J’ai passé les deux semaines de vacances avec Flora, presque tous les jours. Parce que oui, j’avais le permis de conduire, forcément ça m’aidait. J’adorais passer du temps avec elle, la chaleur humaine qu’elle dégageait était déconcertante. Elle était adorable, touchante, drôle, un peu folle, mais je n’étais pas mieux. Je savais presque tout d’elle et elle de moi. Elle avait toujours eu une vie calme, sans jamais de problèmes, du moins pas de gros problèmes. Enfin, c’est ce qu’elle me disait, pourtant elle ne me disait pas tout. Il y avait quelque chose qu’elle me cachait, à propos de ses parents.
Lundi 5 novembre 2012.
Il était dix heures, on sortait de cours avec Lucas. Dès le début de la journée, je sentais que quelque chose n’allait pas, simplement à la musique que j’avais choisie pour venir au lycée.
« Mais non, tu vois je verrais plutôt un truc du genre : dès que je serai “libre”, elle va, même les autres vont me sauter dessus, dis-je à Lucas.
– Te sauter dessus, ose me dire que tu t’en plaindras ! répondit-il.
– Ahah, non, certainement pas… »
L’attroupement devant la porte m’intriguait, qu’est-ce qu’ils voulaient ? J’ai fait mon chemin dans le préau puis j’ai vu qu’il y avait un trou dans la masse, avec quelqu’un au centre. C’était Flora qui était à genoux, en train de pleurer. J’ai lâché brutalement mon sac puis suis parti la rejoindre, m’asseyant en tailleur devant elle. Elle avait les yeux rouges, le visage marqué par ces larmes.
« Maintenant n’ose pas me dire que tout va bien, lui dis-je.
– Ethan, reste avec moi, s’il te plait, dit-elle sanglotant encore.
– Bien sûr, tout ce que tu voudras. »
La sonnerie a retenti, puis tous les autres lycéens sont sortis. Au bout de dix minutes, mon prof est venu, étonné du fait que je ne sois pas en cours.
« Ethan ? Qu’est-ce que tu fais ici ?
– Rien qui ne vous regarde, répondis-je d’un ton sec.
– En cours ! Tout de suite !
– Jamais. Je n’ai pas l’intention de venir.
– Tu le regretteras.
– Aucune chance. »
Sur le coup, tout ce qui m’importait c’était Flora. Qu’est-ce qui lui était arrivée pour qu’elle craque comme ça, au milieu du préau ? Une fois remise, je l’ai prise avec moi et l’on est sorti dans la cour, on est installé sur un banc, elle est assise sur mes genoux.
« Tu veux me raconter ou est-ce encore trop dur pour toi ? demandais-je.
– Tu me jures de toujours garder ça pour toi ?
– Promis.
– Bon. Déjà oui, quelque chose ne va pas, même si je te parais toujours heureuse j’en suis loin. J’ai juste craqué, je n’en pouvais plus et j’ai de la chance de pouvoir compter sur toi.
– Je le serais pour longtemps encore.
– Ensuite, quand on était au resto, tu as parlé de mes parents. Oui, quelque chose m’a dérangé lorsque tu les as évoqués. La première raison c’est mon père, ce n’est pas facile à dire et j’ai du mal avec ça, mais il frappe ma mère.
– Génial, un connard de plus. Désolé. Quelquefois, j’ai un côté très violent contre les hommes.
– Non, tu n’as pas à t’excuser… Je le déteste aussi, mais pas que pour ça.
– Il y a quelque chose de pire c’est ça ?
– Exact.
– Il te bat toi aussi ?
– Et bien… Tu sais, j’ai une certaine attirance pour les filles. Mais ce n’est pas sans raison.
– Où tu veux en venir ?
– J’avais huit ans, dit-elle sentant les larmes remonter, un soir, il est revenu saoul et il est monté à l’étage des chambres. Il a ouvert la porte de sa chambre doucement pour s’assurer que ma mère dormait puis il est venu dans ma chambre et… »
Je m’étais perdu, le regard vide, à imaginer ce que cette ordure avait pu faire. Je ne savais pas laquelle de mon idée tordue était la pire, mais je ne voulais accepter aucune d’elle.
