Vendredi 26 janvier 2018.
Ça faisait plus d’un an qu’Ethan s’était séparé de son copain, et sa vie n’allait pas vraiment mieux.
Je devrais peut-être situer l’histoire un peu mieux. Il est arrivé cet homme, qu’il connaissait depuis environ deux ans. Ils se sont mis ensemble, parce que ce dernier arrivait à faire parler Ethan sur toutes les choses qui lui pesaient sur le cœur. Mais cette personne était trop manipulatrice, elle essaya de le modeler pour qu’Ethan l’aime autant qu’il aimait Ethan. Mais cela n’a jamais marché dans son sens, il en arriva à l’évincer de sa vie, après une violente dispute ou Ethan eut des envies de meurtres, dans une colère qu’il ne maîtrisait plus.
Aujourd’hui, Ethan n’a plus envie d’avancer avec un homme, mais il y a un problème. Il n’a jamais couché avec une femme.
Il est quinze heures, Ethan et John se trouvent dans un bar où ils ont l’habitude d’aller, près de là où ils habitent.
« Mais quelle serveuse ! s’exclama John.
– Soit un peu sérieux mec, je te rappelle que t’as une copine.
– Ça ne change rien. »
Les deux amis étaient en train de siroter une bière, à leur habitude encore.
« Alors, ces sites de rencontres, ça donne quoi ?
– À part les pompes à fric, ce sont des putains de vitrines à marchandise, répliqua Ethan. Chacun ne se juge que par le physique.
– Et pourtant c’est pareil dans la vraie vie !
– Ouais, mais tu paies pas pour aller lui parler. »
John esquissa un oui de la tête en buvant sa bière.
« Si on connaissait pas la serveuse, j’aurais pas été contre, reprit Ethan.
– Un peu que tu aurais pas été contre. T’inquiètes ma poule, ça viendra.
– Ça viendra quand j’arrêterai d’attirer toutes les pédales du pays ouais !
– Qu’est-ce que tu veux, peut être que tu as un aimant.
– Ouais ben je vais leur couper la bite aux aimants.
– Attention, n’en profite pas pour laisser ta colère passer dessus.
– Ouais, je sais. J’essaie de faire attention. »
Les deux meilleurs amis travaillaient à des horaires particuliers, ce jour-là, tous les deux le matin, tôt. D’où l’aspect des deux alcooliques dans le bar un vendredi à quinze heures.
Ethan est contrôleur. Pas contrôleur de train, il contrôle des armoires électriques destinées à des trains et des tramways. Un boulot un peu complexe, mais très gratifiant pour lui. Il travaillait en 2/8, une semaine des horaires du matin, une semaine du soir, et là, il était du soir.
Mardi 30 janvier 2018.
La veille, il avait contrôlé un faisceau qu’il n’avait pas pu tester, car il n’était pas conforme. Dans ce genre de cas, il y a des tas de papiers à remplir pour faire un suivi de tout ce qui est fait sur un produit. Précisément un document où sont remplies les retouches, ou modifications à faire. Ce matin, Ethan reçoit un mail de son chef, l’incendiant qu’il n’a pas rempli ce document.
« Il me casse les couilles ce mec, dit-il à John par Messenger.
– Laisse-le faire. Tu vois bien qu’il est con.
– C’est pas une putain de raison pour incendier les gens alors que je l’ai fait mon taf.
– Bah, quand il vient te voir pour te faire “Ouais t’a pas rempli la feuille de retouche, tu l’oublies à chaque fois, nianiania” Tu restes calme, et tu lui fous le nez dans la merde en lui montrant qu’il se fout de la gueule du monde.
– Ouais, mais tu sais que quand ça m’énerve trop je suis plus diplomate.
– C’est pas faux. Mais essaie, tu verras c’est gratifiant.
– J’en doute pas. »
Ethan commençait le travail à treize heures trente, mais il aimait bien arriver en avance, une heure moins le quart souvent. Histoire de passer dire bonjour à tout le monde, boire un café avec ses collègues qui étaient en pause.
Il fit alors son tour de l’atelier, passa dire bonjour à ses habitudes, finissant par son frère, puis Cédric. Cédric qui avait à tester le fameux faisceau au document pas rempli. Ethan prit alors les papiers, vérifia la présence de ce fameux document et fit à Cédric :
« Je vais y dévisser la tête à ce mec. J’en ai marre de me faire accuser systématiquement alors que je sais que j’ai fait mon taf.
– Je te l’ai déjà dit Ethan, c’est un connard, répliqua Cédric. »
Puis arriva le moment, quelques minutes plus tard, où le chef passa voir Ethan pour son erreur.
