Page du livre
Partie 1 : Until We Have Faces
La nuit s’en était allée, et le soleil s’élevait à nouveau dans le ciel, loin dans l’espace sans fin. Un jour encore loin de cette lumière qui nous mène vers la fin.
Il y avait ces mots qui résonnaient, ces paroles qui avaient été prononcées avant notre départ, avant notre mort.
Just one time
All I need
Calling from the bottom
But you don’t hear me
Stuck in time
Stuck in me
Broken on the bottom like a refugee
Réveille-moi quand la nouvelle aube viendra
Ensemble nous chevaucherons le Soleil
Le futur est un pistolet vide
Nous leur tirerons dessus un par un
Jeudi 12 février 2015.
Alix se réveilla, sans aucune trace d’Adam auprès d’elle. Elle s’imagina qu’il s’était perdu dans le temps ou l’espace pour apprendre à maitriser cette magie qui lui paraissait si symbolique. Elle ne tarda pas à rejoindre le café, où son compagnon aurait pu s’y trouver. Toujours aucune trace de lui. Elle s’y installa et commanda un chocolat chaud. Quelques minutes plus tard, elle interpela une conversation, de deux hommes qui revenaient de la cathédrale.
« Tu imagines ? Ils ont osé ouvrir le tombeau de la cathédrale ! fit l’un des hommes.
– S’ils l’ont fait, c’est qu’ils doivent avoir une bonne raison.
– Ils ont profané la maison de Dieu !
– Arrête, toutes les anciennes maisons dédiées à Dieu ont une crypte ou quelque chose du genre. Il faut bien qu’un jour on les découvre. »
Il était intéressant de voir à quel point les habitants de la ville avaient été coupés du monde, ils paraissaient comme ignorants de tout ce que le reste de la planète vivait, alors qu’ils étaient les seuls que le virus avait épargnés.
Alix s’intéressa à leur conversation, jusqu’à quitter le bar et rejoindre la cathédrale après avoir fini son chocolat. Elle entra dans le monument qui semblait vide, sans aucun bruit. Le grand dôme seul illuminait la plus grande partie de l’édifice, laissant décoré d’or l’immense lustre qui la surplombait. Devant elle, cette tombe sur laquelle elle avait déjà aperçu Adam assis. Mais pour autant, aucune trace de l’homme en noir. Elle s’approcha de la tombe, qui avait été déplacée depuis hier. Elle dévoilait un escalier d’un aspect qui avait paru si singulier à Adam déjà. Elle descendit les marches, entourée par ces pierres si blanches et ces liserés d’or qui les parcouraient. Cet endroit avait laissé Alix bien plus émerveillée qu’Adam qui n’avait en tête que ce qui se trouvait au bout de cette crypte.
La lumière qui avait éclairé Adam à son arrivée s’était éteinte. Pourtant, la femme décela un éclat qui produisait une faible lueur au loin. Elle s’approcha, et la salle s’illumina à nouveau. Devant elle, ce puissant être attaché dans la stèle par des liens énergétiques et, allongé sur le sol, son compagnon. À sa vue, elle s’empressa d’aller vers l’homme qui semblait sans vie, sans se soucier de la menace que pouvait être la créature attachée. La peau d’Adam était devenue blanche, les veines apparaissaient sur son visage, empli de noir. Il avait essayé à son tour d’animer la créature, mais y laissa sa vie. Alix ne ressentait aucune trace de Leo, son compagnon était mort.
Derrière elle, la créature s’animait, non sans effort. Elle pointa son index vers l’homme, projetant sa main tremblante et impossible à fermer complètement. Ce signe que son membre dessinait ressemblait à la main d’Adam dans la peinture de Michel-Ange.
Alix releva les yeux vers lui, chargés par les larmes. Elle ne pouvait déceler l’émotion de l’être enchainé, son visage n’avait pas d’yeux, ou de bouche comme un humanoïde. Alors, elle entendit ceci.
« L’anneau… fit l’être d’une voix tremblante. »
La créature pointait l’anneau qu’Adam portait à l’index de ce même doigt. Alix s’inquiétait, à ne pas pouvoir déceler les intentions de la chose devant elle.
« L’anneau… répéta-t-il de sa voix tremblante. »
Alix regarda la pièce de métal qui avait pris la forme d’une femme sans tête dotée d’ailes.
« Je… peux… aider… »
Cette voix sonnait très semblable à celle de Phoenix, lors de sa première apparition. Une voix puissante, rauque, tremblante et effrayante.
« Qu’est-ce que tu m’offres en échange ? demanda Alix la voix perdue dans les sanglots.
– Le… sauver… répondit-il après quelques secondes »
Alix retourna ses yeux sur son compagnon, qu’elle observait sans vie depuis quelques minutes. Elle retira alors l’anneau de l’index d’Adam, non sans efforts. La pièce de métal reprit sa forme d’anneau de pierre et de fer poli. Elle le posa dans sa main et l’éleva vers la créature. Le bijou se vit instantanément projeté au doigt de l’être attaché, qui l’utilisa pour briser ses liens. La créature s’avança, flottant toujours dans les airs, s’approcha d’Adam.
« Recule, dit-elle »
Alix se releva, posant Adam au sol. La créature s’avança vers l’homme en noir, puis le souleva de sa main gauche. Une aura de plumes blanches se dessinait autour d’Adam pendant qu’il s’élevait. Alix restait sur la défensive, elle n’offrait qu’une part de confiance à cette chose qui prétendait vouloir aider son compagnon.