« Attends, tu es en train de me dire ? Ce n’est pas ce que je pense ? dis-je la voix tremblante.
– Tu comprends pourquoi le corps d’un garçon me fait peur… dit-elle doucement.
– Mais attends, ne t’en as jamais parlé à personne ?
– Non.
– Même pas à ta mère ?
– Non, personne sauf toi.
– Mais pourquoi moi, pourquoi…
– Parce que tu es quelqu’un de confiance. Quelqu’un en qui j’ai confiance.
– Mais on ne peut pas laisser ça comme ça, faut le faire enfermer ce type !
– Mais si l’on parle, il va être encore pire.
– Je m’en charge s’il le faut.
– Non, s’il te plait, dit-elle inquiète. S’il le sait, il va s’en prendre à nous.
– Qu’est-ce que je peux faire alors ? Je ne peux pas rester comme ça en sachant tout ça.
– Je t’en prie Ethan.
– Laisse-moi au moins te protéger petite princesse.
– Me protéger de qui ?
– Te protéger de ton père.
– Mais comment ?
– Oublie-le, disparais de sa vie, éloigne-toi de lui. Une amie de ma mère a toujours cherché à accueillir des enfants. Tu pourrais rester chez elle pendant un certain temps.
– Et qu’est-ce qu’on dirait à ma mère ?
– La vérité, je pense qu’elle le comprendrait.
– Tu crois ?
– Je le sais. Je veux juste te protéger Flora.
– Alors, promets-moi une chose.
– Tout ce que tu voudras, dans la mesure de mon possible.
– Je veux que tu me promettes, même si ça prend du temps, que tu tenteras ta chance avec Mélissa.
– Flora !
– Promets-le-moi !
– D’accord. »
Je n’ai pas dormi ce jour-là, je suis resté perturbé, même si le mot est faible, par ce qu’elle venait de me dire. Comment est-ce possible ? Je sais que ça existe, mais quand bien même ? La chose en est pire lorsque ça nous touche vraiment. Que devais-je faire ? Agir, ou bien rester là, sans rien dire à savoir une chose aussi horrible que celle-là. Toutes ces questions, sans réponses utiles, toutes futiles et inapplicables. J’ai quand même permis à Flora de s’isoler de lui, au risque d’attiser sa colère.
Mardi 6 novembre 2012.
Je me suis rendu chez Flora après les cours, elle avec moi. Je devais expliquer à sa mère ce qu’il s’était passé et essayer de trouver un moyen de faire changer ceci. Sa mère nous avait laissés prendre place dans le canapé du salon.
« J’ai quelque chose d’assez délicat à vous dire.
– Vas-y, je t’écoute, me dit-elle.
– Je sais qu’apparemment, je ne devrais pas savoir ce dont je vais vous parler. Et même si j’ai promis de ne rien dire à personne d’autre à votre fille, mon éthique ne me permet pas de laisser ceci de cette manière.
– Tu commences à me faire peur, dit-elle.
– Je sais que son père, votre mari n’est pas forcément le meilleur qu’il puisse exister, je dirais même qu’il en est loin. La première chose est que je veux protéger Flora de ce monstre.
– Avec plaisir, mais comment ?
– Vous, vous n’avez aucun problème avec ça ?
– Non, au contraire, si tu peux trouver un moyen de l’éloigner.
– Une amie de ma mère peut l’héberger, du moins le temps que l’on s’occupe de lui.
– S’occuper de lui ?
– Je sais qu’elle n’est pas la seule à souffrir de son père. Je n’ai pas l’intention de laisser une ordure comme lui faire de mal à Flora et je ne veux pas que vous ne souffriez encore plus.
– Ne t’en fais pas pour moi, je n’ai pas besoin de ton aide…
– Je sais que si, des ordures comme lui il ne devrait pas en exister. Je veux l’arrêter.
– Qu’est-ce que tu comptes faire ?
