« Tu crois qu’elle porte des push-ups ? »
Hortense et Ethan sortaient de l’atelier pour aller manger. La demoiselle posa la question à son collègue. Question qu’il trouva quelque peu étrange, et qui le fit rire.
« De qui est-ce que tu parles ? demanda Ethan.
– De Ludivine.
– Mon Dieu, dit-il en riant.
– Mais quoi ? J’imagine bien que j’ai pas la même poitrine qu’elle, mais quand même.
– Il y a grandement moyen oui. »
Cela faisait trois semaines que Hortense et Ethan travaillaient ensemble sur le projet. À cette époque-là, il commençait à faire trop froid pour manger dehors alors, ils mangeaient dans un Algeco en face de l’atelier.
Mardi 30 octobre 2018.
Lionel, Cédric, Dimitri, Guillaume et le frère d’Ethan mangeaient sur les tables du fond, quant aux deux intéressés, ils mangeaient sur la table juste avant, là où s’installait l’ancien chef.
« Tu crois que ça m’irait bien le push-up ? »
Lionel se mit à rire, et ses collègues aussi. Ce n’est pas comme s’ils entendaient tout, pour ne pas dire qu’ils écoutaient tout.
« Ça va ? Pour une fille qui n’a pas confiance en son corps, je te trouve plutôt ouverte avec moi.
– C’est juste que…
– Ça a un certain charme c’est vrai. Mais tu peux pas te permettre de porter ça avec tous tes habits, répondit Ethan. Je ne suis pas certain que ça irait à tout le monde non plus.
– Tu crois ?
– Tu vois, supposons que Ludivine en porte bien. En général, elle porte toujours quelque chose qui va avec.
– Même si elle en a pas besoin, dit-elle.
– Je pense pas qu’elle en ait vraiment besoin. C’est plutôt pour compenser quelque chose.
– Compenser quelque chose… fit Lionel.
– À quoi tu penses ? demanda Hortense.
– À travailler avec elle depuis quelque temps, c’est certainement pas la fille la plus intelligente de l’atelier. Même si elle sait se montrer maligne, très maligne d’ailleurs. Je pense qu’elle en a conscience et qu’elle compense par son physique.
– Comment ça maligne ?
– Elle joue des choses. Elle essaie de tricher sur les choses que tu lui demandes, de plaisanter pour obtenir ce qu’elle veut. Elle a certaines mimiques, certains mots qui font qu’elle essaie de tourner les choses en sa faveur. Quand tu la connais pas, tu te fais facilement avoir.
– Cela n’empêche que tu n’as pas répondu à ma question, dit-elle.
– Je pense que ça t’irait bien, lui dit-il finalement.
– Tu veux un café ?
– Je veux bien.
– Je vais les chercher, je t’attends dehors.
– Tu m’étonnes que ça lui ira bien, fit Guillaume une fois qu’elle était dehors.
– Tais-toi Guillaume. Si tu voulais pas que ça se passe, fallait tout faire pour garder Julie.
– On a essayé, mais apparemment on ne juge pas qu’au physique ici.
– Laisse-moi rire ! »
Dans toute cette histoire, j’ai omis un détail. Ethan stipule qu’il a arrêté les sites de rencontres, mais ce n’est pas totalement vrai. Il a gardé ses comptes, et ses applications. Il ignore juste toutes les notifications. Puis il arriva ce jour, encore un rendez-vous avec la jolie demoiselle qui laissait paraitre des taches de rousseur parfois. Elle lui avait pris son téléphone pour aller sur internet, parce que le sien n’avait plus de batterie.
Jeudi 8 novembre 2018.
« T’es toujours sur les sites de rencontre ? lui demanda-t-elle. »
Cette phrase résonna comme sa petite amie qui lui faisait une mauvaise remarque, et pour elle comme une question bizarre à son copain. Ils se considéraient ensemble, sans vraiment l’être, et surtout, chacun de son côté. Ça avait quelque peu gêné Ethan, mais au fond il n’en avait plus rien à faire. Il pencha sa tête en arrière, puis lui répondit.
« Ouais, j’ai jamais désinstallé les applis. C’est autant de la flemme que de me dire que peut-être un jour ça me servira.
– Il y a des personnes qui se sont intéressées à toi récemment ? demanda-t-elle.