Adam se retrouva à la même hauteur que la créature de pierre, puis les deux êtres explosèrent dans un puissant flash blanc. Alix perdit la vue sur ceux qui se tenaient devant elle. La lumière s’en alla, laissant apparaitre alors uniquement la créature de pierre et de fer. Il tenait dans le creux de sa main l’anneau que lui avait donné la femme. Il referma sa main, explosa l’anneau qui s’y trouvait pour le réduire en poussière. La disparition de l’anneau enragea Alix, qui laissa la place à cette forme lumineuse, si caractéristique de l’Éternelle. Elle s’élança sur lui, le pointant de sa lance dorée. L’être la stoppa de sa main droite. L’armure dorée de l’Éternelle s’assombrissait, les flots de lumière qui l’accompagnaient disparaissaient, devenaient grisâtre, comme les ailes que portaient Phoenix.
« Tu t’efforces inutilement Alix, arrête. »
L’être lâcha l’emprise sur la femme, Alix stoppa sa lancée vers la créature. La lumière qu’émettait l’Éternelle laissait paraitre les flots de dorures que portait le corps de la créature qui se tenait devant elle.
« Qui es-tu ? demanda Alix »
Il laissa disparaitre l’aspect casque intégral que sa tête laissait paraitre. Sous les plumes qui s’en allèrent, il laissa apercevoir le visage d’Adam. Les cheveux longs, les pièces d’acier qu’il portait sous les yeux pour ses lunettes. Seul, son cou jusqu’à sa mâchoire avait été remplacé par le corps de la créature de pierre.
« Je m’appelle Vohn. Je ne cherche pas à te nuire Alix.
– Pourquoi as-tu le visage d’Adam ? demanda-t-elle.
– Parce que je suis Adam. J’aurais beaucoup de choses à te raconter, si tu m’accordes ta confiance.
– Comment suis-je censé t’accorder ma confiance ? Tu viens d’absorber ou de tuer mon compagnon ! dit-elle sur la défensive.
– Je comprends ta frustration. Mais je cherche la même chose que toi Alix. La même chose que vous. Permets-moi de m’expliquer… »
Vohn tendit sa main à Alix. Sa main aux doigts pointus dorés. Même si le visage de la créature ne semblait pas montrer d’émotions, il possédait une étrange aura apaisante, un calme sans pareil. Pour autant, Alix ne lui offrait pas cette confiance.
« Ça n’arrivera pas ! Je… »
Vohn referma sa main doucement, alors qu’Alix plaquait ses bras sur son ventre.
« Non, pas maintenant… dit-elle dans la douleur.
– Ton enfant est déjà là. Laisse-moi…
– Non ! Ne t’approche pas ! s’exclama-t-elle toujours souffrante. »
Vohn posa un pied au sol, puis le second. Il laissa apparaitre à nouveau le corps de l’homme en noir, dans un tourbillon de plumes blanches. Adam s’avança vers la femme, posa sa main sur son épaule tandis qu’Alix se courbait de plus en plus sous la douleur.
« Je peux t’aider Alix, mais tu dois nous faire confiance.
– Nous… dit-elle hésitante. »
Elle ouvrit les yeux quelques secondes et aperçut devant elle la veste noire qu’elle connaissait si bien de son compagnon, mais elle voyait le visage de Leo devant elle.
« D’accord… dit-elle toujours sous la douleur »
Adam les téléporta sur la Grande Horloge, dans une salle qui ne semblait être ici que depuis quelques minutes. Alors, le temps s’enfuit, l’Horloge tourna, et laissa place à une petite fille eux cheveux argentés. Quelques jours s’en allèrent, le temps qu’Alix retrouve le repos, que la fille trouve le sien aussi. Adam avait laissé sa femme seule, il se préoccupait seulement de sa fille. Ce jour-là, Adam se tenait dans cette salle qui semblait laisser voir tout l’univers et Alix vint le rejoindre.
Dimanche 15 février 2015.
« Est-ce que ça va ? demanda la femme.
– C’est plutôt moi qui devrais te poser cette question.
– Je me sens bien, mais je suis perdue… Étais-tu obligé de te sacrifier pour… lui ?
– Oui, je l’étais. Il, enfin, nous sommes lui et moi, quelque chose de bien plus grand.
– Tu as encore trouvé un nouvel être à modeler à ton image ? demanda Alix.
– Je ne le modèle pas à mon image. Vohn est un être bien plus puissant que nous le sommes. Et toi aussi. Mais j’aurais le temps de t’en parler bien mieux plus tard.
– Comment ça moi aussi ?
– Avant toi, l’Éternelle, il y avait eux. Il y avait trois êtres dont la force était bien différente de celles que nous connaissons. Et tout notre périple, et ceux des personnes qui nous ont menés jusqu’ici font partie de ce qu’ils sont.
– Et ce sont ?
– Des dieux, de véritables dieux.
– Hortense est réveillée, fit la voix.
– Profite, fit Adam montrant les étoiles à sa femme. Je vais m’occuper d’elle. »
L’homme en noir s’en alla vers la chambre de sa fille qui pleurait. Il la sortit du lit, la prit dans ses bras et la borda. Il ne lui fallut que quelques secondes pour stopper ses pleurs.
« La fille aux cheveux d’argent… Je suis navré que ton destin soit si tragique. Tu n’es voué qu’à perdurer jusqu’à ce qu’elle vienne prendre ta place… Comme j’ai laissé sa place à ton père… »
La fille s’était endormie. Adam la reposa alors dans le lit, puis retourna voir Alix. La femme s’était assise au bord du sol en verre. Vohn avait un souvenir d’une scène semblable, mais la personne assise était une femme aux cheveux bleus.
« Alors, comment est le monde à travers tes yeux Vohn ?
– Tu as entièrement accepté que je n’existe plus ? demanda Adam.