– D’abord, je crains les répercussions que peut avoir le fait que je sois au courant alors j’aimerais que ça reste entre nous. Ensuite, il me faudra trouver quelque chose pour prouver l’accusation, et vos plaintes, évidemment. »
Je me trouvais quelque peu dépourvu, je savais que je devais faire changer ça, mais comment ? Après les questions sur pourquoi il avait agi de la sorte, c’est comment le lui faire payer qui me torturait la tête. Je gardais quelques idées en tête alors que je me mettais à penser à autre chose, Mélissa. C’est elle qui m’intéressait depuis le début et je sais que la manière dont je me comportais avec Flora tous les jours ne laissait pas croire que je n’avais pas de copine, et pourtant. Je ne savais ni comment j’allais faire, ni ce qui se passerait autour, avant, après, entre temps. J’avais envie de me laisser faire, sans pour autant perdre ma chance.
Never made it as a wise man
I couldn’t cut it as a poor man stealing
Tired of living like a blind man
I’m sick inside without a sense of feeling
This is how you remind me
This is how you remind me of what I really am
It’s not like you to say sorry, I was waiting on a different story
This time I’m mistaken, For handing you a heart worth breaking
And I’ve been wrong, I’ve been down, Into the bottom of every bottle
These five words in my head
Scream, « Are we having fun yet ? », « Are we having fun yet ? »
It’s not like you didn’t know that
I said I loved you and I swear I still do
It must’ve been so bad
‘Cause living with me must’ve damn near killed you
This is how you remind me (you remind me)
This is how you remind me of what I really am
It’s not like you to say sorry
I was waiting on a different story
This time I’m mistaken, For handing you a heart worth breaking
And I’ve been wrong, I’ve been down
Into the bottom of every bottle
These five words in my head
Scream, « Are we having fun yet ? »
This is how you remind me (you remind me)
This is how you remind me of what I really am
It’s not like you to say sorry, I was waiting on a different story
This time I’m mistaken
For handing you a heart worth breaking
And I’ve been wrong, I’ve been down, Into the bottom of every bottle
These five words in my head
Scream, « Are we having fun yet ? »,
« Are we having fun yet ? »
— Avril Lavigne | How You Remind Me —
Mercredi 21 novembre 2012.
Dès le moment où je suis entré dans le lycée j’ai senti quelque chose d’étrange, comme si j’avais tous les regards sur moi pourtant ce n’était pas différent. Comme tous les jours, je me suis installé la table où était Ryan et quelqu’un est venu s’installer à côté de moi.
« J’ai compris, j’ai repensé à ce que tu as dit.
– C’est-à-dire ? Qu’est-ce que ton esprit bizarre a compris Lynn ?
– C’est de moi que tu es amoureux ! »
Je me suis brutalement tourné vers elle, d’un air effrayé et amusé. Comment elle avait pu penser ça ?
« Vraiment ? dis-je étonné.
– Ouais, peut-être que tu ne sais pas qui est Emily, OK. Mais c’est à moi que tu es venu parler.
– Parce que c’est toi qui es venue m’agresser. Ça ne t’est pas venu à l’esprit ? Effectivement, il y aurait bien une personne qui me plait dans ton groupe d’amies, mais pas toi.
– Mais…
– T’as pas compris ce qu’il t’a dit ? fit Ryan. Il ne t’aime pas ! »
Elle s’en alla attristée et énervée, brutalement sans prêter attention à ceux qu’il y avait autour d’elle.
« Merci l’ami, je ne m’en serais jamais sorti sans toi, repris-je.
– Je suis là pour ça. N’empêche que tu t’attires des ennuis avec cette fille !
– Et alors, qu’est-ce que ça peut te faire ? C’est moi qui vais finir avec ces problèmes, pas toi.
– Je dis ça pour ton bien.
– Mon bien, ce sera elle, Ryan.
– OK ! Mais ne tarde pas trop. »
Dans un sens, il avait raison. Si je finissais par trop tarder, je la verrais comme une fille parfaite, sans aucun défaut et lorsque je serais avec elle, ce « mythe » s’effondrerait. Quelques minutes plus tard, Lucas arriva et me donna un papier.
« Qui t’a donné ça ? lui demandais-je.
– Un mec de notre classe.
– Et de qui ça vient ?
– Il n’a pas voulu me le dire. À toi de trouver.
– Bon, pas trop le choix. »
C’était une fille qui l’avait écrit, ça se voyait, rien qu’à la forme des lettres. Une écriture douce et mignonne, espérons que la personne qui l’a écrit soit pareille.
