Vendredi 20 septembre 2019.
Ethan était revenu de sa dernière mission de septembre. Encore détruit, fatigué, exaspéré. Il avait l’impression que le monde se liguait contre lui, et qu’il n’y pouvait rien.
« Tu crois pas que tu en fais un peu trop ?
– Qu’est-ce ce que tu fais ici ? demanda Ethan.
– Je suis juste venu t’aider. »
La demoiselle se présenta devant lui, dans toute sa petite taille qui la rendait si irrésistible à chaque fois. C’était Flora, qui était toujours là quand Ethan s’effondrait, sans une compagne.
« Il y avait ce Simon, l’autre espèce de connard qui lui tournait autour. C’était un de ses ex, qui refusait de la voir partir.
– Puis elle a fini par céder, dit-elle s’asseyant à côté de lui. Plutôt chouette ton nouveau meuble !
– Merci. »
Il avait fabriqué un meuble télé avec son père, où se tenait le tourne-disque dans un placard fermé en verre.
« Je dois à chaque fois me faire massacrer par tous les gens que je rencontre ?
– À en juger par toutes tes feuilles oui, répondit-elle. »
Elle prit les pages entre ses doigts. Toutes ces pages de paroles, presque toutes de Jonny Craig.
« Je me demande si j’arriverais à te tenir hors de l’eau cette fois-ci, lui dit-elle.
– Je ne te l’ai jamais demandé.
– Mais je refuse de faire autrement. »
Qu’est-ce qui avait changé ? Une histoire qui tourne en boucle, encore une fille qui brisa Ethan.
« Pourquoi tu doutes ? demanda-t-il.
– Parce qu’il y a un moment où, tu peux essayer d’être la meilleure personne sur cette Terre, d’autres sont impossibles à sauver. Elles ont touché cette limite, déjà fait un pacte avec le diable pour que la souffrance reste éternelle.
– Je ne veux pas de ça, lui dit-il. J’ai beau m’être fait écraser encore une fois, c’est pas pour autant que je veux partir. J’ai…
– Juste besoin de temps ? lui demanda-t-elle coupant sa phrase.
– C’est comme si je t’avais dit ça des dizaines de fois…
– C’est comme si je te répondais à chaque fois que je te laisserai le temps qu’il faudra. »
Elle se rapprocha de lui, comme si cette scène faisait partie d’un tout, qui se répétait encore et encore entre eux. Elle l’embrassa, mais cette fois, c’était différent. C’était plus long, plus étrange que d’habitude. Elle lâcha les lèvres de son ami, toujours avec son sourire gêné, puis Ethan se leva et lui prit la main. Ils s’en allèrent vers sa chambre, et… Hey ! Ils m’ont enfermé dehors !
Évidemment qu’ils ont couché ensemble. Vous vous attendiez à quoi ? Ah ce que… Comment ? Oui, elle est lesbienne, mais… Taisez-vous ! Laissez-moi parler. Revenez quelques pages en arrière, quelques centaines peut-être. N’y a-t-il jamais eu cette tension entre eux ? Quelque chose qui leur donnait envie de ce moment, mais qu’il ne venait jamais quand il le fallait. Ni pour l’un ni pour l’autre.
« Je vois pas de quoi elle se plaint ! fit Flora.
– Tu te fous de moi ? lui dit-il dans la salle de bain.
– Non ! Je suis peut-être pas experte en relation sexuelle hétéro, mais je pense que si j’avais pas aimé…
– Tu serai déjà parti ? Comme un plan cul ?
– Hey ! Je ne suis pas un plan cul ! répondit-elle vexée. Je suis le meilleur plan cul du département.
– Rien que ça ! s’exclama-t-il. »
Sometimes I feel cold, even paralyzed
My interior world needs to sanitize
I’ve got to step through, or I’ll dissipate
I’ll record my step through for my basement tapes
Nice to know my kind will be on my side
I don’t believe the hype
And you know you’re a terrible sight
But you’ll be just fine
Just don’t believe the hype
« Je suis contente que tu aies continué à écouter Twenty One Pilots.
– Dès que je touche à un groupe, tu sais que j’écoute toujours le plus possible. Ah, ma belle-sœur veut que je vienne chez elle demain.
