L’hésitation, toujours choisir entre ce qui est le meilleur et ce qui sera le meilleur. Ou comment choisir entre celle avec qui l’on passera sa vie ou celle avec qui l’on passera une nuit. La vie est étrange, étrangement plus lorsque tout nous arrive par hasard, ou presque.
Six mois, cela faisait six mois que j’étais avec Mélissa, six mois que j’avais passés à être heureux comme jamais. Je n’étais presque plus chez moi, toujours dehors, avec mes amis, avec elle. Il y avait quelque chose de magique, quelque chose que j’avais attendu longtemps auprès de Flora, longtemps loin de Mélissa et aujourd’hui, je l’avais. Vous savez, j’ai passé des années à chercher quelqu’un qui me rendrait heureux, qui me donnerait le sourire. Une personne qui me donnerait envie de me lever le matin, avec qui me je me sentais bien en permanence. Une personne avec qui je discutais tout le temps, avec qui je ne m’ennuyais pas une seule seconde. Seulement…
À cette période de l’année, des grèves commençaient à surgir, contre une loi sur le travail jugée abusive par beaucoup. Cette fois-ci, Noa était invité par une de ses amies à une soirée au Meltdown, un bar dédié à l’eSport et aux jeux vidéos. Il avait convié Ethan à le joindre qui n’avait forcément pas dit non. Avantage à Noa qu’Ethan possédait une voiture, expliquant certainement le pourquoi de la demande.
Jeudi 9 avril 2015.
Encore un jeudi soir, vous allez me dire. Oui, encore un jeudi où Noa pouvait sortir de l’internat.
Je nous ai amenés à Clermont, dans un quartier que ne connaissait pas trop, avec ma 206. C’était là où habitait sa pote, qu’on devait passer chercher puisqu’elle non plus, n’avait pas de voiture, et chez qui l’on devait dormir.
« Mais je suis pas prête ! Je m’attendais pas à ce que vous arriviez si tôt, dit-elle au téléphone.
– On s’en fous, ouvre-nous la porte, on t’attendra, répondit Noa.
– Bon, j’arrive.
– Vingt minutes ! me fit Noa plus tard.
– Les femmes se font désirer, comme toujours.
– Ah, je crois que je l’entends. »
La chose qu’avait omis de me dire Noa, c’était le physique de la demoiselle. On est tous d’accord pour dire que je trouve Mélissa magnifique, mais elle. Elle s’appelait Helena, avait des origines algériennes, de magnifiques cheveux noirs, et des yeux marron absolument incroyables.
« Faut que j’aille faire des courses, messieurs, si vous voulez manger avant d’y aller, dit-elle en sortant de l’immeuble.
– Faut qu’on t’y amène ? demanda Noa avant de lui faire la bise.
– Non, il y a un supermarché à trois cents mètres. Salut, Helena, me dit-elle, venant me faire la bise.
– Ethan, enchanté.
– C’est toi le chauffeur alors ?
– Chauffeur officiel de Noa ? Ouais, ça y ressemble.
– On y va ? demanda-t-elle. »
Quelque chose m’avait perturbé chez elle. Je ne sais pas si c’est son style, ou le regard qu’elle avait posé sur moi. Nous sommes partis faire nos courses, de quoi faire des pattes carbonara, puis nous sommes retournés chez elle.
« Vous verrez, le bar est super sympa, et il y a même moyen que vous y trouviez une copine.
– Je suis déjà pris, répondis-je.
– Au moins pour Noa quoi, reprit-elle. »
Elle a passé tout le long de la soirée à me regarder. Entre les parties, entre les verres qu’elle m’a payés, toutes les fois où je suis allé au bar et qu’elle venait me rejoindre pour commander elle aussi. Les moments où l’on sortait pour fumer. Moi je ne fumais pas, ça faisait quelques années que j’avais arrêté. Les deux autres oui. Mais pourquoi ce regard, est-ce que je l’intéressais ? Puis arriva la nuit chez elle, où j’ai dormi sur un matelas par terre. Le lendemain, on repartait en cours avec Noa. J’avais oublié mon casque chez elle, j’ai demandé à Noa qu’il me donne son numéro. Outre le fait qu’on se soit accordé pour se revoir la semaine suivante, on s’est mis à discuter, beaucoup, trop peut-être. C’était étrange. Alors arriva cette soirée, une semaine plus tard.
Jeudi 16 avril 2015.
J’avais déjà beaucoup appris sur elle à discuter pendant que j’étais en cours. Elle m’avouait qu’elle faisait des crises d’angoisse ce soir-là.
« Ça va ? demanda Ethan.
– Ça va aller, laisse-moi un peu de temps. J’ai du mal avec les gens que je ne connais pas, répondit la demoiselle.
– Pourtant au Meltdown tu t’en sortais bien, non ?
– Ouais, parce que j’étais avec toi, et que je buvais.
– Et t’a pas envie de passer ton temps à t’alcooliser ?
– Pas vraiment… »
Elle me prit par la main pour sortir sur la terrasse et aller fumer. L’arrière de la résidence donnait sur une petite cour, un endroit qui paraissait très sympa, même de nuit.
« Toi je t’aime bien, me dit-elle. T’as rien à voir avec les autres mecs qui forcent à croire que tu es belle. Ou qui te courent après parce qu’ils pensent que t’es une chaudasse, alors que tu essaies juste de te mettre en valeur pour eux.
– C’est vraiment l’impression que je te laisse ? Quelqu’un de si différent des autres ?
– Évidemment, tu ne trouves pas ? demanda-t-elle.
– Personne n’est vraiment différent. Tout est une question de perception. De ce que l’on choisit de voir chez l’autre.
– Alors ça serait que ma perception qui me fait penser que tu fais partie de ces garçons géniaux ?
– Mecs géniaux que toutes les filles finissent par friendzonner. Parce que l’on est “trop gentil”.
– C’est dans ta tête ça. répondit-elle avec dédain.
– Bien sûr que c’est dans nos têtes. Comme le fait qu’on vous traite mal.
– Évidemment que vous nous traitez mal ! Comme si c’était toute notre faute ! On en parle de la répression masculine ?
– La bonne blague, tu veux pas te faire féministe extrémiste ? Je ne sais pas quelle idée tu te fais du monde, reprit-il quelques minutes plus tard, mais tu es très loin du compte. »
Il s’en déroula d’autres des soirées comme celle-ci, des soirées où tout nous mettait en désaccord, pourtant il se passait quelque chose entre nous. C’était malsain, trop étrange pour être réel, pour trouver une fin « normale ».