Tu ne prêtes peut-être pas attention à moi, mais moi si, et je sais que tu t’en es aperçu. Je ne veux pas que tu essaies de me chercher, je me dévoilerais le moment venu. À bientôt…
« Tu as une idée de qui ça peut-être ?
– Non, mais je vais respecter ce qu’elle veut, je ne vais pas la chercher. »
Depuis le début de la journée, je savais que quelque chose à un moment n’irait pas, mais aucun moyen de déterminer quoi. Il était presque une heure et je devais aller en cours, j’étais les bras croisés, appuyé contre un mur pour attendre Flora. Puis, alors que j’écoutais ce qui se passait aux alentours, j’ai entendu Zack.
« Vas-y dégage ! Tu me fais chier.
– Je ne t’ai rien fait, ne m’agresse pas, répondit la fille.
– Je t’agresse comme je veux ! T’as qu’as pas te foutre sur mon chemin, dit-il en commençant à la bousculer.
– Hey, on se calme d’accord. Zack tu dégages elle ne t’a rien fait.
– Ouais, ben c’est toi qui vas payer pour ça.
– La violence ne résout rien, puis tu sais que tu vas perdre.
– Essaie, on va voir.
– Ça ne sert à rien !
– Tu vas voir si ça ne sert à rien ! »
Concrètement, je ne savais pas me battre, lui non plus d’ailleurs, mais je savais esquiver les coups, surtout les siens. Il s’était souvent affronté à moi, mais à chaque fois il se faisait laminer et cette fois-ci ça n’allait pas changer. Ce n’est que cinq minutes plus tard, une arcade cassée et la mâchoire déboitée, qu’un des surveillants nous a envoyés chez le proviseur. Contrairement à Zack, je n’avais pas récidivé, c’était bien la première fois que je rentrais dans ce bureau. J’avais repris la même position que tout à l’heure sous le préau pendant qu’on interrogeait Zack et celle à qui il s’en était pris. J’attendais mon tour, patiemment alors que quelqu’un d’autre entrait dans le bureau. C’était Mélissa. J’ai attendu quelques minutes que ses sanglots cessent et lui permettent de parler. Zack était une nouvelle fois derrière tout ça. Je n’ai pas attendu mon tour, je suis sorti du bureau, ma colère me faisait battre le cœur à une vitesse phénoménale. J’ai attrapé ce que je pouvais sur le chemin pour le frapper avec. Je n’avais pas remarqué le surveillant qui était avec nous dans le bureau qui m’a arrêté après le premier coup. Il a emporté Zack et je suis pari dans la cour, dans le froid qui commençait à s’installer chez nous. J’étais dans un endroit assez spécial, c’est le toit d’une partie du bâtiment qui était plat. Cet endroit me rappelait une autre zone où l’on se mettait avec mon meilleur ami à l’époque du collège. J’y suis resté dix minutes avant que Lucas vienne.
« Tu sais qu’on te cherche partout ?
– Non, mais après tout ça ne m’importe que peu, répondis-je.
– Bah ! On veut ta vision des faits apparemment. Va les voir, ça ne coute rien, reprit Lucas.
– S’ils veulent bien la croire.
– Je pense que oui.
– T’as raison. Ne m’attends pas, retourne en cours, fis-je.
– Je n’avais pas l’intention de poireauter pour toi.
– Je m’en doutais. »
Je suis retourné dans le bureau du proviseur. J’y ai pris place en attendant qu’il revienne.
« Ah, vous voilà. Vous étiez retourné en cours ?
– Pas exactement.
– Bon. Je vous expose ma vision des choses. J’admets et comprends que ce n’est pas la première fois qu’il s’amuse à déranger tout le monde pour ne pas dire autre chose. C’est noté dans son dossier et dans celui de ce lycée. La chose que je veux savoir c’est si j’ai raison d’écouter les témoins de la scène. Expliquez-moi comment ça s’est passé.