– Dis-lui oui, ça te donnera une occasion de nous présenter. »
Ethan éclata de rire devant son téléphone. Pour ce qu’il venait de lire, ou le fait qu’elle veuille rencontrer la copine de son frère. Bonne question.
« C’est comme si cette situation venait de devenir la plus ridicule possible ! reprit-il.
– Comment ça ?
– Je peux te la présenter, mais crois-moi, vous n’allez pas forcément bien vous entendre, ou alors elle va penser que t’es juste un plan cul pour oublier Hortense.
– Elle aura en partie raison !
– C’est une blague j’espère ? s’étonna-t-il.
– Détends-toi, évidemment que je plaisante.
– Et en plus, elle a déjà invité sa meilleure amie, alors qu’on s’est tourné autour pendant des semaines, qu’elle saute de mec en mec…
– Tu risques de la frapper quoi !
– Ouais certainement, ouais, dit-il s’affalant sur son lit.
– Si tu veux, je peux aller dormir dans l’autre chambre.
– Non, reste. C’est pas comme si c’était la première fois qu’on dormait dans le même lit.
– Je sens que tu vas t’endormir comme une tombe.
– Je m’endormirai en moins de temps qu’il te faut pour tourner dans le lit. »
Samedi 21 septembre 2019.
Ethan et Flora chez son frère, il arriva une situation très étrange qu’il avait déjà imaginée.
« C’est qui cette trainée ? lui demanda sa belle-sœur.
– Oh non… fit Ethan. »
Il l’avait présenté aux deux demoiselles qui ne connaissaient pas Flora. Son frère, en revanche, lui proposa de faire le tour de la maison, afin de montrer les travaux qu’ils avaient faits tous les deux.
« Ça y est ? Tu n’as plus aucun honneur ? Passer d’une fille à une salope comme elle ?
– C’est toi qui viens me donner des leçons de morale ? Genre, c’est une blague c’est ça ? dit-il à la meilleure amie d’Anna.
– Je…
– Ouais, je sais t’es pas le meilleur exemple. Tu me l’as bien assez montré.
– Et tu te permets de voler des bières dans le frigo comme ça ?
– C’est moi qui les ai achetés ces bières, je les ai ramenés, et je sais très bien qu’aucun des deux habitants de cette maison m’empêchera de faire ce que je viens de faire. Puis, d’où elle te sort cette rancœur contre moi ? C’est moi qui devrais avoir cette attitude ! C’est quoi le problème ? Que j’invite ma meilleure amie lesbienne ? T’as envie de te la sauter, mais tu sais que je te laisserai jamais faire ? Un truc comme ça ? »
La demoiselle s’en alla, elle sortit de la maison pour fumer. Le discours que venait de faire Ethan n’était pas devenu sans marques, alors qu’il avait gardé le plus grand calme. Ethan alla s’installer à la table. Il était dix heures, et son alcoolisme venait d’en prendre un coup.
« J’ai peut-être réagi de manière exagérée, je suis désolée, lui fit Anna.
– J’ai eu l’impression que tu y croyais. Tu aurais dit ça en plaisantant, j’aurais rebondi en te disant qu’elle se prétend être le meilleur plan cul du département.
– Rien que ça !
– Comme tu dis. Elle est lesbienne, Flora.
– T’es sérieux ? s’étonna Anna.
– Je suis sérieux.
– Je ne sais pas pourquoi elle s’est enflammée comme ça.
– Parce qu’elle est frustrée, et qu’elle n’a pas trouvé mieux que la haine pour le cacher.
– Tu aurais pu laisser passer ce qu’elle disait aussi, c’est généralement ce que tu fais…
– Pas quand tu parles de Flora. Ça fait presque dix ans que je la connais. Si elle est aussi vivante, aussi joyeuse, aussi précieuse pour moi, c’est parce que je l’ai aidée à passer au-delà de choses pas très joyeuses. Je l’ai aidée à devenir heureuse, sans se cacher derrière un immense masque de marbre. Elle compte énormément pour moi.
– Autant que John ?
– Bien plus. Ça n’a rien à voir. Crois-moi, si tu apprends à la connaitre, elle a beaucoup à apporter aux autres. J’ai souvent fait cette comparaison, de la flamme de l’Olympe qui brule de la lumière de l’espoir. Cette flamme bleue existe chez elle, et c’est ça qui la rend magique.
