{08} Cold Heart | There’s no Silence anymore
Deux semaines de voyage pour se retrouver à l’autre bout du monde. Enfin pas exactement. Bonsoir. Instant de géographie. Le manoir d’Aiden se situait au Japon, Lars et Naia sont partis au Tibet, dans les ruines d’un ancien temple.
J’ai pas signé pour ça, pas maintenant. — Lars
Ils avaient installé leur campement non loin de leur destination. Ce matin-là, Lars s’était levé bien plus tôt que Naia.
Il y avait une légère falaise qui surplombait les ruines. Lars s’y était installé pour méditer, entouré de bougies. Il était neuf heures quand Naia s’est levée et l’a rejoint, il trônait ici depuis cinq heures.
– Tu sais pourquoi il nous a envoyé ici, n’est-ce pas ?
– La raison n’est rien de plus qu’une croyance. Enfin, je l’espère, répondit Lars.
– Pourquoi t’être levé si tôt ?
– J’ai besoin de réfléchir. Je t’ai préparé quelque chose à manger.
Lars faisait attention à Naia, même s’il ne le laissait pas paraître, elle comptait beaucoup plus pour lui.
Une heure plus tard, Lars avait quitté sa méditation, rejoignant le camp pour reprendre son arc et son carquois.
– Tu es si pressé que ça ?
– J’ai envie que ça se termine, vite !
– Comment ça ?
– Je n’ai pas envie de raconter cette histoire.
– Comme tu voudras.
Cette histoire, Lars ne l’avait racontée à personne. Mais moi, je vais vous la raconter. Lars n’a jamais avoué à personne d’où il tenait le premier parchemin du démon qui le hante. Quelques années après la mort d’Aiden, il s’est mis en quête de faire renaître les dragons, mais pas de la manière dont Aiden le cherche.
Le parchemin est un savoir ancien, non pas celui de faire renaître les dragons, mais de les contrôler, prendre part de leurs âmes et les fusionner au corps d’un homme. Aiden et Lars ont tous deux un tatouage de leurs dragons sur l’épaule, il n’est pas là sans raison, pourtant leur mère les a avertis sur les dangers de ce pouvoir.
Oh, et c’est cet étrange énergumène qui détenait le parchemin. Celui pour lequel ils sont ici. Ils se rapprochèrent d’un vieil escalier en pierre, Lars se posa à côté, s’installant pour reprendre sa méditation. Naia restait perplexe.
– Je ne comprends pas… dit-elle.
– Dis-moi tout.
– Où sont les ruines ?
– Devant toi.
– Je…
– Tu voyais plus de choses de là-haut, mais ici tu ne vois qu’un escalier. Descend, peut-être que quelque chose changera.
– Je te déteste.
– Moi aussi.
Elle s’avança alors vers les escaliers, puis les traversa. Doucement le décor se transforma pour laisser place aux immenses structures détruites, et derrière elle, plus d’escalier, juste un mur.
– Tu sais ce qui l’attend derrière n’est-ce pas ?
– Oui, je le sais, répondit l’homme qui méditait.
– Pourtant tu l’as laissé partir.
– Elle ne m’importe pas vraiment.
– Ce n’est pas ce que je vois en toi.
– Voit bien ce qu’il te chante, je ne prends guère compte de ce que tu penses.
– Comme tu voudras.
Et l’étranger disparu comme il était venu. Lars continua sa méditation, rien ne devait le perturber.
Naia se sentait minuscule devant les immenses structures en pierre érigées devant elle. Des maisons délabrées, des chemins de débris au sol. La seule chose qui sortait du commun, c’était cet anneau étrange volant, on aurait dit l’entrée d’un Colisée. Elle continua son chemin jusqu’à se retrouver en dessous de cette porte sans fin.
– Il y a quelqu’un ?
Sa voix effrayée résonna dans les décombres, sans effet. Elle s’avança sur le sceau gravé au sol, il était trop grand pour qu’elle puisse deviner à quoi il ressemblait.
– Que viens-tu faire ici, petite ?
Une seconde voix, bien plus âgée, résonna, Naia regarda autour d’elle sans rien apercevoir.
– Je… On m’a dit que quelqu’un vivait ici, je souhaite le rencontrer.
– Bien, alors bienvenue à toi.
Un étrange corps sorti de l’obscurité. Sa silhouette squelettique brillait, sa peau était bleutée. Il était petit, une chevelure aussi lumineuse que son corps. Il ne portait qu’un pagne et une cape marron sur le dos.
– Bienvenue chez moi petite, je suis Zenar, aussi appelée l’illuminé.
– Je ne m’attendais pas à ça… dit-elle déconcertée.
– Je suis rarement ce à quoi les gens s’attendent.
– Où sommes-nous ?
– Ce sont les ruines d’un ancien temple, érigé à la gloire d’un guerrier que ses capacités dépassaient.
– Pourquoi n’en ai-je jamais entendu parler ?
– La légende raconte qu’il a voulu disparaître après nous avoir sauvés. Ceux qui ont bâti cet endroit savaient que ce n’était pas vrai.
– Vous y croyez-vous ? demanda-t-elle.
– Non, sinon je ne vivrai pas en ces lieux.
– Mais, je ne suis pas ici pour parler architecture…
– Je m’en doutais, dis-moi tout.
– Il y a longtemps, vous aviez un parchemin en votre possession, je crois que c’est celui-là.