– Non, je… J’espérais après notre combat contre Akziel, tous les sauvetages que j’ai faits pour t’attendre et te retrouver. J’espérais que nos vies deviendraient bien plus simples…
– Elles peuvent l’être, mais cela prendra plus de temps que tu l’espérais.
– Qu’est-ce qu’il est alors ? Qu’est-ce que vous êtes ? demanda-t-elle. Qu’est-ce qu’il s’est passé cette nuit-là ?
– Tu te souviens que je parlais d’un rêve où je me voyais, à genoux devant toi, les mains en sang ? demanda Adam.
– Je m’en souviens oui.
– Ce n’était pas toi. C’était Vohn. Cette nuit-là, Leo m’a poussé à le réanimer. Et, c’était étrange, comme si ses mots étaient prédestinés. Comme s’il savait déjà que je viendrais ici, que je devais y laisser ma vie pour lui.
– Et c’était le cas ? Ça ressemble à tes paroles, notre périple n’est ici que pour ce qu’ils sont…
– Toute cette histoire est bien longue à expliquer. Mais oui. Il y avait une étrange trame écrite par des tas d’individus avant nous pour que je retrouve Vohn et lui donne la vie à nouveau.
– Tu parlais d’eux. Qui sont-ils ? demanda Alix.
– Dans nos croyances, à l’origine du monde, il y avait les Éternels. Et même si cela n’a rien de faux, avant les Éternels et leurs cycles de vie, il existait un trio d’êtres singuliers. Ils les appelaient La Trinité et ont donné vie aux Saory. Du moins, à une civilisation Saory dont sont originaires tous ceux que notre cycle connait aujourd’hui. Les Éternels sont le résultat de la chute de cette première civilisation. Ils souhaitaient que leur monde perdure alors, ils ont créé un édifice que personne ne connait. Il se nomme Pendulum et choisit tour à tour le Saory qui renaitra en tant qu’Éternel.
– Ils sont tous morts ? Et la trinité avec eux ?
– Non, répondit Adam. Ils sont morts à cause de leur envie de grandeur. Ils ont essoufflé leurs ressources, réduit à néant les planètes qu’ils ont habitées et déstabilisé leur étoile jusqu’à ce qu’elle explose. Bien avant cela, la trinité a créé un quatrième être à l’image des Saory. Un projet d’être vivant nommé Wraith qui avait pour but de protéger et de servir les Saory. Mais ils en ont pris le contrôle et ont assassiné les trois vivants qui leur avaient donné la vie.
– Et… il est nécessaire de leur redonner vie ?
– Il existe plusieurs raisons pour lesquelles les Éternels ont tous chuté les uns après les autres, reprit Adam. Le fait qu’ils aient conservé leurs idées de grandeur Saory, ou le fait que leurs lignes temporelles se soient écrasées. Le temps s’érode, et la seule raison à cela est qu’Ash, un des deux autres êtres de la Trinité est perdu et sans vie depuis leur chute. Le temps se détruira continuellement tant que personne ne l’aura retrouvé et rendu la vie.
– On doit retrouver les deux ? demanda Alix ?
– Et ça n’aura rien de simple, répliqua Vohn. J’ai des souvenirs, je sais comment notre retour a été prévu. Je sais comment retrouver Eva, mais je n’ai aucune information pour Ash.
– Par où doit-on commencer ? Il faudra que j’accueille l’une d’entre elles aussi ?
– Lorsque nous aurons retrouvé Ash, oui.
– Pas tout de suite en d’autres mots.
– Non, fit Adam froidement.
– S’il y a d’autres moments marquants que tu connais, j’aimerais que tu me le dises. »
Adam laissa un blanc, quelque temps pour réfléchir et retrouver les souvenirs du nouvel être avec lequel il vivait qui pourrait perturber sa compagne.
« Hortense devra mourir…
– Alors que ce n’est qu’un enfant ?
– Pas aujourd’hui Alix. Dans vingt ans. Eva n’existe pas dans notre ligne temporelle. Elle prendra naissance dans le corps d’une autre de nos filles, dans cette autre ligne. Et cette dernière en viendra à tuer Hortense pour prendre sa place parmi nous.
– As-tu besoin d’aide pour que cela se déroule sans accrocs ? demanda Alix.
– Non, c’est déjà fait, répondit-il avec le sourire. Il ne reste qu’à attendre le point de rapprochement des lignes qu’elle créera. »
Alix restait circonspecte. Des tas d’informations venaient de lui être donnés et elle en venait presque à revoir toute sa façon de penser l’univers.
« Prends le temps qu’il te faut, il faut que je réfléchisse à la suite, quelle qu’elle soit, fit Adam.
– D’accord. »
Quelques jours de plus s’en allèrent, et Vohn tournait dans la Grande Horloge en ne croisant que rarement Alix. Il prenait du temps pour Hortense, s’occupait d’elle, l’aidait à s’endormir, lui donnait à manger. Il ne paraissait pas inquiet du fait de ne jamais croiser sa mère. Il ne semblait inquiet d’aucune chose qui pouvait se dérouler, bien ou mal. Il était singulier d’observer Adam bordé par autant de calme et de sérénité. Et pourtant…
Vendredi 20 février 2015.
Alix s’était laissée guidée par ces paroles que l’homme en noir semblait chanter dans une des pièces de l’Horloge.
Loving
Hating
Hoping
Faking
La femme trouva Adam, dans une pièce qui représentait en hologramme, une habitation au style très particulier. Une architecture qui ressemblait à celle que portait le tombeau de Vohn. Elle s’approcha de lui, Adam se tourna vers elle.
« C’était chez toi ? demanda Alix.
– Chez moi est un bien grand mot, répondit-il.
– As-tu une notion du temps qu’il s’est passé ? Depuis votre mort je veux dire.