– J’ai invité John aussi, fit Anna hésitante.
– Oh merde ! Il sait que ta meilleure amie est là ?
– Oui, il m’a dit qu’il avait une surprise aussi. Tu veux manger quoi ?
– Tu me poses vraiment cette question ? Je suis incapable de te répondre ! répondit-il en éclatant de rire.
– Je peux te donner un coup de main si tu veux, je me débrouille plutôt bien, fit Flora qui venait de rentrer.
– C’est vrai qu’elle est plutôt douée. Je vous laisse, je vais aller faire un tour avec mon frangin.
– Ça fait combien de temps qu’elle est revenue ? lui demanda Tyler quand son frère arriva dehors.
– J’en sais rien, quelques semaines après qu’Hortense soit arrivée.
– Du coup, je comprends mieux pourquoi ça s’est si bien passé avec Hortense.
– Peut-être pas, c’est peut-être elle qui me porte la poisse, dit Ethan.
– Dis pas des choses comme ça.
– C’est plutôt elle qui raconte ce genre de bêtises.
– J’espère que ça s’arrangera bientôt, ça faisait longtemps que je t’avais pas vu aussi souriant.
– J’espère moi aussi… »
La Brera ! Voilà ce qui avait arrêté les deux frères. Il y a quelques semaines de cela, John s’était acheté une Alfa Romeo, Brera. Rouge. Oui. Et elle faisait un bruit d’enfer ! Ethan descendit voir son meilleur ami qu’il n’avait pas vu depuis quelques semaines, avec tous ses déplacements. Il aperçut son ami, passer le portail, puis Hortense, qui passait la voiture d’Anna.
« La voilà ta surprise, lui dit son ami en lui tapant sur l’épaule, bonne chance.
– Salut Ethan. Je tiens à te dire que c’est pas lui qui m’a forcé à venir, c’est moi qui aie voulu qu’il m’amène.
– Je ne sais pas quoi te dire, dit-il.
– Je ne te demande pas de changer d’avis, j’aimerais juste que tu écoutes ce que j’ai à dire… »
Le jeune homme ouvrit le portail à la jolie blonde, ils partirent s’installer sur le banc à côté du bassin. Ce moment était bizarre, des deux côtés. Je vais essayer de décrire ce qu’il se passe chez chacun d’eux.
« Tu sais que ce moment est très étrange… lui dit-elle.
– Je m’en rends compte.
– Mon cerveau s’est quelque peu perdu quand tu es parti à Paris. Comme la première fois, Simon était là, à me rappeler que je lui manquais. Il s’est passé des jours, où tu n’étais pas là, le mardi où il s’est invité chez moi. On a parlé, beaucoup, puis on s’est embrassé. Il est resté chez moi, et le vendredi je t’ai dit que je l’avais embrassé. Je sais que j’ai pourri ton séjour, j’ai aussi pourri la seule semaine qu’il y avait entre tes deux déplacements. Et ce n’est pas pour chercher une excuse, mais tu avais raison quand tu disais qu’on se manquerait, toujours plus chaque jour, toujours plus à chaque fois. Mais ce manque, ça m’a rendue vulnérable, aussi tangible que quand je ne te connaissais pas. J’étais perdue, emplie de doutes, et j’ai perdu le contrôle. Et j’en ai perdu la personne que j’aimais, parce qu’il faut se le dire, je ne l’aime pas, je n’ai juste pas compris ce que je faisais. »
La jeune demoiselle se sentait perdue, n’approchait jamais le regard de son voisin, de peur d’y voir de la colère, ou de la haine. Elle espérait de la compassion, de l’espoir, mais pas la pitié.
Altar 6 : L’antre de l’espoir.
Je la sentais perdue, je sentais qu’elle s’en voulait, qu’elle voulait que je la pardonne, au moins que je la pardonne, même si on ne se rapprochait pas à nouveau. Mais vous savez quoi ? Non, le pire ce n’est pas que j’ai arrêté de narrer cette histoire, c’est que je me sentais aussi perdu qu’elle. J’étais fou d’elle. Alors oui, j’ai un immense masque de pierre pour cacher ce que je ressens, mais je me suis perdu dans ses yeux, sur son visage couvert de taches de rousseur, sur ses fossettes. Je sais pourquoi je suis tombé amoureux d’elle. En plus d’être brillante, drôle, elle m’a retourné le cerveau par sa beauté.
