{16} I See Fire | Encore une fois
Aiden se retourna vers Simha, les yeux ravagés et ses deux bras ensanglantés. Il releva les yeux vers elle, puis disparus avant qu’elle ne puisse le retenir.
Aujourd’hui, nous approchons de la fin. Bonsoir. Simha ne se remettait pas de la disparition d’Aiden, mais plus aisément que de ce qu’il venait de faire. Elle n’arrivait pas à imaginer pourquoi il n’avait rien dit. Pourquoi avoir garder ce secret aussi longtemps.
Deux mois, c’est le temps que Simha a passé à chercher Aiden, en vain. Nekho avait laissé Simha s’en aller, sans rien dire.
Le cœur a ses raisons que la raison ignore, n’est-ce pas ? disait-il.
Elle est peut-être la seule qu’il voudra laisser passer, alors pourquoi la retenir. Le temps reste toujours la réponse. — Nekho
Simha se retrouva en Chine, c’est la dernière trace d’Aiden qu’elle avait pu suivre. Elle se retrouva dans un temple, avec des moines. L’un d’eux s’approcha d’elle, quelques minutes plus tard.
– Je vous sens perturbé mademoiselle, fit l’érudit.
– Parce que vous êtes capable de ressentir des émotions vous ?
– Je ressens surtout une certaine haine.
– J’ai perdu quelqu’un, je sais qu’il est proche, mais je suis incapable de le retrouver.
– Dites-m’en plus. Vous savez, nous voyons beaucoup de choses.
– Un homme, d’environ un mètre soixante-quinze. Il porte une armure robotique et a deux sortes de bras dans le dos.
– Je crois que j’ai aperçu cet individu. Il se dirigeait vers la grande porte dans la montagne. Longez le monastère et continuez vers les jardins de méditation, vous vous en approcherez.
Elle se leva, prit les mains du moine dans les siennes.
– Merci, merci mille fois.
L’homme fut surpris de la spontanéité dont elle avait fait preuve. Elle suivit alors les conseils de l’érudit. Elle avança dans le monastère, atteint le jardin et s’approcha d’une immense porte étrange. Elle approcha sa main de celle-ci et une voix dans sa tête lui fit « Cette porte est scellée ». Un portail se créa devant elle, bleu et laissant apparaître un paysage flou à travers. Elle n’hésita pas, et le traversa. Devant elle, derrière le portail se trouvait un jardin de cerisier. Elle restait happée par le paysage, ne s’apercevant pas qu’Aiden était sur le balcon qui surplombait le jardin, disparaissant dans les flammes quelque temps plus tard.
– Où est-ce que je suis ?
Elle se retourna, se tenant face à deux escaliers menant au même endroit. Devant se trouvait un écriteau. Il disait : « Ici repose la mémoire des Kryssen ».
– Qu’est-ce que ça veut dire ?
Quelque chose résonna en haut des escaliers. Elle se décida à les gravir, arrivant devant la porte du manoir. Elle y pénétra, sans se soucier de ce qui pouvait résider à l’intérieur. Le style était très ancien, le manoir devait avoir des centaines d’années, au moins. Il y avait des bougies partout, elles paraissaient être là depuis beaucoup moins de temps.
Quelque chose bougea encore une fois dans le manoir. Elle avança alors dans le château en direction du bruit. Elle se retrouva dans un bureau, sombre, éclairé uniquement avec les bougies au sol. Au centre, un individu étrange, mais pas inconnu de Simha.
– Que viens-tu faire ici ?
– Je pourrais te poser la même question, répondit-elle.
Il ne dit rien, toujours concentré.
– J’ai besoin de comprendre. Tu fais tout pour me sauver et m’aider, puis, ça…
– Je n’ai pas eu le choix.
Elle vint se mettre dans la lumière, face à lui.
– Je ne te demande pas si tu as eu le choix. Je te demande pourquoi tu as refusé de m’en parler.
La peau d’Aiden ne se réparait presque plus. Il restait des marques de la nécrose, mais elle était presque reconstruite. D’autres marques apparaissaient sur son corps. Des symboles, des lignes, qui s’illuminaient parfois. Tout se rejoignait sur les deux bras qui lui avaient poussé dans le dos.
