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Adam s’en alla dans des plaines de désolation, là où seule la mort résidait désormais. Il faisait face au château qu’avait érigé Akziel et avançait vers lui, lentement. Il savait qu’en approchant de la sorte de son royaume, il le provoquerait, lui et sa colère incessante. Il avançait lentement, une cigarette entre les doigts, tirant quelques lattes de temps en temps. Celle-ci ne semblait pas bruler verte, mais paraissait ne pas trouver de fin pour autant.
Cette citée Arios, qu’Akziel avait créé de toute pièce et de magie, reprenait un art de l’architecture Aldorien. Un art que personne n’avait pratiqué depuis longtemps, car toute leur civilisation avait décidé de stagner depuis environ dix mille ans. La cité se dessinait dans une grande muraille, faite de pierres polies grisâtres. Un mur qui ne portait aucune distinction si ce n’est les deux grandes arches de chaque côté et les portails qu’elles retenaient. Cependant, cette muraille ne devait pas être étrangère au grand dôme de magie qui protégeait la ville il a encore quelque temps. Même s’il avait construit une cité plus petite que celles qui se tenaient accolées à cette dernière, Arios semblait pour autant majestueuse et menaçante. Tous ces bâtiments étaient faits de cette roche sombre, ou avait poussé une étrange mousse violette parfois. Tous les édifices ou presque avaient des tours ou des donjons, qui présentaient à chaque fois une pointe qui allait trancher les nuages. Toute la terreur de cette ville se présentait par l’aspect menaçant que créaient les roches sombres et les puissants pics sur les toits. Arios était devenu la terreur de l’humanité, l’origine de toute l’horreur qui les avait terrassés. Tout le plan d’Akziel avait terminé par fonctionner et les habitants de cette planète avaient perdu le contrôle, leurs vies, leur maison.
Adam continuait son avancée vers la cité, toujours la cigarette au bout des doigts. Son adversaire avait déjà aperçu son arrivée, mais l’homme en noir ne s’en préoccupait guère. Il n’était pas là pour proposer la confrontation, mais seulement pour déclencher la colère du roi de cette ville.
Une chanson résonnait dans la tête d’Adam, une chanson de prisonnier aldorien. Un hymne à l’espoir, un hymne à la liberté. Un hymne qu’Adam connaissait, mais qui appartenait aux souvenirs de Leo avant les siens.
We dream of ways to break these iron bars
We dream of black nights without moon or stars
We dream of tunnels and of sleeping guards
We dream of blackouts in the prison yard
Il se présenta alors devant le portail qui donnait sur le château. Attendant que son propriétaire s’approche. Il aperçut alors dans les hauteurs de la muraille, cet homme aux cheveux blancs et à l’armure de métal.
« Ton combat est déjà perdu Leo. Pourquoi revenir ici ? »
Adam ne répondit pas, il jeta sa cigarette puis releva la tête vers Akziel.
« Qu’y a-t-il ? Tu as perdu ta voix ?
– Je ne suis pas ici pour t’affronter, répondit Adam.
– Pourtant c’est ce que tu cherches depuis notre rencontre. Ou depuis que tu as tué mon père.
– Ton père avait un destin très singulier. Mais tu as décidé de son sors toi-même.
– Tu essaies de gagner du temps ? Cela ne t’apportera rien, fit Akziel.
– Je n’ai pas besoin de temps Akziel. J’ai quelque chose d’autre à te proposer. »
Adam tourna la tête quelques secondes, observant la marée d’infectés qui venait l’entourer. Son regard laissa paraitre le désespoir, l’envie peut-être que son adversaire choisisse une voix différente.
« Regarde, le temple de la désolation que tu as créé, fit Akziel. Toutes ces âmes damnées que tu as amenées à leurs pertes. Ils reviennent pour te faire payer leur sors. »
Adam se retourna, vers les infectés, qui s’approchaient plus vite encore. Il semblait toujours dépité par les choix d’Akziel. Il n’était pas nécessaire de sacrifier une nouvelle fois autant de vies.
« Affronte-les. Prouve-moi que tu n’as aucune pitié envers l’humanité. »
Le bras droit d’Adam s’anima des particules que portait Vohn. Il laissa une petite sphère se dessiner aux creux de sa main puis s’éleva dans les airs, soulevé par cette boule de lumière. Dans son élevée, il traina un faisceau de lumière qui avait laissé apparaitre Vohn à la place de son corps. Une énorme vague verte s’échappa du faisceau de son élévation, qui s’éloignait rapidement vers la marée d’humains. En quelques secondes, tous les infectés étaient au sol, surplombés par une forme de lumière fluette et fantomatique. Vohn se reposa au sol, la sphère qui tenait dans la main avait changée de taille, et vint se placer dans son dos. Il se retourna enfin vers Akziel qui prônait encore en haut de la muraille.