« Mais il est arrivé un souci, un très gros souci. Le vendredi avant que tu ne repartes pour ta deuxième mission, j’avais un rendez-vous pour ma prothèse. Mon médecin m’a montré l’état de mon dos. Ma peau était rouge écarlate autour des dissipateurs, mais pas douloureuse. Il m’a alors demandé, qu’est-ce qui a changé ? Je lui ai répondu que j’avais changé de petit ami. Il m’a dit, vous auriez mieux fait de garder le précédent, faisant une tête, pour me dire qu’il était désolé. Puis jeudi matin, Simon est parti au boulot, et je n’ai pas pu me lever, ma prothèse s’était déconnectée. J’ai appelé Raph pour qu’elle vienne me chercher et qu’elle m’amène à l’hôpital. Le médecin m’a reconnecté, nettoyé les dissipateurs qui étaient couverts de sang. Une fois sorti, j’ai dit à Raph que j’avais un appel à passer. Elle me dit, non ne l’appelle pas maintenant, il est en colère, il te déteste certainement, ça sera pire. J’ai appelé Simon, je lui ai dit ce qu’il m’arrivait, ce que j’avais dans le dos. Il commença à s’enflammer, à dire que je lui avais tout caché, que j’étais qu’une menteuse. Je l’ai coupé en lui disant que je le quittais, que je n’avais plus envie de le voir, que je ne l’aimais pas. Que ce qui m’arrivait était sa faute ! Qu’il ne devait plus s’approcher de moi, sinon qu’il en paiera les conséquences ! Et que j’allais bruler toutes ses affaires aussi. »
Il y a bien longtemps de ça, bien avant que je commence à narrer cette histoire, Ethan avait deux morceaux qui lui faisaient à la fois mal au cœur, et le plus grand bien. Les deux étaient du groupe Red, l’un d’eux était Start Again. Pour vous aider à comprendre, le groupe fait du Christian Rock, très tourné sur les relations sentimentales. Ce morceau-là parle d’une rupture, et de quelqu’un qui cherche à recommencer l’histoire d’amour. C’est ce morceau qui tournait dans la tête d’Ethan en ce moment. De plus, il était persuadé que sa compagne l’avait écouté en boucle elle aussi. Pourquoi ? Pour se trouver une motivation, une solution, un espoir.
Ethan se releva, regardant les habitations qu’il y avait de l’autre côté de la vallée. Le disque fit un tour dans sa tête, la chanson changeant pour Forever, du même groupe. Cette fois-ci, cette chanson exprimait ce qu’elle ressentait, du moins ce qu’il en pensait. Puis elle se releva à son tour.
« Je sais à quoi ça ressemble dans ta tête, à quelque chose comme : »
I’ve heard everything you’re saying, makes no difference to me
I am only getting better, save your pity
You like to talk big, you wish that I quit
Deep down you know that you’ll never be me
You’re wasting your time, you’re wasting your energy
You say I’m everything you despise, everything you don’t like
Open my eyes to see yours fixated on mine
Everything you despise, everything you don’t like
Open my eyes to see yours fixated on mine
— Slaves | Petty Trappin —
Puis elle changeant la chanson, s’apercevant que ça n’avait aucun effet sur lui.
I never could figure it out, all your insecurities and your doubts
Maybe you thought that I’d turn into someone else, but I stayed the same
All that changed was the way that you felt
I don’t wanna hold you back anymore, no
And you don’t wanna live with the guilt of leaving me behind, no
You know I’d be lying if I said that we were meant to be
So, let’s just move on and say goodbye to you and me
I’m so tired of hanging on to everything I thought we had, I was so wrong
There’s nothing left here to fight for, we’ve both been bled dry
Stop wasting time, yours and mine, ’cause God knows we tried
I don’t wanna hold you back anymore, no
And you don’t wanna live with the guilt of leaving me behind, no
You know I’d be lying if I said that we were meant to be
So, let’s just move on and say goodbye to you and me
— Memphis May Fire | You and Me —
« Yes ! fit John derrière la fenêtre.
– Qu’est-ce qu’il y a ? demanda Flora.
– Je pense qu’elle s’en sort bien.
– Au pieu, tu veux dire ? demanda-t-elle.