« T’as encore oublié de remplir ta feuille de retouche, ça fait la troisième fois, ça commence à gonfler… »
Ethan lui mit alors devant les yeux la fameuse feuille, remplie comme elle devrait l’être.
« Elle est avec les papiers depuis hier soir. Ça fait la troisième fois que tu m’en fous plein la gueule parce que t’es pas capable de regarder les choses correctement. Moi aussi ça commence à me gonfler, et crois-moi le mot est faible. »
Le chef n’a pas su quoi répondre, il se tut et répartit aussi tôt.
« Bah voilà, on commence à lui rentrer dans le lard, ça, ça me plait ! fit Cédric à côté.
– J’aurais aimé qu’il surenchérisse. Je lui aurais collé mon poing dans la tronche, et j’me serais fait virer. »
Ethan était plutôt calme, tranquille et gentil avec ses collègues, jamais à leur balancer leurs erreurs dans la gueule. Il préférait les prévenir gentiment, avec toute l’image bienfaisante qu’il représentait chez les autres. Mais, sa colère avait quelque chose de mauvais, très destructeur. Meurtrière parfois.
Sauf que le meurtrier, ce n’était pas Ethan. Quelques heures après, il reçut un appel de sa mère, lui annonçant que son père était mort, sa voiture s’était fait renverser par un poids lourd. Quelqu’un passait au moment où il apprit la nouvelle, vit le visage d’Ethan se décomposer, devenir vide, sans espoir.
I miss, I mi —, I miss you
Eh, fuck it!
This might be the hardest song I’ve ever had to write
Yeah, I dreamt about you last night
I only see you when I close my eyes tight
Yeah, I wish I told you how I felt before you left
But it just never felt right
Yeah, crying
I wish I told you everything before you left
I won’t forget the day that they found the growth in your chest
The cancer took ahold of your body and then it spread
I talk to you more now than I ever did—I’m a mess
This song will never capture the pain that I could express
I learned from you that nothin’ is perfect, but try your best
I know you had your demons a younger me didn’t get
And out of all our demons, our biggest might be regret
Relate more than ever, remember back when I would only see you every other week
And every other Wednesday, you would take us out to eat
Mom and you had split, so we’re livin’ in between
Looking up the word “divorce” to understand what it could mean
But I don’t understand, Mom is with another man
You been drinkin’ heavier, to me was just another can
Culture full of broken homes, we were just another fam
Coulda left like other dads, you, you had another plan
So, you stuck around, dealt a life that you probably would never choose
You bottled it inside, and that bottle turned into booze
The Jäger took ahold and your body took the abuse
But finally found sobriety, cried when I got the news
I know, been hurtin’ more than I show
Inspired by your story, couple things you should know
I met this girl at my show, teared up by what I was told
She said, “I’m sober because of you, you do way more than you know”
And I said—
And I said, “Ohh, please grant me the serenity
To accept everything, I cannot change”
You, you always told me that
Do anything to have you back, see you one day
I, I wonder if you see me when I fall, yeah
I wonder if you hear me now at all
Maybe if the world plays this through speakers
I’ll be loud enough to reach you, and you’ll hear
My last letter for you
And I don’t understand how you would stay so optimistic
You started chemo, fought the battle, never quit
That really left an imprint
And we would talk about our lives and after this
How we would live ’em different
See, Mom and you would put your differences aside
Every day she would visit, see the love and your vision
See the hurt in your smile, your wisdom is what I’m missin’ the most
I’ll never be ready to let you go
I’ve never felt so helpless, it’s outta both our control
You told me how you wanted to travel, next year you’ll go
And your body had become fragile, not once did you lose your soul
We were told, it was progressin’ and you had less than a week
True love is every tear when we told you we had to leave
And how we would converse, and not once did we need to speak
Then, one day in late October you passed away in your sleep
I been cryin’ when I think about it
I miss your smile, I miss your laugh, and now I live without it
I told you music was my passion, and you never doubted
And people tell me they relate, but nah, I truly doubt it
Remember cryin’ on your grave and yellin’ up to you, “How did I lose my way?”
I won’t forget that summer were some of my darkest days
Was asking for a sign, sat in my tears and prayed
When I saw the sign, you sent me that day, was forever changed
I know, I know, I shoulda been a better me
Would blame me when we argue, I said things I didn’t mean
Me and you are who our issues should have always been between
So, I’m sorry for the lack of communication from me
I just wish that you were here, so you could watch me win a Grammy
But more importantly to build a family
I hope I make you proud and become everything I can be
I hope they play it loud and send this letter where I can’t reach
Sincerely, Mark
And I said, “Ohh, please grant me the serenity
To accept everything, I cannot change”
You, you always told me that
Do anything to have you back, see you one day
I, I wonder if you see me when I fall, yeah
I wonder if you hear me now at all
Maybe if the world plays this through speakers
I’ll be loud enough to reach you, and you’ll hear
My last letter for you
— Witt Lowry | Last Letter —
Marika lui dit alors de rentrer chez lui, ils se débrouilleraient sans lui.