Elle sortit le rouleau de son sac, pour le présenter à la silhouette fluorescente devant elle.
– Où as-tu trouvé ça ? dit-il haussant la voix.
Il devint d’un coup plus violent, son corps prit une teinte plus violette. Naia reprit aussi vite le parchemin pour le remettre dans son sac.
– Que veux-tu ? demanda-t-il.
– Pourquoi cette attitude d’un coup ?
– Où l’as-tu récupéré ?
– Celui qui te l’a volé…
– Où est-il ?
Il s’enflamma d’un coup, son corps devint rouge et ses cheveux prirent feu.
– Doucement, je cherche juste à savoir comment il fonctionne !
– Rends-le-moi !
Il déchaina les flammes autour de lui, une vingtaine de démons apparus autour d’elle et commencèrent à l’encercler.
– Pas maintenant ! s’exclama la fille.
Lars méditait tout le long du trajet qu’avait fait Naia. Il s’arrêta après une demi-heure, sortit une lame, se rasa les côtés et l’arrière du crâne, ne gardant ses cheveux longs qu’au-dessus. Il reprit ses affaires, se leva et commença à partir. Il fit quelques mètres pour s’éloigner des escaliers. Puis son esprit se troubla, s’arrêta quelques secondes, comme si quelque chose le retenait. Puis il revint à lui, son regard devint déterminé. Il se retourna, puis pris les escaliers pour rejoindre Naia. Il reprit son arc à la main une fois en bas, sortit une flèche de son carquois, dont il alluma la pointe après avoir bandé son arc. Il tira sa flèche devant lui, qui fit un long sifflement aigu. Il reprit alors le pas vers la grande salle. En une dizaine de minutes, il avait fait le trajet, il regarda alors aux alentours comment prendre de la hauteur. Ça ne lui prit que quelques secondes, puis il se recentra vers Naia, encerclée. Il se jeta en bas, tirant sa flèche sur celui qui allait toucher Naia, elle lui traversa la tête et se planta dans le pied de celui qui était derrière. Il détacha le manche de son arc pour en faire deux lames, la corde électrique se brisa alors. Il se lança sur les démons, les frappant plus fort les uns que les autres. Des braises commençaient à sortir de son torse, une fumée noire et dorée s’installait autour de lui. Ça ne lui prit que cinq minutes pour les détruire tous. Il se lança alors violemment sur l’illuminé, le plaqua posant son pied sur son torse, son arc bandé au-dessus de sa tête.
– Arrête Lars !
Naia avait peur de ce qu’il pouvait faire, certain qu’il ne se maitrisait plus.
– Tu as déjà tout perdu ! Pauvre fou !
Il repoussa Lars loin de lui, déchainant les flammes autour de lui, il s’éleva provoquant un enfer aux alentours.
– Naia, le parchemin ! Elle déploya le rouleau, puis l’illumina. Il fractionna leur adversaire en deux, l’âme sombre flottante derrière Zenar. Lars se jeta sur cette dernière, la décrochant de l’illuminé. Puis lui tira une dernière flèche dans la tête. Zenar s’effondra, Lars retenait sa colère, sa respiration avait changé, il faisait de brèves inspirations puis de longues expirations. Naia se rapprocha de lui, ressentant la force et l’énergie que dégageait le démon. Elle posa sa main droite sur son torse, illuminant tout ce qu’il s’en dégageait. Tout s’effaça, une ligne brillante se dessina sur son visage, descendant sa joue.
– Il va te laisser une marque à chaque fois que tu fais appel à lui…
– Je n’aurais pas dû te laisser y venir seule, reprit l’homme.
– …
Zenar se réveilla, le corps humain, parcouru de tatouages noirs sur sa peau brune. Naia ne s’en préoccupait guère, elle se jeta dans les bras de Lars.
– Merci, fit Lars.
– Ah Lars, quel plaisir de te revoir ! Je ne suis pas incongru, venez avec moi, je me dois de vous accueillir comme il se doit.
Zenar avait changé d’apparence. Troquant le corps lumineux pour une peau ambrée et des tatouages sur le corps. Beaucoup moins voyant et beaucoup plus humain. Il guida alors nos deux acolytes vers le cœur du temple. L’intérieur était sombre, tout éclairé à la bougie. Il les amena dans le salon, aux teintes rouges. Il sortit quelques minutes pour leur ramené un thé. Lars prit un plaisir à le siroter en premier alors que Naia restait dubitative devant cette boisson.
– J’imagine que vous savez pourquoi nous sommes venus ici Zenar, fit Lars
– Depuis quand cet énergumène vivait-il chez moi ?
– Moins longtemps que ma dernière venue.
– J’imagine que je ne suis pas isolé ?
– Non, l’Effroi se réveille, et vite.
– Et vous avez besoin de mon savoir. Même si tu m’en as déjà pris une partie.
– Je ne le maitrise pas.
– Pourtant elle le peut.
– Que voulez-vous dire par là ? s’étonna Naia.
– Tu ne sais rien de ce que porte ma chère, n’est-ce pas ?
Naia était perdue par ce qu’il venait de dire. Et avait fini son thé.
– Rien de grave, tout doit venir en son temps…
Il s’en alla, se dirigeant vers le jardin, les mains dans le dos.
– De quoi parle-t-il ? demanda Lars.
– Je ne sais pas, mais en tout cas j’ai fini mon thé, répondit-elle avec le sourire.
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