– Il s’en est pris à cette fille, je ne sais même pas pourquoi. Est-ce qu’elle l’a bousculé ou juste gêné sur son passage ? Ce n’est pas important. J’ai le malheur de le connaitre, alors lorsque j’ai entendu qu’il s’en prenait à elle sans trop de raisons, je suis allé les voir pour le calmer et il a voulu s’en prendre à moi, parce que je me suis interposé. Mon visage témoigne de la suite.
– Bien, je vous crois. Votre version n’est pas différente de celles des autres.
– Qu’est-ce que vous allez faire de Zack ?
– Lui, le virer dans l’heure, violence verbale et physique, tentative de viol. L’envoyer en prison s’il était majeur, l’envoyer en cour pour juger sa tentative.
– Sa tentative… sur qui ?
– Une seconde. Une certaine Mélissa.
– Mais qui, qui l’a aidée ?
– Deux amis à vous, je crois, Ryan et Flora. Ça vous étonne ?
– Oui, mais ça me fait plaisir.
– Vous pouvez y aller.
– Merci. Bonne journée.
– C’est plutôt à moi de vous le souhaiter. »
Cette fois-ci, j’amorçais la remontée. J’avais réussi à éliminer le seul danger du lycée, pour moi et tous les autres.
Samedi 1er décembre 2012.
J’ai été convié par les parents de Flora à manger chez eux. En un sens, c’était compréhensible. Nombreuses fois, ils m’avaient vu avec elle, dans ses bras. Mais cette situation me paraissait malsaine. Encore plus quand j’ai aperçu la mère de Flora avec un coquard. J’ai essayé de lui demander si le fautif était son mari, sans lui parler et elle me l’a confirmé. Ma haine contre cet homme venait de prendre encore plus de place. Plus tard, pendant le repas, il me demanda un service.
« J’ai entendu dire que tu étais un peu geek, me dit-il. Tu crois que tu pourrais me réparer mon ordinateur ? Tu le prendras chez toi si tu n’as pas le temps.
– D’accord, je verrai ce que je peux faire. »
Le repas passa, non pas sans une certaine gêne chez moi. J’avais toujours l’envie de le dénoncer pour ce qu’il n’avait fait, mais je n’avais aucune preuve de ce que j’avançais. Après avoir aidé la mère de Flora à débarrasser la table, je suis allé dans le bureau, et me suis installé devant l’ordinateur de son père. Il n’avait pas vraiment de problème, il voulait simplement faire une vérification de disque et son propriétaire l’avait certainement empêché la première fois. J’ai validé la vérification, et je suis resté quelque temps devant l’ordinateur pour m’assurer qu’il n’y avait pas de souci. Mes yeux oscillaient entre mon téléphone et les messages qu’ils s’envoyaient sur des groupes Facebook et l’écran de l’ordinateur pour voir l’état d’avancement. Dans la liste des fichiers, j’ai aperçu une racine de fichier qui s’appelait Flora. Évidemment, ma curiosité avait été piquée. J’ai attendu la fin de la vérification et accédé à Windows. Sa session ne possédait pas de mot de passe, alors je me suis permis de fouiller, trouver ce dossier nommé au prénom de sa fille. J’y ai trouvé une vidéo, parmi toute une série de photos qui ressemblaient à des photos prises en vacances de sa fille. Cependant… « Oh, non… »
Je crois que je n’avais jamais vu Ethan se liquéfier de la sorte. J’avais vu ce qu’il avait vu, et personne n’aurait jamais dû trouver cette chose…
« C’est bon, votre ordinateur est en service, fis-je après avoir rejoint la famille dans le salon.
– C’est vrai ? Génial. Tu as vraiment de l’or au bout des doigts, me répondit-il.
– On me le dit souvent, repris-je.
– Ça, je n’en doute pas !
– Vous ne m’en voudrez pas, mais il va falloir que je rentre. J’ai encore des choses à faire.
– Non, pas de soucis, répondit la mère de Flora. Merci d’être venu.
– Je te raccompagne ? demanda Flora me tendant son bras.
– D’accord, répondis-je en souriant. »
Nous avons rejoint ma voiture, sans un mot. Je n’étais pas tranquille, et je sais que Flora l’avait senti.