– Tu m’as abandonné lorsque tu as su que l’œuf d’Erribor était vide, fit l’assassin. Il ne l’était pas vraiment.
– Tu veux dire que…
– On ne peut pas faire renaître nos dragons, ni le mien, ni celui de Lars. Ils ont été tués par une certaine magie, très puissante.
– Celle que possède Lars, dit-elle doucement.
– Cette même magie nous fera revenir les autres dragons. Mais jamais les nôtres.
Simha approcha sa main du symbole qu’Aiden portait sur le torse. Les deux changèrent de forme violemment quelques millisecondes, jusqu’à ce qu’elle retire sa main, effrayée.
– Viens, j’ai des choses à t’expliquer, dit-il s’envolant dans les flammes.
Simha le suivit, revenant au jardin de cerisiers.
– Tu dois te poser des centaines de questions, dit-il d’une voix forte alors qu’elle n’était encore qu’en haut des escaliers, j’ai ces réponses.
– Pourquoi cet œuf, pourquoi vos dragons ne sont-ils pas ranimables et celui-ci l’est ?
– Nous sommes liés à nos dragons, presque, nous sommes les dragons. Pour tuer ces derniers, nos adversaires ont fait appel à une grande magie. L’esprit de Sadrius, une âme au pouvoir sombre et destructeur. On dit que son âme est le résidu de celui que la Grande Guerre a chassé. Nous n’étions que quelques personnes à être liées à nos dragons, ainsi que quelques dragons ne pourront jamais être ramenés à la vie.
– Alors pourquoi ici ?
– Le manoir Kryssen. As-tu connaissance de sa légende ? demanda Aiden.
– Vaguement…
– Un guerrier dépassant tout, tout le monde. Il a inspiré des milliers de personnes, moi, y compris.
Elle se rapprocha de lui, alors qu’il était toujours les yeux levés vers les pétales roses.
– Alors, pourquoi me l’avoir caché ?
Il baissa la tête, prit quelques secondes pour penser et se retourna vers elle.
– Je n’ai pas à faire souffrir les autres pour mes choix.
– Pourquoi me faire souffrir ? Alors que depuis le début tu ne fais que vouloir m’aider ?
Il ne sut quoi répondre, alors qu’elle était toujours plus captivée par le symbole qu’il avait sur le torse.
– Qu’est-ce qu’il signifie ? demanda-t-elle s’approchant du symbole sans le toucher cette fois-ci.
– C’est le blason de Shidai, le dragon mécanique qui résidait dans l’œuf.
– Alors qu’est-ce qu’il s’est passé tout à l’heure, quand j’ai posé ma main sur ton torse ?
– Nos deux énergies sont instables, le contact a pu créer une énergie étrange.
– Tu as dit que tu pouvais m’aider. Je pense que je pourrais aussi. De quoi as-tu besoin ?
– De bougies, beaucoup.
Elle disparut devant lui en fumée, pour revenir peu de temps après, et les disposer autour d’eux. Le ciel commençait à s’assombrir, le soleil disparaissait à travers les cerisiers.
– Je t’écoute, lui dit-elle se replaçant devant lui.
Il s’assit en tailleur, encore une fois, puis lui tendit une main. Elle y posa la sienne, puis elle s’assit à son tour. Il lui tendit alors sa seconde main, qu’elle prit aussi. Il enflamma toutes les bougies autour de lui d’un coup, puis ferma les yeux. Un anneau violet à sa main droite s’illumina. Il opposa deux orbes sur l’épaule droite de chacun, qui se mirent à clignoter, doucement, jusqu’à ce qu’elles se synchronisent. Alors, les deux bras d’Aiden et les cicatrices de Simha disparurent. Les deux orbes s’éteignirent, puis retournèrent dans l’anneau d’Aiden.
– Qu’est-ce qu’il s’est passé ? demanda-t-elle.
– C’est assez compliqué.
La nuit était tombée et le frais de la fin de l’hiver commençaient à se faire ressentir.
– Suis-moi, je vais nous faire quelque chose à manger.
Ils passèrent la soirée tous les deux, jusqu’à ce qu’Aiden aille s’allonger sur l’un des bancs du jardin. Simha l’a rejoint quelques minutes plus tard, avec une couverture alors qu’il s’était déjà endormi. Elle vint alors se serrer dans ses bras et posa sa couverture sur eux.
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