Quelques heures sombres, quelques jours sans lumière. L’Ethan que tout le monde connaissait venait de se faire oublier, perdu dans des pensées impossibles à freiner.
Puis l’enterrement passa, et notre héros revint, doucement.
Lundi 5 février 2018.
Ethan restait toujours perdu dans ses pensées au travail, mais pas que dans ses pensées.
« Tu sais que je te vois d’ici à mater Ludivine. »
Ah, Lionel, en voilà un drôle d’énergumène très franc et brut de décoffrage. Rarement il gardera pour lui ce qu’il pense.
« J’arrive pas à me concentrer, répondit Ethan.
– Sur ses fesses, si apparemment.
Ethan se retourna vers son collègue.
– Quoi ? lui demanda Lionel. »
Ethan ne répondit pas, il esquissa un dépit avec ses yeux. Puis il se décida à aller la voir pour lui demander de l’aide sur ses retouches. Il se remit au travail, puis elle arriva. Il se passa quelques minutes, puis quelque chose avait changé.
« Qu’est-ce qu’il t’arrive ? Où est passé ta bonne humeur et son sourire ? demanda-t-elle.
– Effacés, avec mon père.
– Oh, je suis désolé.
– Ça me prendra juste un peu de temps.
– Tu sais quoi ?
– Dit toujours.
– Je te parie ce que tu veux que demain tu feras une rencontre. Quelqu’un qui va changer ta vie.
– Impossible.
– OK, si c’est le cas tu me devras un pack de bière. »
Un étrange sourire se dessina sur les lèvres d’Ethan. Amusé par la bêtise de sa collègue.
« D’accord, répondit-il
– Tu ne me crois pas, n’est-ce pas ?
– Pas vraiment non.
– Tu verras, j’ai toujours raison. »
Sa dernière phrase fit rire Ethan. Il n’y croyait pas, ni à la rencontre ni au fait qu’elle avait toujours raison. Mais après tout, pourquoi pas ?
Une fois rentré chez lui, il posa ses affaires et alla s’affaler sur son lit. Au même moment John appela son ami, comme tous les soirs.
« Salut ma poule, comment ça va ?
– Ah bah, je viens de m’écrouler sur mon lit, à part ça, ça va. Et toi ?
– Nickel, comme toujours.
– Je reviens, je vais me faire à bouffer. »
Trois repas par jour, c’est à peu près le nombre de fois où Ethan faisait un « Gros repas ». En plus des nombreuses fois où il grignotait.
« Ça va toujours le taf ? demanda John après que son ami soit revenu.
– Ça va, comme toujours. J’ai une de mes collègues qui est persuadée que demain je vais faire une rencontre.
– Et toi tu ne la crois pas ?
– C’est plutôt elle que je voudrai rencontrer !
– Tu m’étonnes.
– Elle m’a fait parier un pack de bière.
– Ah ! Là ça me plait.
– Je m’en doutais.
– Demain je veux toutes les infos.
– Quelles infos ?
– Sur ta rencontre ! s’exclama John.
– Tu vas pas t’y mettre toi aussi ?
– Et pourquoi pas ? Je l’aime bien l’idée de ta collègue là…
– Ludivine, répondit-il avec dépit.
– Ludivine voilà. »
Lolita Lempicka. Il y a une histoire amusante avec ce parfum et Ethan. Dans ses années lycée, il avait une amie qu’il appréciait beaucoup. Une amie qui portait ce parfum depuis qu’il la connaissait. Elle n’en a jamais porté un autre, du moins du temps qu’il la côtoyait. Plus tard, il rencontra une autre demoiselle avec le même parfum. Une personne qu’il n’appréciait pas forcément beaucoup, mais dont la relation qu’il avait avec elle était particulière. Cependant, comment vous expliquer la raison pour laquelle ce parfum le dérange tant ? Eh bien, j’oserai dire que tout le monde se cherche quelque peu en un temps de sa vie. Il y a eu une période de la vie d’Ethan, avant celle que je narre, où il se posait des questions sur son homosexualité. Il éprouvait sans condition des sentiments pour ces personnes. La première naturellement, la seconde peut-être juste à cause de ce parfum. Mais là n’est pas notre question.
Plus tard, il y a une autre altercation avec ce parfum, un autre bout d’histoire qui nous rapproche de la raison pour laquelle je narre.
Mardi 6 février 2018.