« Je sais que tu ne portes pas mon père dans ton cœur, même à moi tu n’as presque pas adressé un mot. Qu’est-ce qu’il t’arrive ? »
Je me suis retourné, appuyé contre ma voiture, puis ai relevé mon regard vers Flora.
« J’ai trouvé quelque chose, dans l’ordinateur de ton père, lui dis-je.
– Quelque chose ? Quelque chose genre…
– Une vidéo, que je n’aurais jamais dû trouver, je crois… »
Elle mit ses mains devant son visage, effrayé et attristé. J’ai vu ses larmes monter et faire rougir ses yeux. Je lui ai tendu mes bras pour essayer de la réconforter.
« Je suis désolée… me dit-elle.
– Ne le sois pas, c’est moi qui le suis pour ce qu’il t’a fait subir. J’ai une vraie preuve maintenant, je vais aller porter plainte contre lui.
– Ne fais pas ça s’il te plait.
– Si ce n’est pas la justice qui le fera payer, c’est moi qui m’occuperai de lui.
– Ethan…
– Ne t’en fais pas, je vais vous sortir de là. »
Wake to see your true emancipation is a fantasy
Policies have risen up and overcome the brave
Greatness dies, unsung and lost, invisible to history
Embedded spies brainwashing our children to be mean
You don’t have long
I am on to you
The time, it has come to destroy
Your supremacy
You don’t have long
I am on to you
The time, it has come to destroy
Your supremacy
Your supremacy
— Muse | Supremacy –
Lundi 3 décembre 2012.
Je n’avais pas cours cet après-midi. Pourtant, ma mère m’interpella à me voir prendre mes affaires pour m’en aller.
« Où est-ce que tu vas ? Tu ne m’avais pas dit que tu n’avais pas cours ?
– Je vais porter plainte, lui répondis-je.
– Quoi ? Mais comment ça ? On t’a agressé ?
– Ce n’est pas pour moi maman. Je… »
Il était toujours difficile pour moi d’en parler. Ça me paraissait surréaliste.
« Le père de Flora l’a violée quand elle était petite, et il bat sa femme. »
Ma mère connaissait étrangement ce regard empli de haine que j’essayais de lui cacher. Pourtant, rien n’arrivait à empêcher ma colère de me ronger un peu plus chaque jour.
« Et tu veux qu’il paie pour ce qu’il a fait. Promets-moi au moins que ça ne t’attirera pas d’ennui.
– Je crois que c’est pas possible ça. S’il sait que je l’ai dénoncé, moi comme Flora pensons qu’il s’en prendra à toutes les personnes qu’il pourra suspecter d’être au courant. Mais c’est pas grave. J’aurais fait ce qu’il fallait, ce qu’il me semblait bon. »
J’ai pris ma voiture pour rejoindre la gendarmerie. J’ai demandé à poser une plainte contre une personne. Et lorsque j’ai dit à la personne qui s’occupait de l’enregistrement des plaintes la raison de ma venue. Elle m’a dit de patienter, et d’attendre quelqu’un d’autre. Arriva un homme, portant tout l’uniforme de gendarme, mais une tenue noire.
« Enchanté, Matt Sundwall. Je vous prierai de me suivre s’il vous plait.
– D’accord, répondis-je. »
Il m’amena plus loin dans les bureaux, dans une salle fermée, presque un interrogatoire. Il me fit signe de m’asseoir, appuya une sur une série de boutons au mur et vint s’installer devant moi.
« Vous savez, dit-il en posant son porte-document devant lui, ce genre de plainte n’est pas à prendre à la légère. Vous pourrez avoir des ennuis à accuser quelqu’un.
– Je sais, mais j’ai une preuve, fis-je.
– Une preuve ? Quel genre de preuve ?
– Une vidéo.
– D’accord. Ai-je le droit de savoir comment vous l’avez obtenu ?
– Il m’a demandé de lui réparer son ordinateur. Dans le processus de vérification de fichier, j’ai aperçu un dossier portant le nom de sa fille. Une fois l’ordinateur allumé, il n’avait aucun mot de passe, alors j’ai cherché le dossier en question et je suis tombé sur la vidéo.
– Vous avez cette vidéo ? me demanda-t-il écrivant des choses sur sa feuille.