– Très peu, répondit-il, la dernière était un peu, comment dire. Perdue.
– Perdue ? J’ai le droit de savoir ? Ou c’est trop indiscret ? demanda-t-elle timidement.
– J’ai croisé une fille qui m’appréciait, que j’ai commencé à apprendre à connaitre. Tu sais, quand on arrive à ce genre de moment, tu discutes, l’un avec l’autre. Quand ça marche bien et qu’il y’a de l’intérêt, ça discute dans les deux sens.
– Puis c’est devenu à sens unique.
– Elle m’a donné l’impression qu’elle en avait rien à battre, à prendre beaucoup de temps pour me répondre. Ou à ne pas répondre à des questions tout ce qu’il y a de plus basique.
– Et ça t’a gonflé, dit-elle en riant.
– Presque. On devait se voir, puis ça s’est annulé parce que le temps était bien merdique. C’était juste avant que je parte au Maroc. Quoi ? dit-il, exaspéré.
– Ça me fait rire, répondit-elle.
– Et elle n’a pas vraiment fait d’effort pour que l’on continue à se parler ni qu’on se voit.
– Alors tu l’as laissée.
– Exactement, répondit-il.
– Et moi ? J’en fais assez des efforts ? »
Hortense se plaça devant Ethan, se rapprochant de son visage en montant sur ses chaussures de sécurité.
« Tu serais monté sur mes pompes en cuir, je te jure que je t’aurais tué !
– J’en doute pas ! répliqua-t-elle avec un grand sourire. »
Il y avait encore cette attraction étrange, mais qui devint autre chose cette fois-ci.
Personnellement, j’ai toujours narré en externe, presque omniscient sur les pensées d’Ethan quelques fois. J’en venais plus à être un narrateur qui connait parfaitement son personnage et qui se présente toujours à côté de lui pour interpréter ses réactions. Mais, si cette fois, on changeait tout ? Même à changer de narrateur ?
Altar n° 2 : In the eyes
« Je ne suis pas certaine que tout ceci soit normal. C’est vrai, je l’adore, j’ai l’impression qu’il me montre qu’il m’apprécie vraiment, mais j’y crois pas.
– Parce que tu es bête, lui répondit-elle.
– Je suis en train de tomber amoureuse de lui… reprit Hortense.
– C’est une blague ? Toi amoureuse ? demanda Raphaëlle.
– Ouais ! Même moi j’y crois pas.
– Pourtant ça l’est ! »
Je me suis souvenu de cette conversation que j’ai eu avec Raphaëlle, lorsque je suis monté sur ses chaussures de sécurité. J’avais qu’une seule envie, l’embrasser. Mais pourquoi à chaque fois j’hésite ? J’ai l’impression que mon cerveau laisse trop de place à ce manque de confiance, ou à la réflexion…
Mais je ne l’ai pas embrassé, je suis gênée et j’ai tourné mon regard, posant ma tête sur ses épaules. Je me sens nulle. Quelques secondes après, il glissa sa main dans mon dos, elle était glacée ! J’ai relevé ma tête vers lui. J’étais étrangement près de son visage, avec toujours cette envie mordante de l’embrasser, mais cette peur de pas le faire au bon moment me bloquait tellement. J’adorais son sourire, j’adorais la manière qu’il avait de me regarder. Il m’avait parlé de Mélissa, de l’attache qu’il avait, de l’attention qu’il lui portait. Vous pensez que tout ce qu’il me montre, c’est aussi prenant, aussi vrai que ce qu’il avait avec elle ? J’aimerais tellement. J’aimerais tellement que ça soit réciproque. Mais j’arrive pas à y croire, j’arrive jamais à y croire.
J’ai envie de briser l’étrange chose cryptée qu’il y a entre nous, découvrir qui il est, si je suis quelqu’un de bien. En même temps, n’est-ce pas plus intrigant de pas savoir ce qui nous lie ? De ne pas comprendre pourquoi en si peu de temps, en ses quelques regards, ses longs sourires qui deviennent souvent gênés pour moi. N’est-ce pas mieux de nous laisser porter par ses moments ?
Vous vous demandez pourquoi j’ai autant de réserve ? Pourquoi j’ai si peu confiance ? Je ne suis pas prête à en parler, même pas à Ethan…