Ethan, toujours à bosser du soir, sortait faire ses courses le matin tôt, à l’heure d’ouverture du magasin environ. Ce jour-là, il fit son tour du supermarché pour faire ses courses, passa à la caisse puis s’en alla. Il n’y avait rien d’étrange ici, sauf, ceci. Une demoiselle croisa son chemin, portant le fameux parfum. Ethan oublia complètement ce qu’il était en train de faire pour se concentrer sur elle. Mais il continua d’avancer, comme si de rien n’était. Mais il n’y avait pas qu’elle.
Le magasin où il allait faisait partie d’une galerie marchande. Un grand hypermarché avec des tas d’autres dedans. Et une cafétéria, qui était là depuis la construction du supermarché. En face de notre grand étourdi se trouvait une autre personne, avec un café dans les mains. Ethan la percuta et renversa son café. Avec chance, aucun des deux ne fut éclaboussé.
« Oh merde ! s’exclama Ethan. Je suis désolé, je regardais tellement pas ou j’allais.
– C’est pas grave, je dois avouer que je t’ai pas vraiment vu non plus… »
C’est comme si, ce moment avait été écrit, ou prédit.
« Tu sais quoi, va-t’en chercher un autre, je te le paie. Je vais poser mes courses dans ma voiture et j’arrive.
– D’accord, répondit-elle avec le sourire. »
Il descendit dans le parking souterrain, rejoindre sa voiture pour poser ses sacs, puis il remonta à la cafétéria.
« Un latte macchiato, demanda-t-il au serveur, et vous mettrez le café de la demoiselle sur ma note.
– Oh ! Monsieur est galant ! fit l’homme derrière le comptoir.
– On va plutôt dire que je lui ai renversé le sien.
– Je vous apporte ça tout de suite. »
C’était un endroit assez fréquenté, un peu plus que les bars où allaient Ethan et John, simplement par le fait qu’elle se situait dans la seule galerie marchande de la ville.
« Alors ? Qu’est-ce qu’un jeune homme fait à cette heure-là dans un magasin ?
– Je pourrai te poser la même question ! lui répondit-il. Puis je ne suis pas certain que tu sois bien plus âgé que moi. »
Il y avait quelque chose d’étrange, comme si notre Ethan venait d’oublier toute la noirceur de la perte de son père en quelques minutes.
« Je suis caissière, c’est mon jour de repos.
– Ça explique bien des choses.
– Mais toujours pas ta présence ! répliqua-t-elle.
– Je suis contrôleur. »
Elle le regarda étrangement, comme si le mot qu’il venait de prononcer lui déplaisait.
« Pas contrôleur de train hein ! Je bosse dans le ferroviaire oui, mais je teste des armoires électriques qui vont dans des trains.
– Oula ! Ça m’a l’air encore plus chiant que ce que j’imaginais au début, répondit-elle.
– Enchanté, je m’appelle Ethan.
– Clara, répondit-elle avec un petit sourire gêné.
– Votre latte macchiato, fit le serveur apportant le café à Ethan.
– Merci.
– Un latte ! Le café seul ne te suffit pas où tu n’aimes pas ça ?
– J’adore le café, mais j’ai un petit faible pour les cafés spéciaux, surtout quand tu peux en avoir un qui n’est pas juste du café avec toi qui rajoute du lait. »
Ils passèrent quelque temps à discuter, d’un peu de tout et surtout de rien. Nous approchions les onze heures, le temps passe vite.
« Bah alors cette rencontre, lui fit John par Messenger.
– Je te raconte quand j’ai un peu de temps.
– Je reviens, je vais faire un tour aux toilettes. »
Et là, mesdames, messieurs, c’est le drame ! Pas du tout. Par contre, pendant que monsieur était au petit coin, il se passa des choses. Ethan revint, voire la demoiselle, quelque peu gênée, puis elle se mit à rire, bêtement.
« Qu’est-ce que tu as fait encore comme bêtise ?
– Tu vas te moquer de moi, répondit-elle.
– Dit toujours.
– Tu avais laissé ton téléphone déverrouillé. Je me suis dit, je vais le lui prendre et m’envoyer un message avec, comme ça j’aurais son numéro. Mais j’ai tellement hésité qu’il s’est reverrouillé. Et je me suis senti bête.
– Bah tient, donne-moi ton téléphone. »
Elle lui tendit son appareil, déverrouillé par contre. Il alla dans les messages, créa une nouvelle conversation, rentra son numéro. Il s’envoya ce message : « Je me permets de m’envoyer un message, ça serait bête de te donner mon numéro sans récupérer le tient ».
Puis il créa le contact, en se nommant « L’idiot qui a renversé ton café »
« Voilà pour vous, mademoiselle.
– Merci… répondit-elle un peu gênée. Il va falloir que j’y aille, j’ai encore des choses à faire.