« Je n’ai que faire du nombre de morts. Ce n’est pas comme cela que tu gagneras une guerre. »
Dans le ciel se dessina une comète dorée, qui s’approchait de plus en plus vite. Le météore arriva violemment, se crasha sur l’homme aux cheveux blancs et la muraille sur laquelle il se tenait. C’était Alix, sous une forme que peu avait aperçu jusqu’ici. Vohn n’avait pas vu jusqu’où les deux êtres avaient été propulsés. Il laissa la sphère lumineuse devant l’armée d’âme et disparut dans un tourbillon de particules.
Adam était parti sur l’Horloge, retrouver une personne qu’Alix avait laissée en sécurité. Une jeune fille aux cheveux d’argent qui paraissait heureuse de voir l’homme habillé en noir. Il se pencha sur son lit, la prit dans ses bras.
« J’espère que tu sauras me pardonner Hortense. Tôt ou tard tu apprendras que tu dois laisser ta place à quelqu’un d’autre. Mais j’espère que tu en saisiras l’enjeu. L’univers est bien plus complexe que ce que l’on voudrait accepter. Et si tu as le temps de parler avec elle, dis-lui que je suis désolé de l’avoir abandonnée. Je reviendrai, c’est promis. »
Adam retourna sur Terre, devant cette marée d’impuissants. Il reprit la sphère dans sa main droite, retenant la fille de son bras gauche. Il serra enfin sa main, laissant disparaitre la lumière sous ses doigts, et toutes les âmes flottantes s’effacèrent, en laissant de légères trainées qui semblaient s’approcher de Vohn.
« Était-ce vraiment nécessaire ? demanda Akziel. L’Éternelle n’a-t-elle pas d’autres préoccupations que celle d’un homme qui essaie d’unifier le monde ? »
Le fracas de la lance dorée ne laissa que des ruines de la muraille qu’elle venait de traverser. Son but était de renverser le démon, tout ce qui était autour n’était que superficiel. Akziel se releva difficilement du choc, observant devant lui cette créature ailée qui était venue le frapper. Devant ses yeux, il apercevait le visage d’Alix qu’il connaissait, enrobé dans cette puissante armure d’or et de lumière. Derrière elle, ses puissantes ailes aux couleurs semblables, qui se présentaient au nombre de quatre. L’armure affinait sa silhouette, la rendait plus grande. On aurait pu penser que ces pièces de métal venaient remplacer sa chair.
« Alors, je me trompais depuis le début, fit Akziel
– De quoi parles-tu ?
– J’ai cherché à détruire depuis tant d’années, celui qui a passé sa vie à me chasser. Mais lorsque j’ai tué mon père, pensant qu’il œuvrait pour toi, je me suis attiré les foudres ce cet homme qui n’était là que pour te protéger.
– Crois-tu réellement que j’ai besoin de protection ? demanda Alix. J’ai toujours œuvré pour le protéger. Car sa vie et ses combats étaient nécessaires à quelque chose de plus grand.
– Les Saory ne cherchaient que la mort et la grandeur Alix ! Pourquoi t’entêtes-tu à leur rendre leur gloire ?
– Qui t’a dit que je cherchais leur retour ? Je n’ai que faire de leur misérable vie ! s’exclama Alix.
– Pourtant tous leurs souhaits sont que l’Éternelle sacrifie l’univers pour qu’enfin ils retournent à leur suprématie. Depuis ta création, toi et Leo n’œuvriez que par leurs mots, leurs choix. Vous n’agissez qu’au nom des Saory, de leurs Anges et de toutes leurs conneries ! J’ai essayé de vous le faire comprendre, mais vous n’avez pas voulu regarder la vérité en face.
– Alors tu as pris les devants ? Tu as choisis de créer une armée d’infectés au nom du contrôle pour aller détruire une civilisation déjà tombée ? Une civilisation dont tu crois comprendre le sens et les écrits mieux que nous ?
– Il n’a pas vraiment tort, s’exclama Adam. »
L’homme en noir traversa les débris de la muraille, s’approchant d’Akziel et l’Éternelle, portant Hortense dans ses bras.
« Toi ! s’exclama l’homme aux cheveux gris. »
Akziel s’élança vers Adam, mais fut stoppé net par la lance lumineuse d’Alix, juste devant sa gorge.
« Ose t’approcher de ma fille, et ton sors sera encore pire que celui que je te réserve, fit la femme. »
La lance dorée de l’Éternelle éclairait le visage d’Akziel, laissant paraitre un certain doute, ainsi qu’une haine qui persistait depuis longtemps.