– Je n’en ai aucune idée. Il y aurait des solutions pour le savoir, mais cela n’est pas ma priorité.
– À quel point, il prend de la place ? Ou tu prends de la place ?
– Tu te demandes si je suis plus Adam que Vohn ? À vrai dire, je n’en sais rien. Vohn me donne l’impression d’avoir été dans ma tête depuis très longtemps. Pourtant, je ne me sens pas si différent de ce que j’étais auparavant.
– Je peux le voir ? Tu as un contrôle sur son apparence ? »
Adam disparut dans un tourbillon de plumes blanc écarlate autour de lui, et laissa apparaitre cette créature, à l’esthétique si particulière. Un corps humanoïde, à la peau blanchâtre. Il arborait des pièces d’acier sur son corps, une grande cape noire qui recouvrait la moitié de son torse. Deux cornes, deux pièces d’acier sur sa tête, dont la partie arrière semblait dessiner une couronne de laurier. D’étranges pièces cristallines semblaient flotter autour de lui. Son bras droit et sa cape laissaient s’en aller vers le haut des particules verdâtres. Son corps paraissait stellaire, indescriptible. Même Phoenix qui possédait une apparence complexe paraissait plus humain, plus « vivant ».
« C’est très perturbant de te voir ainsi. J’avais réussi à m’habituer à la peur qu’inspirait Phoenix… fit Alix.
– Je dois t’avouer qu’il est étrange pour moi aussi, de me sentir dans mon corps, et d’observer à nouveau à travers mes yeux.
– Comment ça ?
– Comme je l’ai déjà dit, j’ai l’impression d’avoir toujours vu à travers les yeux d’Adam. Ce qui est très perturbant.
– Est-ce qu’ils te manquent ? Eva et Ash ?
– Je n’ai pas l’impression qu’elles me manquent, mais je ne sais pas vraiment qui persiste entre moi et Adam. J’ai l’impression que nous sommes la même personne depuis longtemps.
– Depuis Leo ? demanda Alix.
– C’est possible, répondit le démon. Et toi ? Comment te sens-tu face à moi ?
– Je ne sais pas. J’ai eu peur quand je t’ai vu, quand j’ai aperçu Adam, mort au sol. J’ai peur de savoir comment va évoluer ma vie, notre vie avec toi et avec Adam. J’ai peur de le voir disparaitre et me sentir perdue sans lui.
– Adam aussi, semble avoir peur de s’éloigner de toi. »
Le silence s’installa à nouveau, alors que le regard de Vohn était indiscernable. Alix observait le démon qui se tenait devant elle, comme une créature particulière, mais qui lui semblait pourtant si commune.
« Que souhaites-tu faire ? demanda Vohn.
– Comment ça ? demanda Alix.
– J’ai d’autres quêtes à mener, veux-tu m’accompagner ? Ou préfères-tu rester avec Hortense ?
– Que veux-tu faire ?
– Retrouver Sieg, Sorohzinsah.
– Je crois que je vais rester avec Hortense.
– Va où bon te semble. Prends soin de toi et d’elle. Retrouve-moi ici ou sur Terre lorsque tu seras prête pour mettre fin à la folie d’Akziel. »
Elle retourna dans la chambre d’Hortense et Adam ne croisa pas Alix à nouveau dans les couloirs de l’Horloge.
Mardi 24 février 2015.
Adam avait rejoint la Tour, grande statue de marbre qui avait survécu à toutes les horreurs que l’Aldorien avait fait vivre à la Terre. Derrière elle, se tenait toujours Anathema, dans ses couleurs si brillantes.
« Crois-tu qu’il soit encore ici ? demanda le démon.
– Je n’en sais rien, mais je n’ai aucune idée de l’endroit où il aurait pu aller. Souviens-toi, l’Horloge est incapable de le localiser.
– Très bien, allons-y alors. »
Adam avança vers la Tour, entouré d’une étrange aura qui semblait être Vohn, flottant autour du corps d’Adam. Devaient-ils finir par ne faire qu’un ? Où était-ce déjà le cas ?
Il se présenta devant la porte, qui s’ouvrit presque aussi tôt. La voix de Kat se fit entendre dans la structure « Bienvenue Leo », mais ce nom semblait étrange à celui qui venait de pénétrer dans le sanctuaire des Anges. Malgré la forme puissante de ce bâtiment, Adam se retrouva face à un escalier et rien d’autre. Avec un étrange sentiment d’avoir déjà vu cette forme de la Tour. Il gravit les marches, atteignant une grande salle avec une cuve au fond. Cette même cuve qu’il avait aperçue, la première fois qu’il avait pénétré ce bâtiment. « Amène-moi devant lui, fit Vohn. » Adam s’avança jusqu’à la cuve, puis se sépara du corps de Vohn, allant rejoindre la console de la stase. Vohn semblait comme figé, inerte face à la stase de l’Onyx.
« Es-tu sûr qu’il pourra supporter un autre être ? demanda le démon.
– S’il y en a bien un capable de faire cela, c’est lui, répondit Adam.
– J’ai encore le sentiment de l’avoir vu avant…
– Si tu as l’impression de voir à travers mes yeux depuis des années, alors oui, il me suit depuis que je suis en vie. Peut-être bien avant même. »
Adam s’éloigna de la console, laissant toujours le corps de Vohn statique. Il s’approcha d’une table qui se tenait dans un coin de la pièce. S’y trouvait un grimoire, calciné. Tout n’avait pas brulé, mais le contenu des pages était illisible, pour celles qui restaient. Cependant, seule une phrase était encore lisible sur la dernière feuille. « Rêves-tu d’Armageddon ? » Le grimoire portait une gemme rouge sur sa couverture, Adam semblait connaitre cette relique. Il se passa quinze minutes, autant de temps où l’homme en noir tourna et retourna les pages du livre pour découvrir d’autres écrits. En vain. Sieg vint interrompre sa recherche, dans son élan spectaculaire. « Adam ! » L’homme aux cheveux rouges s’élança sur le corps de Vohn encore inerte, pensant qu’il était celui d’Adam ou de Phoenix certainement.