– Vas-y, je ne te retiens pas.
– Je t’envoie un message, j’ai vraiment envie qu’on se revoie. »
Et elle s’en alla, laissant Ethan dans une étrange joie, et la vague impression qu’il devait rentrer lui aussi. En partant travailler, il appela John, pour lui raconter ses aventures avec ses rencontres.
« Bah alors ma poule, qu’est-ce qui t’a pris tant de temps ? lui demanda John en rigolant.
– Non, mais attends, c’est juste une vaste blague.
– Raconte !
– Je suis sorti faire mes courses, quand j’allais partir, je me suis fait emporter par une bombasse qui portait le parfum Lolita Lempicka.
– Ouais en gros elle t’a littéralement mis en orbite quoi.
– Ça y ressemble. Pis, y’a eu autre chose. Moi complètement à côté qui percute une autre demoiselle, et qui renverse son café.
– Tu lui as pas noyé son clavier ? demanda John plié de rire.
– Qu’est-ce que tu peux être con ! Non, je lui ai dit va-t’en chercher un autre, je te le paie. Je suis allé poser mes courses et je suis allé la rejoindre.
– Vous avez discuté, tout ça. D’où le fait que ça t’ait pris mille ans.
– Pis y’a eu un moment drôle. Après que je t’ai répondu, je suis allé aux chiottes. En revenant, je la vois se tordre de rire. Je lui demande ce qu’elle a, elle me répond j’ai voulu prendre ton téléphone et prendre ton numéro pendant qu’il était encore déverrouillé, mais j’ai trop hésité et j’me suis senti con.
– Haha, j’avoue l’idée était pas mal.
– Je lui ai demandé le sien, j’me suis envoyé un message et j’ai enregistré le contact en “l’idiot qui a renversé ton café”, reprit Ethan.
– Ah ! Là tu me plais. Monsieur a le numéro d’une fille.
– Elle s’appelle Clara.
– J’veux des photos ! lui fit John.
– Quand je l’aurais trouvé sur Facebook ou Instagram.
– Magne, je veux voir qui tu vas te sauter !
– Pas si vite la poule, répliqua Ethan. Y’a le time. Mais t’inquiètes, je sens que ça vient. »
Il arriva au travail, toujours en avance. Quelques heures passèrent, puis quelques minutes après la pause de l’après-midi, il partit voir une personne.
« Hep ! Reviens ici toi !
– Je suis pas là, tu m’as pas vu ! dit-elle allant se cacher derrière son coffre. »
Il était parti chercher Ludivine pour ses retouches. Il se posa sur un tabouret à côté d’elle.
« Ils t’ont laissée toute seule aujourd’hui. Je viens te demander de l’aide pour des retouches et en plus je t’offre ma compagnie. C’est pas beau ça ?
– À une condition ! dit-elle.
– Il est dans mon coffre le pack de bière.
– Ah ! Tu vois que j’avais raison !
– Ça me fait mal de le dire, mais oui, répondit Ethan. »
Un peu de temps passa, puis vint le chef d’Ethan, alors qu’il était encore en train de faire ses retouches avec Ludivine.
« T’avances pas là Ethan, arrêtes de discuter.
– J’avance pas ? Tu te fous de ma gueule ? Tu veux venir les faire les milliards de retouches du Maroc ?
– Euh…
– Alors, lâche-moi. Je viens pas te péter les couilles quand tu tournes dans l’atelier à rien glander. »
Son chef s’en alla, quelque peu frustré et perturbé par l’altercation qu’il venait d’avoir avec son collègue. Ethan s’imagina une étrange personne sauter sur son chef et le trancher en deux. Un peu comme s’il connaissait se personnage depuis très longtemps.
« Il est toujours aussi chiant ton chef ? demanda Ludivine.
– En général avec moi non. C’est bien la première fois et j’espère que ça sera la dernière.
– Et toi ? Tu tiens avec la mort de ton père ?
– J’essaie. C’est compliqué, y’a des jours où j’ai envie de passer à travers tout et tout le monde, mais j’arrive à me contenir.
– J’aimerai pas être à ta place… Je suis beaucoup trop proche de mon père.
– Les choses deviennent toujours plus compliquées quand tu n’as pas le temps d’anticiper.
– Ça, je veux bien te croire, répondit-elle avec le sourire. Et sinon ? Cette rencontre ?
– Ahah, ça restera un secret.
– Ah non ! Je veux tout savoir.
– Plus tard petite impatiente, plus tard, répondit-il se déplaçant pour aller quitter son pull.
– C’est peut-être indiscret, mais, tu as quoi de tatoué sans le dos ?
– Parce qu’en plus tu étais en train de me mater, ah bah bravo !