« Les écrits que tu as pu lire des Saory, des Anges, reprit Adam. Ce sont des mots faits de Toshiie, des écrits qui cherchaient ce que tu as aperçu dans ces mêmes lettres, mais que tu as vu comme un grandiose retour de ceux qui nous laissent tourner en boucle depuis des milliers d’années. Souvent dans les mots de : J’œuvre ici pour le temps et la Terreur. J’œuvre ici pour le retour de la grande cause, au nom de la lumière. Il y avait autre chose avant eux Akziel. D’autres entités, d’autres formes de vies que les Saory ont décidé de tuer pour mener à bien leur grandeur. Les parchemins de Toshiie y mènent tous. Et toi aussi Alix. Depuis le début tu œuvres sous les mots de Toshiie. »
Akziel se laissa tomber au sol, sur ses genoux. Le visage déconfit par son espoir disparu.
« Pendant tant d’années, j’ai continué de me battre pour une cause que je savais juste, mais j’errai sans but en chassant un sens qui était aussi vide que le leur…
– Ta cause était noble Akziel. Ta voie ne l’a pas été, répondit Adam. »
L’homme en noir disparut à nouveau, laissant derrière lui un portail qui laissait paraitre une vue des hauteurs du château.
« Était-ce vraiment nécessaire ? demanda Alix. Ta reddition peut mener à quelque chose de plus grand Akziel.
– Penses-tu, O créatrice de l’Univers, que je mérite un meilleur sors que la mort ?
– Tu aurais pu aspirer à quelque chose de grand, mais si la mort est ce que tu souhaites, alors je peux te laisser le droit de choisir cette fin. »
Alix se déplaça derrière l’homme à genoux. Akziel avait la tête baissée, prêt à laisser la puissante créature dorée choisir sa manière de mourir.
« Que ma mort serve la noble cause. Que mon départ laisse une trace dans la lumière. Que cette fin, apporte le renouveau qu’ils essaient de nous cacher… »
Alix contemplait le démon, réciter ces mots qui résonnaient étrangement dans sa tête. Des mots qui avaient été écrits par une main d’acier, aux doigts noirs et tremblants.
« Que ma traversée de l’Atlas soit éternelle, pour nourrir la foi de ceux qui auront besoin de rejoindre le sanctuaire. »
Je suis désolé mon père.
J’ai essayé de rejoindre ton chemin,
J’ai voulu retrouver ta gloire passée.
J’ai taché mes doigts de noir comme les tiens,
Mais j’ai failli à tous les mots que tu m’as inculqués.
J’espère retrouver ta lumière pour me guider jusqu’au sanctuaire.
« Lorsque tu traverseras l’Atlas Akziel. Peu importe le temps que tu y passeras. N’oublie jamais ce que te disait ton père. »
Ne t’en fais pas
Avec suffisamment de temps, le clair de lune ressemblera aux rayons chauds du soleil
Alors n’abandonne pas petit papillon
Continue à chasser la lumière
Alix transperça le torse d’Akziel avec sa lance ailée. Le coup projeta un immense rayon lumineux de l’arrière de la lance vers le ciel. Alix contemplait alors, le démon transpercé par son arme, le sang s’écouler le long de son dos. Les cendres qui volaient autour du rayon prenaient la forme de plumes, aux reflets d’or. Le monde n’était pas plus calme maintenant, il avait été retiré de celui qui l’avait rendu sombre et brulant. La lance de l’Éternelle réapparut dans sa main, ne laissant qu’une pique de verre dans le corps du défunt. Son corps de lumière disparut dans un tourbillon de plumes blanches, qui disparurent presque aussitôt. Alix se retourna vers le portail qu’avait laissé Adam derrière lui, et le traversa à son tour.
J’ai vu cette fin. Adam et Alix contemplant la désolation du monde, du haut de cette tour d’Arios. Ils semblaient paisibles malgré tous les dégâts que celui qu’ils venaient de tuer avait laissé derrière lui. Adam se tenait au bord de l’étage au sommet du clocher, Alix se tenait un peu en retrait, tenant Hortense dans ses bras. La femme se rapprocha d’Adam, qui tourna la tête vers les deux personnes qui venaient de s’avancer. Hortense semblait amusée, insouciante de ce qui venait de se passer. Sa légèreté dessina un sourire sur le visage de l’homme aux cheveux noirs. Un sourire qui apparut aussi sur les lèvres d’Alix. Je les ai laissés sur ce décor de désolation et d’Espoir.
« Alors, qu’est-ce qu’on fait maintenant ? demanda Alix »