{24} Nothing and Everything | Eden’s Garden
Aujourd’hui, le monde va changer. Bonsoir. Je n’ai pas envie de faire de description de ce moment, laissons le monde faire.
Je suis l’arme de l’Espoir. Et rien au monde ne me fera tomber. — Siaelian
– Pourquoi ne pas m’avoir demandé plus tôt de la reconstruire ?
– Parce que toute chose doit appartenir à son temps, répondit Adam.
Siaelian venait de passer le portail de la ville. Elle se rendait compte de ce qu’elle venait de créer. Cette ville était la sienne, cette ville était sa création.
– Elle ressemblait à ça ? Dvirel ? demanda Siaelian.
– Non. Dvirel avait plus l’allure d’une ville contemporaine de l’époque.
– T’es en train de me dire que j’ai modifié la ville ?
– Le Trésor des Ages écoute ce que tu lui demandes. Tu n’as pas de véritable image de la ville, tu t’es basé sur des souvenirs de Delsin.
– Et j’ai recréé la ville comme j’en avais envie.
– Maintenant, elle est à toi, dit-il.
– Que veux-tu que j’en fasse ?
– Tu le découvriras bientôt. N’abandonne pas ta patience, dit-il avant de disparaitre.
Elle se retourna à nouveau vers le cœur de la ville, où ses habitants commençaient à reprendre forme. Chacun de ses pas sur les pavés de la ville éveillait un nouveau sens chez elle. Comme si elle découvrait quelque chose de nouveau, quelque chose de magique. Quelques mètres plus loin se trouvaient une place, sorte de centre commercial où chaque boutique qui entourait la place créait plus de vie. Alors que les habitants ne voyaient pas encore la demoiselle, Delsin se tenait devant une de ses boutiques.
– Mademoiselle, fit Delsin.
– Tu savais que j’allais modifier la ville, n’est-ce pas ?
– Ouais. J’ai déjà utilisé cette machine, mais je n’ai pas assez de valeur pour arriver à la garder sans devenir fou.
– Alors pourquoi moi ?
– Si tu veux le découvrir, il va falloir laisser le temps à tes habitants de prendre forme.
– D’accord. Qu’est-ce qu’on est supposé faire jusque-là ?
– Je me suis dit qu’on pouvait te relooker. Ce n’est pas que je n’aime pas ce que tu portes, mais je pense qu’on peut trouver mieux.
– Alors, dis-moi comment, dit-elle.
Il lui montra le magasin devant lequel il se tenait. Elle s’y avança, quelque peu perplexe. Delsin avait l’air d’être plus enthousiaste qu’elle.
– À quoi est-ce que tu veux ressembler ?
– C’est une bonne question. Pourquoi cette tunique Delsin ?
– C’est celle d’Adam. La veste ressemble à la veste de Leo, le gilet et la chemise sont ceux que portait Adam.
– Tu portes cette tenue parce que tu veux ressembler à notre père ?
– En partie oui.
– Je ne veux pas prendre la même tenue que maman.
– Alors choisi, tout ce qui peut te plaire se trouvera ici.
Elle commença par lâcher ses vêtements pour une tunique moulante. Une sorte de body gris qui couvrait tout le corps. Par-dessus, de grandes jambières en cuir et acier, couleur crème, avec des sortes de lanières sur le haut des cuisses pour porter les deux armes qu’elle possédait. Ensuite, elle enfila un grand manteau, avec des broderies victoriennes dessus, une cape repliable sur le bras droit qui se tenait derrière son dos. Le manteau portait une capuche qu’elle décida de ne pas poser sur sa tête. Enfin avec son anneau elle créa une sorte de gantelet sur son bras gauche, un grand gantelet en acier doré avec un badge bleu lumineux dans la paume de la main. Alors elle prit cette coiffure que sa mère lui faisait quand elle était petite. Les cheveux coiffés du côté droit, dessinés par des tresses sur le côté gauche du crâne.
– Waw, tu es superbe Siae.
– Je te remercie Delsin, dit-il elle en finissant de se maquiller.