– Non, enfin… »
Il avait réussi à la gêner, parce qu’effectivement elle s’est bien intéressée à lui quand il se déshabillait.
« Slaves, répondit-il. »
Typographié en gras, majuscule et barré : SLAVES
« J’ai le même que mon meilleur ami, c’est juste le nom de notre groupe préféré, reprit Ethan.
– Ça a l’air d’avoir une grosse symbolique pour toi.
– Ouais, c’est un peu comme s’il n’y avait rien de mieux niveaux musique qu’eux. »
Ethan vivait à trente minutes de son travail, dans une ancienne ferme rénovée en deux appartements, bien perdu dans la campagne. Il y a des tas de choses intéressantes dans sa maison, notamment dans sa décoration.
Bon, mis à part le fait qu’il vivait avec quatre chats, la maison est bien assez grande pour lui tout seul. Il y a bien un moment où il faudra y greffer quelqu’un d’autre.
Dans le salon il y avait deux choses qui sortaient de sa décoration. Le tableau avec la couverture de Beautiful Death de Slaves, et ces phrases écrites à côté du canapé.
Like a Poet without Pain
Like a Beauty without Rage
Like an Innocence without a Life to Save
Like a Hope without a Slave
Like your Eyes without a Face
Like an Instinct with no other Life to Take
It’s Beauty and Rage!
Ces paroles sortent du morceau The Ever de Red. Il y en avait d’autres dans la maison, au-dessus de son bureau dans sa chambre, à côté de son panneau de LED. Witt Lowry, cette fois-ci.
So, who am I when the world tells me who I should be?
Look around, you’ll see ideas are essential as air and sleep
Everything you see, it came from the mind of a human being
That’s mind-blowing’, you’re not your mistakes or the fears you think
And I think, I need to pray and take care of myself more
Deep hidden in my mind’s where you’ll find Piece of Mind 4
C’était toujours une recherche d’inspiration, tout ce qui pouvait faire la décoration de son appartement sortait de quelque chose qui l’inspirait, ou qui l’avait inspiré.
A peine devant sa télé à regarder Netflix que John l’appelait déjà.
« Les photos ma poule ! s’exclama John.
– Ah merde, j’ai pas pris le temps de chercher.
– Tu veux que je te bute c’est ça ? Déjà que tu glandes rien au taf, en plus tu fais même pas ce que je te demande.
– On va se calmer hein, on en parle après mon épisode et ma bouffe.
– Mon Dieu ta bouffe. Arrête de manger gros sac.
– Non, j’ai faim. »
Il se passa des journées, des semaines, des mois. Ethan et Clara en couple, des heures de bonheur, de beuverie avec John. Des histoires quelque peu magiques. Mais, je ne suis pas ici pour vous raconter cela. Pas encore.
Quatre mois, et ceci arriva.
Mercredi 13 juin 2018.
Ethan reçut un appel de son meilleur ami, vers sept heures du soir.
« Faut que tu viennes à Mende tout de suite, j’ai besoin de toi !
– Qu’est-ce qu’il se passe ? demanda Ethan.
– Je t’expliquerai, mais viens, s’il te plait.
– Je vais m’arranger. Patrice ? »
Patrice, c’était un des anciens de la boite, Ethan parti le voir pour lui demander une faveur.
« Faut absolument que j’y aille, il y aurait moyen que je te laisse mon badge, tu me pointes ?
– Ouais, vas-y je m’en occupe.
– Merci Patoche, je te revaudrai ça. »
Puis il débarqua à une vitesse assez affolante à Mende, à l’hôpital.
« Qu’est-ce qu’il s’est passé ? demanda Ethan.
– Chloé a eu un accident. Elle n’est pas vraiment blessée, mais elle est dans le coma.
– Merde, je peux faire quelque chose pour toi ?
– Non, le simple fait que tu sois là, ça me suffit. »
Certaines fois, on se demande si le sors ne s’acharne pas sur certaines personnes. Ça faisait presque trois semaines que Clara était partie, et bientôt deux mois que la copine de John était dans le coma.
Vendredi 24 août 2018.
« Salut, John, comment ça va ?
– Ça fait, répondit-il. Je t’appelle pour te demander une faveur.
– Dit toujours.
– Je vais être obligé de m’absenter ce soir, et tu sais…
– Que tu ne veux pas qu’elle passe une journée seule.
– Tu pourrais ?
– Aller la voir ? Bien sûr, dès que je sors du taf.
– Merci ma poule, je te revaudrai ça mille fois.
– C’est un plaisir. »
La journée passa, puis Ethan décolla de son travail pour rejoindre l’hôpital de Mende. L’avantage, c’est de rouler avec une grosse voiture. Il avait tendance à rouler quelque peu vite. Mais juste un peu.