« Attends, j’ai raté quelque chose encore, fit Sieg.
– Tu as toujours un train de retard Sieg, fit Adam en souriant. »
L’homme en noir se propulsa dans un flot de particules dans le corps de Vohn, conservant son apparence humaine.
« OK, donc, tu as changé l’apparence de Phoenix ? Tu peux le faire sortir de ton corps ?
– Non Sieg, je… Attends. Tu te souviens comment tu es revenu ici ?
– Je me souviens du coup que t’a asséné Akziel. Puis plus rien.
– Tu ne te souviens pas avoir brulé ton livre ? demanda Adam.
– Mon, livre ? Quoi ? NON ! »
Sieg se précipita à la place qu’avait Adam, prit le livre calciné entre les mains.
« Que s’est-il passé ? fit Sieg effrayé.
– Kat était pourtant persuadée que tu étais conscient de ce que tu faisais.
– Redémarrage des services de la Tour dans une minute, fit la voix. »
L’aura de Vohn apparut à nouveau autour d’Adam, laissant sa voix flotter dans la pièce.
« Tu m’avais dit qu’il serait prêt, fit le démon.
– Je suis aussi stupéfait que toi Vohn, répondit Adam.
– Vohn ? Mais qu’est-ce que tu racontes Adam ? De qui parles-tu ? s’étonna Sieg.
– La Tour est en service, veuillez sortir de la salle de confinement. »
Adam sortit de la salle par la porte qui venait de s’ouvrir dans le mur. Suivi de près par Sieg qui restait sans voix ou captivé par ce qui semblait flotter autour du corps de son ami. Ils rejoignirent la grande place qui se tenait entre les ailes de la structure. Adam stoppa ses pas face à la cité aux mille couleurs qui se trouvait derrière la Tour. L’homme en noir regarda Sieg, qui l’observait en retour, circonspect.
« Combien de temps s’est-il passé ? demanda Sieg.
– Bientôt un an, depuis notre attaque contre Akziel.
– Et ? Que s’est-il passé ?
– J’ai été éjecté de la Terre. J’en suis revenu, j’ai essayé de retrouver des personnes. Je suis tombé sur des traces de l’Éternelle. J’ai tout fait pour la retrouver, et elle a réussi à trouver mes traces avant moi. Puis, quand nous nous sommes rejoints, tout est devenu très compliqué, très vite.
– Étonnant, répliqua Sieg.
– Pour résumer, j’ai voulu montrer à Alix ce qu’il se passerait si je risquais de remonter le temps pour tuer Akziel, et empêcher l’épidémie. L’Horloge nous montra des horreurs de l’Univers. Mais lorsque nous sommes partis à travers un portail, nous ne sommes pas arrivés là où je voulais aller.
– Vous êtes arrivés à La Havane ? C’est ça ?
– Je croyais que tu n’avais pas de souvenirs ?
– Quels souvenirs ? s’étonna Sieg.
– Pourquoi me parles-tu de La Havane ?
– Je… »
Sieg détourna son regard, il a amené une information dont il ne semblait pas avoir tous les détails.
« L’Horloge m’a montré ce que tu as fait. Du moins, elle m’a montré une grande partie.
– Elle t’a montré des choses que tu n’aurais pas dû voir ? demanda Sieg.
– Rien d’effrayant. Mais, j’ai besoin de ton aide pour retrouver quelque chose. Enfin, quelqu’un.
– Comment ça quelqu’un ? »
Adam passa derrière Sieg. Il reconnut le dessin que ce dernier portait sur le dos de sa veste. Il l’avait observé des années durant, sans jamais se rendre compte que ce symbole existait dans la cathédrale d’Anathema.
« Tu sais pourquoi ce symbole est sur ta veste ? demanda Adam.
– Tu parles de l’anneau ?
– De l’ensemble.
– Je crois que je ne me suis jamais posé cette question.
– J’ai vu ce signe dans la cathédrale d’Anathema, sur les images que m’a montrées l’Horloge. Il semblerait que tu aies essayé de la rejoindre, mais la citadelle ne t’a pas laissé rentrer.
– Je crois que je me souviens de ça… fit Sieg perturbé.
– Allons-y alors. Je crois savoir ce que tu y cherchais. »
Partie 2 : Glass House
Adam et Sieg rejoignirent Anathema, l’arche qui se tenait à la base des deux ailes de la Tour. Personne n’était jamais entré dans la citadelle de cette manière, personne depuis sa recréation.
« Je n’avais jamais observé les détails de cette porte, elle est magnifique !
– Les Saory savaient utiliser l’architecture, je dois le reconnaitre, répondit Adam.
– Mais pourquoi être venus ici ? Ne pouvions-nous pas passer le bouclier ?
– Tout est devenu compliqué depuis notre combat contre Akziel, Sieg. Et cela comprend le fait que nous ne sommes plus les bienvenus dans cette cité.
– Quoi ? Mais, comment ?
– Es-tu déjà entré de tes propres moyens dans la citadelle ? demanda Adam.
– Il me semble, je ne crois pas…
– Kat ?
– Sieg Wahrheit n’est pas autorisé à accéder à Anathema, répondit la voix.
– Mais c’est de la folie ! s’exclama Sieg. Comment ne suis-je pas autorisé à entrer ?
– Parce que j’étais le seul à y avoir accès. Leo était le seul à y avoir accès.