– Oui. »
J’ai sorti une clé USB de ma poche et l’ai posée sur la table. Il releva les yeux sur la clé, puis reprit son écriture jusqu’à ce qu’une personne lui amène un ordinateur.
« Vous enregistrez tout ce que l’on dit, n’est-ce pas ? demandais-je.
– Je pense que vous comprenez pourquoi je fais ça, dit-il prenant la clé et la connectant au PC.
– Je comprends oui. »
Il laissa quelques minutes de blanc. Le temps de regarder le fichier que je venais de lui fournir. Il me regarda ensuite, écris quelque chose sur sa feuille, puis tourna l’écran de l’ordinateur entre nous deux.
« Très bien monsieur. Je vais vous demander de faire votre plainte à haute voix. Je veux que vous donniez votre nom complet, la raison de votre plainte, contre qui elle est tournée, qui en est la victime. Et que vous indiquiez à la fin si votre nom devra être mis sous X sur le rapport. Allez-y.
– Je déclare, moi, Ethan Sanders, porter plainte contre Antoine Mercier pour viol sur sa fille, Flora Mercier et pour violences conjugales envers sa femme Sylvie Mercier. Je souhaite que mon nom reste anonyme sur le rapport.
– Très bien monsieur Sanders. Il faut que je rédige ce rapport, ensuite je contacterai les victimes de vos plaintes pour recueillir leur version. Vous pouvez y aller. Bonne journée, monsieur Sanders. »
Cet instant m’a paru quelque peu surréaliste, je savais pertinemment que je devais le faire pourtant, quelque chose semblait étrange. Patrick m’appela à peine sorti de la gendarmerie.
« Salut Couz’. T’es dispo pour dans trente minutes ?
– T’as encore une heure à rien glander ?
– Ouais.
– OK, je serai là quand tu sortiras.
– À tout alors. »
J’ai redescendu la ville, rejoindre mon cousin pour qu’on passe du temps ensemble. J’ai aussi envoyé un message à Flora, lui disant que j’étais allé porter plainte contre son père et que les gendarmes prendrez contact avec elles pour avoir leurs témoignages.
« Tu crois que ça suffira ? me demanda-t-elle au téléphone.
– Il faudra. J’ai bien l’intention qu’il paie pour tout ce qu’il vous a fait.
– Je trouve ça toujours aussi étrange que cette histoire te tienne autant à cœur…
– Peut-être parce que tu as pris trop de place dans ma vie ? demandais-je.
– T’essaies de me dire que je suis envahissante ? »
J’apercevais au loin Patrick sortir de son atelier.
« Rassure-toi, même si t’es envahissante, je n’ai aucune envie que tu libères toute la place que tu prends. Je te laisse, on m’attend. On se voit demain ?
– Évidemment. À demain.
– Envahissante ? s’étonna Patrick.
– Est-ce que ça fait presque quatre mois que je te cache l’existence de Flora ? C’est très possible, oui. Allez, viens.
– Comment ça quatre mois ? Flora ? Ça fait quatre mois que tu me caches que tu dragues une fille sans que je le sache ?
– Je ne la drague pas Pat. Flora est lesbienne. Mais je t’ai quand même caché que je passe beaucoup de temps avec elle depuis que je la connais.
– Et après tu t’étonnes que je t’engueule parce que tu ne te bouges pas le cul. Mais merde, dis-moi les choses aussi.
– Y’a que les personnes de mon lycée qui la connaissent parce qu’ils me voient trainer avec. Personne d’autre. C’est une fille compliquée qui a une histoire compliquée.
– Comme toutes les filles quoi, me dit-il avant d’entrer dans le magasin.
– Non, pas comme toutes les filles. »
À notre habitude, nous sommes sortis du supermarché avec notre canette de Monster et une boite de génoise à la cerise. Nous sommes partis nous isoler dans un coin qui est un peu singulier où nous avions l’habitude d’aller.
« Pourquoi tu me l’as caché ? demanda Patrick.
– Parce que tu m’aurais martelé de question, de pourquoi je veux pas sortir avec elle, de comment elle est, pourquoi si, pourquoi ça.
– Je vois pas de quoi tu parles, reprit-il fuyant mon regard.