« Bonjour, je viens rendre visite à Chloé, je pense que son copain a dû vous mettre au courant.
– Oh, oui. Chambre 406. »
Ethan n’avait jamais vu son meilleur ami aussi perdu que depuis l’accident de sa copine.
Il s’était installé dans un fauteuil à côté du lit, avec de la musique sur son téléphone. Il écoutait de tout comme musique, du rock, du rap, de l’électro, de la pop. Il s’était posé avec l’album Synthesis d’Evanescence.
Oh, un autre détail que j’oubliais à propos de notre héros. Il passait beaucoup de temps à écrire. Alors pour s’occuper pendant qu’il surveillait Chloé, il tenait son téléphone et avançait une de ses nombreuses histoires. Allez savoir laquelle.
Puis il arriva au morceau Imperfection. Il posa son téléphone pour se mettre à écrire les paroles sur un carnet.
The more you try to fight it
The more you try to hide it
The more infected, rejected, you feel alone inside it
You know you can’t deny it
The world’s a little more fucked up everyday
I’m gonna save you from it
Together we’ll outrun it
Just don’t give into the fear
So many things I would’ve told you If I knew that I was never gonna see you again
Il écrivait d’une manière assez particulière, à la fois très jolie et dérangée.
I wanna lift you up into the light that you deserve
I wanna take your pain into myself so you won’t hurt
Puis il se mit à mettre des annotations, souligner certains mots.
Don’t you dare surrender
Don’t leave me here without you
Cause I could never
Replace your perfect imperfection
The way you look us over
Your counterfeit composure
Pushing again and again and sinking lower and lower
The world is on our shoulders
Do you really know the weight of the words you say?
Ses mots devinrent énervés, comme s’il devait se battre contre quelque chose, que ce morceau lui évoquait une étrange sensation.
You want a little of it
You just can’t let go of it
You’ve got an ego to feed
Too late to rise above it
Don’t look now but the little girls got a grenade
I’m gonna lift you up into the light you deserve
I’m gonna take you down to the real world so you can watch it burn
Il souligna plusieurs fois le mot Burn.
Don’t you dare surrender
Don’t leave me here without you
Cause I would never
Replace your perfect imperfection
We stand undefined
Can’t be drawn with a straight line
This will not be our ending
We are alive, we are alive
Puis, pendant qu’Ethan était concentré sur ses paroles, il se passa quelque chose de magique.
Don’t you dare surrender
Don’t leave me here without you
Cause I could never
Replace your perfect imperfection
Arrivé à cette partie des paroles, une autre voix vint s’ajouter à celle d’Ethan qui chantonnait.
Don’t you dare surrender
I’m still right beside you
And I could never
Replace your perfect imperfection
« Tu chantes toujours aussi mal, lui fit Chloé qui venait d’ouvrir les yeux.
– Je suis content de te voir réveillé. J’appelle un médecin pour faire ton examen. »
Malgré ses yeux chargés de larmes, il sortit de la chambre, appela un médecin dans le couloir pour venir vérifier son état. Il passa une heure avec la demoiselle pendant qu’Ethan restait dans un coin de la chambre. Puis il prit Ethan à part pour lui faire un résumé de son état.
« Alors ?
– Elle s’en sort bien, lui répondit le docteur. Ses blessures devraient cicatriser un peu plus vite maintenant qu’elle est réveillée. Faites juste attention à ne pas trop la brusquer, son cerveau pourrait réagir de manière assez particulière. »
Ethan retourna s’installer à côté de la demoiselle.
« Qu’est-ce qu’il t’arrive ? demanda Chloé. Tu m’as l’air tout effacé. Ça ne te ressemble pas.
– Tu ne devrais pas te soucier de ton état avant le mien ?
– Mais je vais très bien, répondit-elle avec le sourire. »
Elle ne réussit pas à tirer un sourire ce son ami, trop perdu dans ses pensées.
« Ta copine t’a lâché ? Il ne faut pas te mettre dans tous ces états, juste parce qu’elle t’a quitté.
– Elle est morte, répondit-il.
– Oh, je…
– Tu ne pouvais pas vraiment savoir.
– Qu’est-ce qu’il s’est passé ?
– Elle a fait une rupture d’anévrisme. Elle avait déjà eu des problèmes cardiaques, mais tout s’était stabilisé…
– Je suis désolée.
– Ça fait trois semaines que je tourne en rond. Je sais pas comment j’aurais tourné si toi aussi tu avais dû partir.
– Pourtant j’ai pas l’impression que tu le vis si mal que ça. Si ?
– J’ai juste appris à masquer tout ce qui ne va pas, tout ce qui peut t’apporter la haine des autres, ou leur fausse pitié.
