{19} Leave You Lonely | Words of Science
Le monde n’a pas sa place, si le monde ne nous montre pas les plus belles choses. Bonsoir. Un petit épisode pour le plaisir.
Je ne me permettrai pas qu’elle parte, pas elle. Le monde a encore besoin d’elle — Adam
Adam et Siaelian avaient parcouru du chemin, assez pour atteindre les Grandes Plaines. Personne ne savait vraiment ce qu’il s’était passé ici, pourquoi tout y était si magique. Siaelian n’avait pas compris ce qu’Adam voulait lui montrer. Ils se situaient quelque part dans le sud des plaines, près d’une structure étrange.
– Un escalier en colimaçon ? Au milieu de nulle part ? questionna la fille.
– Exactement, répondit Adam.
– Mais pourquoi ?
– Viens avec moi, au lieu de te poser des questions.
– Non.
– Tu ne me fais pas confiance ?
– Mais ça va s’écrouler !
Adam se mit à rire, regarda une seconde l’immense structure puis se tourna vers Siaelian.
– Jamais, mais si tu ne veux pas venir, moi j’y vais.
Il commença à gravir la tour. Ce n’était pas vraiment un escalier, plus une longue pente vers le ciel. Siaelian se rapprocha de la plaque qu’il y avait à ses pieds, à côté des arbres. Il y était inscrit quelque chose, dans une langue qui lui semblait familière, mais qu’elle ne pouvait comprendre. Elle laissa alors son cœur la guider et suivit Adam.
Au fur et à mesure qu’elle montait, elle découvrait le monde qui se tenait à côté d’elle. Une flore riche, une forêt dense, un paysage sublime. Alors qu’Adam avait déjà atteint le sommet, qu’il observait la fille d’un œil perdu dans ses pensées, Siaelian se laissait aller dans le paysage. Plus elle avançait, plus elle était émerveillée, plus elle se laissait porter. Puis elle arriva au sommet, sur un plateau en verre.
– Qu’est-ce que tu essaies de me montrer ?
Un portail s’ouvrit dans le dos d’Adam, il tendit alors sa main à la demoiselle.
– Toujours plus, lui dit-il avec le sourire.
Elle prit alors sa main et se laissa aller par ses pas au travers du trou de verre. Ils se retrouvèrent sur un autre plateau transparent lui aussi, mais plus haut, plus difficile à atteindre. D’ici tout était visible sous leurs pieds, de la forêt aux grands champs, des plaines, des montagnes. Les Grandes Plaines étaient visibles dans leur intégralité.
– C’est magnifique ! s’exclama Siaelian.
– Bienvenue dans les Grandes Plaines, les terres de la reconstruction du monde, reprit Adam.
– Qu’est-ce que ça veut dire ?
– Après la Grande Guerre, c’est ici que furent utilisés les artefacts pour refaçonner le monde, comme vous le connaissez, comme tu le connais.
– Comment tu peux savoir ça, tu… Oh, oui, le gardien du temps.
Elle fit un blocage sur ce qu’elle venait de dire, elle n’arrivait pas à déterminer comment elle savait qu’il était le gardien. Elle se retourna vers lui, alors qu’un spectre se tenait à côté de lui, puis il vint se placer devant lui pour lui changer son apparence.
– Leo… dit-elle hésitante.
– Je vois qu’une partie de tes souvenirs reviennent, fit l’homme.
– Je sais qui tu es, mais je ne sais pas pourquoi…
– Il s’est passé beaucoup de choses. Le temps ne s’est pas tourné en ma faveur.
– Je ne saisis pas…
– Dis-moi, j’essaierai de t’éclairer.
– En quoi j’ai de l’importance dans cette histoire ?
– Quels sont les souvenirs qui persistent dans ta tête ?
– De vagues souvenirs de mon père et du manoir d’où l’on vient. Pourquoi ?
– À quoi ressemble ton père ?
– Un grand homme, le bouc noir, les cheveux blonds. Et cette veste aux reflets étranges, rouges, marron. Plus j’y réfléchis, plus je me dis qu’il ressemble à toi…
Elle fixa alors son visage, puis une larme naquit dans ses yeux, puis une autre, puis elle fondit en larmes se jetant dans ses bras.
– Papa, dit-elle la voix tremblante.
– Maintenant, tu comprends pourquoi je suis là…
Il se passa quelques minutes. Siaelian dans les bras de son père.
– Mais, pourquoi ne pas me l’avoir dit tout de suite ?
– Tu ne m’aurais jamais cru. Je devais te faire renaître tes souvenirs, pas les forcer. Mais j’ai encore quelque chose à te montrer.
Il créa une sorte de disque sous sa main, accompagné d’anneaux sous ses doigts. Il les fit tourner, créant une vibration sur le disque et avançant le temps jusqu’à la tombée de la nuit.
– Lorsque le soleil s’efface naît la poussière d’azur.
Le soleil finit alors par se faire engloutir par la montagne. La forêt prit alors des aspects magiques, avec des reflets bleus, brillants et étincelants. Tout était féerique, inimaginable.
– J’ai refaçonné le monde dans une seule idée, celle de le rendre meilleur. Pour les Hommes, mais aussi pour mes enfants. Alors oui, cet endroit est magique, surréaliste.
– J’ai l’impression qu’il vous ressemble, à toi et maman, fit la fille.
– T’ai-je déjà raconté comment nous l’avons créé ?
– Je n’ai plus assez de souvenirs pour ça.
Il créa une sphère dans sa main droite, sortant d’une bague en forme d’ange. Il se plongea ainsi que sa fille dans un de ses souvenirs.