– Elle s’est fait violer par son père, repris-je quelques secondes plus tard. Et je sortais de la gendarmerie quand tu m’as appelé.
– Tu as porté plainte contre lui ?
– J’ai l’intention de le faire coffrer.
– D’accord. Tu as raison, peut-être que ça ne me regarde pas.
– C’est une histoire compliquée. Mais ne t’en fais pas, je te la présenterai un jour. »
Lundi 24 décembre 2012.
Quelqu’un frappa à la porte des Mercier. Quelqu’un que cette famille n’attendait pas si tôt. Sylvie vint ouvrir la porte, observa cet homme à la veste noire qui attendait sous la neige que quelqu’un vienne. Derrière lui, elle vit des voitures de police, trois pour être précis.
« Madame Mercier, votre mari est-il ici ? demanda l’homme en noir.
– Oui, il est dans le salon, répondit-elle hésitante.
L’homme fit signe à d’autres personnes de le suivre. Ils se rendirent dans le salon, alors que Flora sortait de sa chambre après avoir entendu quelqu’un entrer dans la maison.
« Monsieur Antoine Mercier ? demanda l’homme en noir.
– Oui, qu’est-ce que… Que se passe-t-il ?
– Vous êtes en état d’arrestation pour le viol de votre fille et violence conjugale. Je vous prierai de me suivre ou je devrai vous passer les menottes.
– Mais, je ne comprends pas… fit Antoine.
– Monsieur Mercier, fit le policier lui montrant la sortie. »
L’homme s’exécuta, prit le chemin de la porte, apercevant dans le couloir sa femme et sa fille. Flora était en sanglot, voyant son père partir avec les gendarmes, monter dans la voiture et s’en aller.
« Ethan ?
– Flora ? Est-ce que tout va bien ? »
La fille m’appelait, alors que j’entendais dans sa voix les sanglots qui coupaient encore sa gorge.
« Ils l’ont embarqué, me dit-elle.
– Comment ça ? Ils sont venu chercher ton père ?
– Oui, ils sont partis il y a dix minutes. On a réussi Ethan ! Tu as réussi Ethan. »
J’ai lâché un gros « YES » alors que j’étais encore dans ma chambre.
« C’est incroyable, repris-je.
– Je ne sais pas, on ne sait pas comment te remercier Ethan. Tu as réussi ça changer ma vie encore une fois.
– Profite de tes fêtes. Profite de ta famille. Prends soin de toi. Tout sera très différent maintenant.
– Encore merci Ethan… Tu ne veux pas venir passer les fêtes avec nous ?
– Non, je vais rester avec ma famille. Mais merci de me l’avoir proposé.
– Alors on se revoit à la rentrée ?
– Ouais. Prends soin de toi, princesse, dis-je. »
Samedi 5 janvier 2013.
Flora m’avait demandé de venir chez elle. Elle avait envie de me voir. La fille me sauta dans les bras après m’avoir ouvert la porte. Elle me serrait fort, je sentais que quelque chose avait changé, hormis ses cheveux noirs. J’ai pris une photo d’elle ce jour-là, c’était certainement la seule fois que je l’ai fait d’ailleurs. Si à son habitude, je l’avais toujours vu sourire, cette fois, le bonheur qu’elle respirait était très différent. Très vrai.
There’s no more wind to be found
In the sails
Hands full of falling stars
And comet tails
Rivers of sand
All entwined through my hands
To know what they’ve seen
Well my burden’s all pale
I’ll make an hourglass from my fingers
I know I’m only passing through
I don’t want to pretend
That I’m stronger for it all
I don’t want to pretend
That the sadness is gone
‘Cause I want to know that I’m steady on my feet
I don’t want to pretend
So peace will be real to me
There’s no respite to be found
In the waves
Each rise and retreat will scrub the blood away
I’ll make an hourglass from my fingers
I know I’m only passing through
I don’t want to pretend
That I’m stronger for it all
I don’t want to pretend
That the sadness is gone
‘Cause I want to know that I’m steady on my feet
I don’t want to pretend
So peace will be real to me
— Hands Like Houses | Oceandust —
1 thought on “Chapitre 2 : Des larmes et du courage.”
Comments are closed.