– Et il est ?
– Absorbé. Détruit. Mort, en somme.
– Mais la cité ne te reconnait pas non plus ? s’étonna Sieg.
– Nous nous sommes trompés Sieg. Quelque chose d’important nous attendait dans la cité, mais nous sommes passés à côté.
– Il y a des choses que je ne comprends pas… fit Sieg.
– Je peux nous amener à la cathédrale. Une fois là-bas, tout deviendra beaucoup plus simple. Toutes tes questions seront résolues. Du moins presque toutes.
– Et cela implique ?
– Que l’on change de plan, répliqua Adam. »
Adam a passé, d’innombrables heures dans les limbes. Mais ce que l’on connait de cette phase du monde, ressemble à une couche du vivant, où subsistent uniquement les démons. Rien n’est aussi simple qu’un endroit où ne vivent seulement certaines créatures. Les limbes ne sont qu’un plan d’un monde bien différent, qui persistent sur certaines planètes comme la Terre. Mais cela, je laisserai Vohn en parler. Derrière cette phase où tout se détruit se tient Stanahain. C’est ici que Adam les transporta.
Tout autour prirent des couleurs fades, ornés de vents verdâtres. Tout était mystique, et semblait porter la mort. Devant eux, la cité aux mille couleurs avait pris cette teinte argentée. Adam désigna la porte de marbre qui semblait avoir fondu pour laisser son ami mener la marche. Sieg avança, jusqu’à la cathédrale. La ville qui paraissait tout le temps pleine de vie était morte. Tout était mort, elle ne respirait que le néant. Sieg s’était arrêté devant la porte, attendant Adam.
« Je t’en prie, dit l’homme en noir.
– J’ai un étrange sentiment, fit Sieg.
– Un déjà vu ? Où est-ce les vrombissements qui te donnent l’impression que tu es proche de la mort ?
– Je ne sais pas…
– Ne t’en fait pas, fit Adam, tu ne crains rien ici. Tout ce qui se tient là-dedans n’est que réponse aux questions que tu te poses.
Sieg entra en premier dans le lieu sacré, Adam quelques secondes plus tard. L’homme aux cheveux orange s’émerveillait de l’architecture du bâtiment, malgré son aspect monochrome. Il arrêta son tour, se stoppant sur cette bannière qui portait le même symbole que sa veste. Il s’en rapprocha, l’amenant près d’une tombe de marbre et d’or. Elle contrairement au reste n’avait pas changé de couleur. Adam était resté dehors, s’allumant une cigarette. Le bout de sa cigarette portait des braises vertes, comme le reste de l’environnement.
J’avais toujours l’habitude de voir Adam parler avec quelqu’un. Que ce soit Sieg, un autre de ses compagnons, ou Leo. Il était rare qu’il ne parle pas. Mais depuis l’arrivée de Vohn, il était devenu différent. Bien plus singulier et solitaire. Il écrasa son mégot du pied après avoir fini sa cigarette, puis ouvrit un portail devant lui. Il regarda derrière lui, Sieg qui s’interrogeait encore sur l’utilisation de la tombe. Il s’avança vers le trou de verre et alla de l’autre côté. Il se retrouva à nouveau dans le tombeau de Vohn, observant Adam et Leo devant lui. Il avança de quelques pas, après la disparition du portail, puis s’appuya sur le bord de la porte.
« Non, rien ne nous prouve que tu y resteras.
– Tu ne pourras jamais survivre, fit l’homme dans l’ombre.
– Qu’est-ce que tu fais là ? s’étonna Adam. »
L’homme sorti de l’ombre du couloir, laissant apparaitre ses traits plutôt communs. Mais Adam réagit violemment à apercevoir un homme aux traits identiques aux siens. Leo disparut, et le torrent de fumée de Phoenix se lança sur le nouvel arrivant. Le démon agrippa la mâchoire de l’intrus, l’arrachant violemment. La fumée changea de sens, vint s’entourer de celui qui venait de perdre une partie de son squelette. La brume se rendit plus violente, plus sombre encore. Explosa dans une puissante vague qui repoussa Phoenix. Dans le nuage, le démon vint s’approcher Vohn, dont seules les particules vertes se laissaient apercevoir. Phoenix, quant à lui, était devenu rachitique, toute sa force et sa forme avaient été absorbées par la divinité. Vohn lui tendit alors son bras droit, sur lequel courraient ces particules. Le démon hésita, puis prit la main pour se mettre debout à nouveau. Adam retrouva sa forme, la brume s’en alla doucement.
« Je ne comprends pas… fit Adam.
– Je viens d’une autre ligne temporelle, répondit Vohn. Je suis venu te prévenir de choses avant que ta ligne ne s’effondre.
– Ne s’effondre ? Pourquoi est-ce qu’elle s’effondrerait ?
– L’Horloge n’a jamais été construite pour retenir plusieurs temporalités. Une seule peut y être retenue.
– Et c’est celle d’où tu viens. A-t-on des choses en commun ? questionna Adam.
– Tu devrais plutôt te demander si nous avons des différences. Ma réponse serait, non. Nous sommes la même personne, du moins jusqu’à aujourd’hui.
– Alors, pourquoi viens-tu me rendre visite ?
– Vohn te tuera. Je te tuerai lorsque tu me réanimeras. Mais tu retrouveras tes esprits, tu seras toujours dans ton corps. Vohn n’apparaitra que bien plus tard.
– C’est tout ce que je dois savoir ? demanda Adam. »
Vohn alla se placer devant son propre corps inerte. Contemplant les courbes et dessins de sa silhouette si singulière.
« Retrouve le Parchemin du temps pour la Terreur. Il saura t’indiquer quelle sera ta voie jusqu’à la fin. »
Vohn s’en alla.