– Tu sais à qui tu me fais penser ?
– Dis-moi.
– Le Grand Roi, reprit l’homme.
– Yukon ? Qu’est-ce qu’il a à voir là-dedans ?
– Il n’était pas seulement le premier seigneur de la mort. Mais tu as oublié n’est-ce pas ?
– Qu’essaies-tu de me dire ?
– Regarde-toi dans le miroir, regarde ta tunique. Regarde ton aura.
Elle se déplaça à nouveau vers la glace, regardant sa tunique violette brodée de fil d’or. Puis quelque chose apparut derrière elle, une sorte d’ombre qui portait l’apparence de Phoenix. Immense et sombre, avec ce cœur de lumière bleue.
– C’est ça qu’il essaie de me dire. Je suis l’héritière de Yukon !
Delsin se mit à sourire, alors qu’il était encore posé sur le bord de la porte. Siaelian se tourna alors vers son frère, courant vers lui pour le serrer dans ses bras.
– Alors cette ville ? reprit Siaelian.
– C’est la cité libre, enfin l’interprétation que tu en as.
– J’arrive pas à y croire…
– Pourtant c’est le cas. Tu es prête ? demanda-t-il en montrant le centre de la place.
– Allons-y.
Les deux avancèrent sur la place, quelques mètres plus loin, Delsin se stoppa devant une autre boutique alors que la jeune fille continua d’avancer. Quelques mètres seulement avant qu’elle ne se rende compte de sa disparition.
– Delsin ?
– Oui, je suis là.
– Qu’est-ce qu’il se passe ?
Ils étaient passés devant une boutique de vinyle, que Delsin remarqua dès le début. Il était émerveillé devant les collections qu’il pouvait y avoir, surtout d’ancien vinyle qui datait de la Grande Guerre ou d’avant.
– Tu en cherches un en particulier, demanda Siaelian.
– Oui, un seul. Le seul qu’il me restait et que j’ai laissé dans le manoir des parents.
– Dis-moi ce que c’est, je pourrais peut-être t’aider.
Quelques secondes après, il tira des étagères une pochette, dont la couverture représentait un ciel bleu, avec quelques nuages et une demi-lune à peine visible. Il demanda alors au magasinier s’il pouvait mettre le vinyle sur la platine qu’il y avait à côté de lui. Ce à quoi il répondit oui, évidemment. Alors l’homme aux cheveux gris sortit l’un des deux vinyles, le second. Il chercha la face B, pour trouver un morceau particulier. Il plaça enfin le vinyle sur la platine, puis déplaça la tête pour écouter un seul morceau, juste celui-là.
L’album qu’il avait cherché était vertigo d’Eden. Ce vinyle appartenait à son père, il lui a donné le jour où Delsin utilisa pour la première fois la platine de son père. L’album était sorti en 2018. Mais il y avait plus que ça. Ce morceau, qui se trouvait être l’avant-dernier de l’album s’appelait : love ; not wrong (brave). Il commençait de cette manière :
“And I know I’ve been closing myself off, unsure
I know I’ve been real hard to reach, harder to love
I know it’s tiring this shit, is getting old”
Puis le refrain, qui fit fondre Delsin en larmes :
“And I just want you to feel Love
Before it disappears
Cause we are more than we’re not
So never fear to feel
Good when everything’s wrong
And find some beauty there
Cause all we ever are is brave
And your worlds’s not ending”
Siaelian se rapprocha alors de son frère, les téléportant à l’autre bout de la ville, sur une sorte de plateau en hauteur. Alors Delsin qui entendait encore la chanson, se mit à chanter :
“So I won’t go
I’m still living in the middle of a one-way war
I can’t fight it but I’m trying to be what you want, yeah
You can’t sing but you’re singing this anyway
And anyway, so please just hold on to me
This is no end, we’re not finished here
Finding our way, we’re just changing
Becoming more than I think of me, yeah
These fears in my head, dreams in my bed
They won’t get the best of me, yeah
’Cause I chase dreams ’till the end
These nightmares all bend
Silver linings are all I need”
– Ce démon réveilla mon suprême et toute la colère qu’il portait. Il avait pris possession de Sarah, alors pour la libérer je l’ai laissé la tuer. J’ai choisi ce morceau parce que c’est celui qui passait lorsque je l’ai assassiné.