– Après la Grande Guerre, il ne restait plus rien. Seules la désolation, la destruction persistaient sur la Terre. Akziel avait tout saccagé, tout englouti. Je me devais de repeupler la planète de ses habitants. Du moins, ceux que j’avais pu sauver. Mais aussi de redonner raison de vivre à ceux qui avaient été victimes du bioReign.
Il lui laissa entrevoir une Terre à l’abandon, que plus rien ne pouvait sauver. Tous les hommes étaient contaminés, zombifiés ou transformés. Les villes anéanties, les terres détruites.
– Alors avec ta mère, nous avons cherché un moyen de rendre sa beauté et sa gloire à la Terre. Pour les Hommes et pour notre enfant. À cette époque, tu n’étais pas née, seul Delsin était avec nous, encore un bébé.
– Qu’est-ce que vous avez fait ? demanda-t-elle.
– Il restait deux choses, que la guerre que nous avions menée n’avait pas détruites. La citadelle, Anathema. Elle est le cœur de ce que nous sommes, une cité des anciens Saory visant à protéger au moins un homme et une femme de chaque peuple détruit. Dans cette citadelle, il y a deux personnes qui possèdent un artefact très puissant. Ma mère adoptive et son véritable fils. Ces deux choses sont deux amulettes, qui ont servi à mon père biologique à créer l’anneau que je porte au pouce.
Il lui présenta alors sa mère adoptive, et Lars, son fils. Eux deux possédaient les formes d’Estian, deux amulettes aux capacités de création inimaginables. Puis il lui montra son anneau angélique, qu’il utilisait pour montrer ses visions.
– Ensuite, il nous fallait une source d’énergie inépuisable, puissante, mais maîtrisable. Pour cela, je suis allé voir le peuple originel de Nova, les Ancestraux.
– Les Ancestraux ?
– Avant les hommes ont vécu des hommes. Ces derniers se sont cachés dans les couches de la Terre et ont créé une civilisation, bien plus avancée que celle de mon peuple. Je leur ai demandé de me prêter une partie de leur énergie. Ils m’offrirent le reliquat des Anciens. Une source de magie très puissante, mais très destructrice. Alors d’ici, nous avons décidé de refaçonner le monde. Avec ces artefacts, nous avons érigé cette tour. Et avec le trésor des Âges, nous avons amorcé cette plante, celle qui se tient sur le piédestal sous la tour.
– Puis le monde se recréa comme je le connais.
– Quelques années plus tard oui.
– Tu m’as dit que maman était enfermée ? Mais comment c’est possible ?
– Deux choses. La première relève d’une fracture temporelle. Je suis techniquement parti lorsque tu avais dix-huit ans. Delsin était déjà parti. Je suis parti une semaine, pour supprimer une horreur de plus qui arrivait à faire n’importe quoi de l’espace-temps. Je reviens sur Terre, dans cette dimension temporelle où tu t’es fait capturer, où ma femme s’est laissée capturer par une fraction aléatoire de ma personnalité dans les formes d’Estian et où j’ai perdu mon cœur…
– Qu’y a-t-il ? demanda Siaelian.
– Je comprends ce qu’il s’est passé. Et je saisis l’envie de Sieg de vouloir créer un inhibiteur aux magies de la Création.
– Je ne te suis pas, qui ?
– Sieg, mon alter ego temporel, a voulu que je crée une arme capable de canaliser et contenir les magies que la Création aurait créée. C’est un katana que j’ai légué au clan Toshima. Ensuite, un clone de moi s’est formé des formes d’Estian. Il a pris le corps d’un humain et a continué de faire sa vie. Je suppose qu’il est à l’origine de ta capture et du combat contre Sieg et Alix.
– Mais comment tu peux affirmer qu’elle s’est fait enfermer ? Elle est bien plus puissante que tout le reste de l’univers.
– Tout comme moi. Mais toutes les choses ont une explication.
– Je ne te suis pas.
– L’Éternelle tire sa puissance de la création, et de la destruction. Dans sa formation de l’univers, sa force vient de sa renaissance. Comme à chaque fois, si personne ne parvient à la tuer, elle restera faible.
– Alors pourquoi s’est-elle fait capturer ?
– Parce que personne n’est capable de la tuer, dit-il regardant sa main s’assombrir. À part moi. Lorsqu’elle a été nommée Éternelle, elle a façonné l’univers tel qu’il est aujourd’hui, comme tous les autres. Mais elle rajouta une chose. Un seigneur de la mort, qui désigne la force des êtres supérieurs, des êtres suprêmes. Phoenix ou l’Éternelle par exemple.
– Qui est ?
– Phœnix lui-même, répondit Adam. Dès lors où le premier seigneur était fusionné avec Phœnix, je suis devenu le seul ayant assez de puissance pour détruire l’Éternelle.
– Alors quoi ? Elle s’est fait capturer parce qu’elle ne peut pas le détruire et parce qu’elle ne peut pas être tuée. Qu’est-ce qu’on fait ?
– On la trouve. Mais jamais quelqu’un comme lui aurait l’idée de garder l’endroit dans lequel elle est retenue.
– Alors où est-ce qu’on cherche ?
– Quel endroit serait assez perdu, ou assez magiquement puissant pour cacher l’énergie d’Alix ?
– Quelque part sous les Grandes Plaines ? Leo tendit alors sa main à sa fille, qu’elle prit aussitôt. Puis le monde changea de couleur, devint orangé, rouge. La tour qui se tenait sous leurs pieds devint alors une nouvelle tour, déstructurée, plus petite devant eux.
– Bienvenue dans les limbes, fit Adam.
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