Il retourna sur la Grande Horloge, où Kat avait illuminé un des couloirs qui sortait de la salle centrale.
« J’ai préparé quelque chose pour vous, dit-elle »
Vohn s’y déplaça. Cette salle était une pièce qui ressemblait fortement au laboratoire de Kévin. Adam l’avait fait construire pour pouvoir fabriquer des pièces de rechange à ses membres augmentés.
« J’ai fabriqué une mâchoire mécanique, avec les ressources d’augmentations. J’espère qu’elle vous plaira. »
Vohn la prit et la plaça au lieu de celle qu’il venait de perdre, reprenant l’apparence d’Adam. Il resta quelques secondes à contempler ses mains, auxquelles il rendit l’aspect noire et chrome qu’elles avaient le premier jour.
« Kat ? demanda Adam sortant dans le couloir.
– Oui monsieur ? reprit la voix.
– Orva a-t-il pris contact avec toi ?
– Je suis en contact avec Orva depuis votre départ. Comment avez-vous connaissance de son existence ? questionna Kat.
– Notre Vassal travaillait déjà sur Orva avant notre mort. Je me souviens qu’il était en contact avec un Saory à qui il était censé le donner une fois terminé. J’avais l’espoir qu’il puisse persister.
– Comment s’en sort votre vassal d’ailleurs ? »
Adam avait rejoint la console centrale de l’Horloge, concentré sur quelque chose que Kat ne pouvait déceler.
« C’est une bonne question, mais je ne me fais pas de soucis pour lui, du moins pas pour l’instant. »
Il ouvrit un nouveau portail et tourna son regard à travers. Dans les flots du trou de verre, il aperçut quelque chose qui le figeât. Entre peur et tristesse.
« Je… Je reviens Kat, fit l’homme.
– Adam ? Attendez ! »
Il traversa le trou de verre. L’autre côté ressemblait à une cellule, éclairée par une seule ampoule en son centre. Ces paroles résonnaient dans sa tête.
Dark and light
Caught between, caught between
Endless night
Underneath, underneath
(Hunger!)
My untold, I’m waiting…
Find me inside the endless night, our endless night
Dans l’ombre de la pièce, il aperçut cette fille aux cheveux noirs. Elle ne pouvait le voir, malgré son corps entouré de ces vents verdâtres. Il s’approcha d’elle, voyant sa peau marquée par les coups. Quelque chose, ou quelqu’un la frappait. Il entendit une clé s’insérer dans la porte, s’éloigna de la fille. Un homme y entra et tira la fille dans la lumière. Elle ne se débattait pas, elle était résignée à se laisser faire. Alors qu’il commençait à lui poser des questions, la giflant lorsqu’elle ne répondait pas ou fuyait la question, Adam avait aperçu quelque chose, resté dans la pénombre. Le tourment reprit forme autour de son corps, explosant en un puissant flot de lucioles bleu saphir. Les vents autour de son corps prirent des allures dorées.
Dans le noir, Adam reconnut la silhouette plus humanoïde de sa fille que la sienne. Il la regarda fixement, alors qu’elle semblait n’apercevoir que la forme du démon qu’il portait.
« Depuis combien de temps peux-tu la voir ? demanda Adam. »
Elle ne répondit pas.
« Tu sais que tu peux l’aider. Je sais que tu te sens faible et détruite depuis tout ce temps. Mais tu es toujours capable. Échappe-toi d’ici, retourne dans le réel. Aide-la. »
Le démon dans la pénombre regarda Adam, puis se retourna vers la fille et disparut en sa direction. Dans son monde, Adam vit une puissante vague s’émaner de celle qui se laissait battre à refuser de répondre aux questions. Mais de l’autre côté, les yeux de la fille étaient devenus bleus. Adam décelait une aura autour d’elle, que son agresseur ne pouvait voir. Son corps se rigidifia, bloquant sa main, impossible de la serrer plus.
« Qu’est-ce qu’il se passe ? demanda l’homme »
La fille s’éloigna de sa main, le contemplant, figé devant elle.
« Frappe-toi la tête contre le mur, fit la fille »
L’homme ne comprenait pas ce qui le contrôlait, il s’exécuta. Il s’approcha d’un mur, ou de nombreuses barres y avaient été gravées. Puis il y frappa son crâne.
« Encore, reprit la fille. »
Tous les deux étaient dans la pénombre, éclairé par seule la lueur qui émanait des yeux de la fille. L’homme frappa encore sa tête contre le mur. Plus fort encore. Le sang se mit à couler sur son front.
« Pourquoi ?
– As-tu une idée de ce que représente la douleur ? demanda la fille. »
Il frappa encore son crâne contre la paroi de la cellule.
« Je n’ai pas voulu ça…
– Pourtant tu as accepté de venir tous les jours, me poser les mêmes questions encore et encore. Tu as accepté ou choisi de me frapper à chaque fois que je ne répondais pas. Alors, je vais répondre à tes questions…
– Non s’il te plait… dit-il la voix tremblante.
– J’ai trouvé un oiseau un jour. Un oiseau qui fermait les yeux pour la dernière fois. Et je me suis demandé s’il rêvait comme moi. Mais il ne rêvait pas, il était content de se libérer de son fardeau.
– Pourquoi est-ce que tu fais ça ? demanda l’homme effrayé.
– Pour lui prouver qu’il ne gagnera pas cette guerre. »
Elle poussa la tête de l’homme contre le mur et lui écrasa le crâne. L’homme glissa jusqu’au sol, mort brutalement. La fille perdit ses yeux brillants, prit un air effrayé et retourna dans le coin de sa cellule. Adam vit apparaitre le démon à côté d’elle à nouveau.
