce que c’était ? demanda Simha.

– Le dragon de l’Effroi, répondit Lars, nous n’avons plus le choix Aiden.

– Va, mène les autres vers leurs quêtes, je vous rejoins.

– Je ne comprends pas… fit Simha effrayée.

– N’écoute pas sa voix, j’ai besoin de toi pour réveiller mon dragon et celui de Lars. Sans eux, nous sommes condamnés.

Elle se releva, ses ombres reprirent place autour d’elle et du bras d’Aiden.

– Compte sur moi.

09/2130