Il fit alors apparaitre dans sa main droite une hache, qu’il tenait dans la main par un manche au niveau de la lame. Une lame en forme de croisant, taillée à l’intérieur. Elle était encore rouge, tachée par le sang de Sarah.
– C’est la seule arme que notre père m’ait donnée, c’était la première fois que je l’utilisais, mais aussi la dernière. J’aurais pu la sauver, extraire le démon et le détruire ensuite, mais je n’ai pas réussi.
– Tu ne pouvais pas le contrôler. Mais tu peux encore changer ça, fit Siaelian.
– Non. Je n’ai ni la capacité ni l’envie de revenir en arrière pour la sauver. Si c’est pour me rendre compte que les suprêmes sont dangereux une fois que j’aurais détruit la planète.
– Je respecte ton choix.
– Laisse Acarnus tel qu’il est, tant que je peux le maitriser.
Siaelian se retourna quelques secondes, pour admirer ce qui se trouvait derrière elle. Lorsque la nuit tombe, le point d’observation devenait un endroit magique. Toute la montagne disparaissait, comme absorbée par le léger brouillard qui y résidait en permanence. Entre cette dernière et l’endroit où l’on pouvait se tenir se présentaient deux flancs de collines. Entre les deux, une ville qui persistait. D’ici et à cette heure avancée, seules les lumières qui l’animaient étaient visibles. Lorsque le brouillard était assez épais, ou que des nuages flottaient au-dessus de la cuvette dans laquelle se noyait la ville, tout le paysage changeait de forme. Seuls les premiers éclairages étaient visibles, formant comme une sorte de côte résidant derrière les collines. Enfin, les nuages absorbaient assez de lumières pour laisser imaginer la mer derrière, une eau à perte de vue, au cœur des montagnes.
– Comment tu souhaites l’appeler ta cité ?
– Synesthesia.
Synesthesia était visible depuis deux endroits sur la planète, la tour et cette ville qui résidait dans les montagnes. Personne ne savait vraiment d’où elle venait, juste qu’elle était là depuis la création, ou presque. Il y avait une sorte de ressemblance mystique entre la manière dont Siaelian avait formé Synesthesia et la cité montagnarde. Comme si les deux étaient posées sur un flanc de colline parallèle l’une à l’autre. La grande différence qui les séparait était la couleur qui prédominait de chacune d’entre elles. Synesthesia s’illuminait d’une lueur bleutée à la tombée de la nuit, lorsque sa sœur jumelle devenait rouge.
– Et cette ville là-bas, qu’est-ce que c’est ?
– Dvirel, répondit Delsin.
– Quoi ?
– Je savais que l’anneau que tu portes était plus puissant que l’Éternelle elle-même. Avant mon départ, j’ai voulu trouver un moyen qui me ferait revenir Sarah sans avoir à détruire la moitié du temps. J’ai recréé Dvirel, presque semblable à Synesthesia.
– Alors c’est de cette Dvirel que j’ai récupéré les souvenirs.
– Exact. Mais ce que j’ai demandé à l’anneau n’a pas fonctionné. J’ai recréé une ville, mais pas Sarah.
– Elle te manque ?
– Évidemment qu’elle me manque. Mais elle est morte il y a quatre-vingt-dix-huit ans de ça, le jour où je suis parti.
Les inscriptions sur l’anneau de Siaelian avaient changé de forme, les lettres étaient compréhensibles et laissaient apparaitre ceci :
« Is é an dóchas an t-aon rud atá fágtha don chine daonna, toisc go bhfuil gach rud eile scriosta aige cheana féin »
– Tu sais ce que ça veut dire ?
– Aucune idée, cela ne fait pas partie des langages que je maitrise, répondit Delsin.
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