« Aide là. Elle a autant besoin de toi que tu as besoin d’elle. »
Adam s’en alla à travers les vagues de son portail. Il retrouva les dorures éblouissantes de l’Horloge.
« Bienvenue Monsieur, fit la voix. Avez-vous fini vos voyages à travers le temps ?
– Oui, cette partie-là est terminée. Mais j’ai encore un vieil ami à retourner voir.
– Que manque-t-il à votre plan monsieur ?
– Ce monde ne survivra pas longtemps sans un remplaçant à Sarhala.
– Mais Sarhala n’a pas besoin de remplaçant ! fit Kat.
– Pour retenir l’Astral non. Mais comme relique pour maintenir tout ce qui s’est créé depuis sa mort, alors il aura besoin d’un petit frère.
– Je ne saisis pas vraiment ce que vous dites, monsieur…
– Ce n’est pas grave. Je te contacte si j’ai besoin de ton aide.
– Très bien Monsieur, répondit la voix. »
Adam disparut à nouveau. Il vit apparaitre au-dessus de lui, cette lumière si singulière qu’émettait le ciel artificiel du sous-terrain de la Terre. Et cette structure, cet anneau flottant dans les airs à l’aspect si mystique et rustique. Il gravit les marches du palais, s’en alla rejoindre une salle, une petite pièce avec un trône en son centre.
« Cela faisait bien longtemps que je ne t’avais pas vu ici mon ami.
– Le temps me manque, comme toujours tu le sais bien, répondit Adam.
– Ça, je n’en doute pas. »
Dans la salle du palais, près de la fenêtre qui projetait la vision du puissant rayon de l’anneau flottant, se tenait un homme. Vêtu d’une tunique grise ornée de fil de bronze et d’or.
« J’ai appris ce qui se passe au-dessus. Le monde est devenu plus compliqué à retenir que ce que tu l’avais prévu ?
– Que ce que Leo l’avait prévu, oui, reprit Adam. Mais ça ne sera qu’un détail à régler. »
L’homme se retourna vers Adam. Sans qu’il n’ait besoin de changer d’apparence, il reconnut quelque chose chez lui, quelqu’un qu’il connaissait.
« Je ne pensais pas que quelqu’un te retrouverait, fit l’homme à la tunique grise.
– Et avais-tu prévu qu’ils créeraient une relique qui leur donne le droit d’animer un des leurs, le nommant au rang de divinité dès lors que l’univers s’écroule ? Ce détail ne faisait pas partie de notre plan non plus, fit Adam.
– Ont-ils ressuscité comme nous ?
– Non, du moins, pas comme vous. Différemment, et à chaque fois. Vous n’êtes réapparus qu’à la création de la Terre. »
Adam venait de soulever un point. Les Ancestraux sont connus pour vivre sur la Terre depuis l’existence des dinosaures. Et ces derniers, aussi nombreux qu’ils étaient à l’extinction des animaux préhistoriques, se sont réfugiés sous terre pour survivre. On leur porte une technologie singulière, presque magique, que peu connaissent.
« La forge est toujours en service à ce que je vois, fit Adam.
– Oui, il s’avère que ce qui affecte les habitants de la surface nous attaque aussi, reprit l’homme en gris.
– Vous avez été infectés ?
– Certains oui. Mais la mutation est longue. Elle n’attaque souvent qu’un seul membre à la fois. Alors ils utilisent la forge pour se créer de nouveaux membres. Tu avais besoin de ces services ? demanda-t-il.
– Non, j’ai besoin des tiens. Enfin, des vôtres, fit Adam.
– Comment ça des nôtres ?
– Combien cela fait de temps que tu n’as pas rejoint Varszvenhain ? »
L’homme à la tunique grise ne répondit pas. Peut-être n’avait-il aucun souvenir de la date exacte de son dernier voyage.
« Tu as toujours les reliques pour ouvrir le portail, n’est-ce pas ? demanda Adam.
– Oui, bien sûr. Mais pourquoi ?
– Je vais avoir besoin de votre expertise. J’ai l’intention de recréer un arbre sensible à la magie et aux plans. Mais pour lui donner la force nécessaire, j’ai besoin de magie qui l’alimentera en permanence. Une force dont vous avez le secret.
– Je ne suis pas sûr qu’ils acceptent que je revienne chez eux, dit-il.
– Ce n’est pas grave, ouvre-moi l’accès, je me débrouillerai pour revenir, fit Adam.
– Es-tu sûr de vouloir faire cela ? Et d’en être capable ?
– Ne t’en fait pas pour moi Zihlon, tout se passera bien, répondit Adam.
– Très bien, allons-y. »
Zihlon les amena de l’autre côté du bâtiment, dans une salle fermée derrière deux portes verrouillées.
« As-tu besoin de toutes ces protections pour de si simples reliques ? demanda Adam.
– Ce n’est qu’une sécurité. Au cas où, répondit l’homme en tunique.
– Personne d’autre que toi ne sait utiliser cette relique. Je doute qu’elle soit un vrai problème dans les mains d’un autre.
– Tu es prêt ? demanda Zihlon.
– Je n’attends que ça, répondit Adam. »
L’homme en tunique plaça une pierre dans une relique qui semblait porter des parties mobiles, flottantes autour d’elle. Elle ressemblait à une structure qui allait gratter le ciel dans les souvenirs d’Adam. Une structure faite d’or et de marbre comme la relique. Cette dernière fit apparaitre un grand portail ovale, au-dessus duquel se dessinèrent des glyphes. Trois mots se détachaient, sans que je ne puisse traduire ce qu’ils signifiaient. Adam n’attendit pas, passa le portail qui se referma aussi tôt devant Zihlon.