– C’est un peu…
– Cru ? Ouais, j’ai perdu foi en l’humanité il y a bien longtemps. Et ce n’est pas contre toi, mais ça ne changera pas demain.
– Je crois que cette fois-ci tu as construit le dernier rempart.
– Et personne n’y rentrera… »
Quelques minutes plus tard, Rémi rentra dans la chambre, accourant vers sa copine qu’il voyait enfin éveillée.
« C’est bon de te voir enfin réveillée.
– Moi aussi je suis contente de te voir, lui répondit-elle. »
Ethan avait commencé à ramasser ses affaires.
« Je peux te parler une minute ? demanda John.
– Bien sûr. »
Les deux sortirent de la chambre.
« Merci, merci pour tout.
– C’est toujours un plaisir, tu le sais bien, répondit Ethan.
– Tu ne veux pas rester avec nous ?
– Non, j’ai encore certaines personnes à tuer.
– Alors, va, mais épargne-moi les détails.
– À la prochaine ma poule. »
Une semaine de plus, dans la terreur des ténèbres, puis un autre jour au travail, un autre vendredi comme les autres. Pas tout à fait en fait. Vous savez, je vous ai déjà raconté l’amour d’Ethan pour son chef. Ce jour-là, il était en train de travailler sur son coffre, et son chef faisait le con à côté de lui. Évidemment, c’était son dernier jour. Mais tout ne se passa pas comme prévu. Le chef trébucha, et s’en alla s’écraser sur Ethan, qui s’écorcha violemment sur les arrêtes saillantes du coffre. Il sortit son bras presque couvert de sang du produit, puis alla décrocher une droite à son chef, avec son poing ensanglanté. Il s’arrêta quelques secondes pour observer ce qui venait de se produire, puis il alla aux toilettes pour se laver le bras. Il se passa des choses pendant qu’il partit se laver le bras, mais il n’y prêtait pas attention, seule sa colère prenait de la place. Puis, arriva Lionel.
« Bien joué, lui fit son collègue.
– C’est ironique ?
– Non, c’est sincère, répondit Lionel. J’ai dit au chef d’aller à la direction pour dire que c’était sa faute. Qu’il faisait le con, qu’il a trébuché et t’as arraché le bras ! Et toi de colère pour ton bras tu lui en as collé une.
– Depuis quand t’es attentionné comme ça Lionel ?
– Depuis que je déteste ce connard.
– Ethan ? Je peux te parler une minute ? »
Lionel s’en alla lorsque Marika arriva. Marika c’est la DRH, une personne très sympathique et très agréable.
« Ton chef est venu me voir pour ce qu’il s’est passé. Ça va ?
– Ouais, j’ai juste le bras déchiré, mais ça se fait.
– Va à l’infirmerie, au moins pour te bander et t’aider à cicatriser.
– Oh ! Pardon, fit Fred qui allait rentrer dans les toilettes.
– Ça va encore faire courir des rumeurs, dit-elle.
– Tout le monde pense que je suis gay, répliqua Ethan.
– Pourtant j’ai vu comme tu regardes Ludivine, ou comment tu es avec elle.
– Apparemment, la discrétion c’est pas mon fort.
– Enfin, quand les chefs seront partis, passe à mon bureau boire une bière.
– T’en fais pas je n’oublierai pas.
– J’y compte bien. »
Il alla à l’infirmerie nettoyer et bander sa plaie. Puis il revint au bureau du contrôle visuel.
« Ça va ton bras ? Pas trop mal ? demanda Aurore.
– Pas du tout. Trop d’adrénaline.
– T’aurais dû te taper Julie en fait, fit Lionel.
– Mais d’où est-ce que tu… Oh ! Merci Fred ! dit-il en poussant sa voix.
– C’est un plaisir, répliqua-t-il.
– Je crois qu’on le reverra pas le chef, reprit Lionel.
– Si je le revois, je le fais passer sous sa savonnette, puis sous ma Mégane.
– Pourquoi tant de violence ? demanda Aurore.
– Tu sais très bien pourquoi tant de violence Aurore. La différence avec moi, c’est que ce n’est pas un peu plus tous les jours. C’est rien jusqu’à sa mort. »
Encore une semaine, une semaine faite de cauchemar.
Vendredi 7 septembre 2018.
Encore vendredi, sans un chef, sans toutes ses règles et ses mauvaises décisions.
« J’en connais un qui a passé sa vie sur la nouvelle forteresse.
– Même pas Cédric, j’ai juste pas dormi de la semaine. J’enchaînais cauchemar sur cauchemar. À chaque fois que je voulais dormir.
– Oh, ça, c’est la merde.
– Je te le fais pas dire.
– T’en fais pas, ça va revenir, ça finit toujours par revenir. »