– Mais non petite maligne, répliqua Anna, avec sa langue dans sa bouche.
– Pas encore ça Anna, laisse-leur quelques minutes, reprit John.
– Vous êtes affreux ! s’exclama Tyler.
– Pas sortable qu’on dit, reprit Flora. »
Le jeune homme finit par se retourner vers la fille qui chantait, s’approchant d’elle. Il l’aperçut aux bords des larmes, comme si elle venait de sortir sa dernière carte pour le faire revenir. Il l’a pris dans ses bras, elle posa les siens autour de son cou.
« Tu sais à quoi je pense maintenant ? demanda-t-il. »
I’m gonna let you in on a secret, I’m so afraid
Of letting my skeletons out, so I bottle them in
But I know it’s gonna get out in the worst way, so I gave in
Now I’m gonna be an open book for you to read
The longer I stay numb, the longer I don’t have to think much
Il embrassa la demoiselle, qui hésitait entre pleurer de joie et de tristesse. Puis il se mit à chanter à son tour :
You keep your hopes up that I can change
Well, I stay honest, you do the same
I’ll keep my purpose, you keep your faith
That we can get through this
These tougher days, these tougher days
« Tu penses que tu pourras me pardonner ?
– Je sais pas, dit-il avec le sourire.
– Arrête ! répondit-elle en lui tapant l’épaule. Tu joues tout le temps avec les mots !
– C’est pour te faire sourire princesse, que tu chasses tes idées noires. Tu t’en plains, mais ça marche toujours. Je peux voir ton dos ? »
Elle enleva sa veste et se retourna, la peau autour des dissipateurs était encore rouge, toutes les veines se dessinaient sur son dos. Ethan approcha ses doigts des pièces de métal, provoquant la chair de poule à la demoiselle lorsqu’il les toucha.
« Tu sais que tout le monde l’a vu ?
– Tant pis, il y a bien un jour où les autres devront savoir après tout, répondit-elle se rhabillant. Merci de me laisser une seconde chance.
– Je ne sais pas comment j’aurais fait sans une seconde chance.
– Alors comme ça je suis une petite princesse ?
– Tu ne seras qu’une de plus à qui je donne ce surnom.
– Dit comme ça, on dirait que tu cours tous les jupons, répondit-elle.
– La première c’était Flora, je n’ai jamais appelé Mélissa princesse.
– C’est vrai ?
– C’est vrai oui, répondit-il.
– Les autres alors ?
– Orchidée et Opale, répliqua-t-il.
– Évidemment, dit-elle avant de s’arrêter devant la porte. J’ai une dernière chose à t’avouer avant qu’on rentre. »
Elle appréhendait son jugement, elle craignait que cette nouvelle casse tout, à nouveau.
« J’ai couché avec Simon. »
Ethan acquiesça de la tête, le visage neutre, elle était incapable de savoir s’il lui en voulait, s’il était en colère, ou s’il avait pire à lui annoncer.
« J’ai couché avec Flora, répondit-il. Et ça te fait rire en plus !
– Tu veux savoir ce qui me fait rire ? Je me suis demandé quand est-ce que ça allait arriver, je suis plutôt rassurée que ça ne soit pas quand on était ensemble.
– Tu es sure ? Tu n’aurais pas préféré que ça se fasse dans un plan à trois ?
– Arrête de dire des bêtises ! dit-elle rougissant.
– Je te crois pas, je suis sûr que tu aurais préféré ça.
– Aller vient, ils vont nous attendre. »
Les amoureux se mirent tous les deux à table, Hortense quitta son manteau, laissant apparaître son dos et sa prothèse. Ethan repartit donner un coup de main à sa belle-sœur.
« Qu’est-ce qu’elle a dans son dos ? demanda Anna.
– C’est une prothèse. Je te laisserai lui demander. Elle te l’expliquera bien mieux que moi.
– C’est bizarre non ?
– Tu veux qu’on relance un débat sur le transhumanisme ? demanda Ethan.
– Pas vraiment, j’y connais rien moi. »
Il se déroula une bonne heure, où tous rigolèrent, aux absurdités que John racontait pour changer. Une heure où les deux amoureux s’échangèrent des sourires, des regards. Hortense était toujours un peu plus gênée que son compagnon, même s’il n’y avait qu’Anna qui lui posa la question pour ce qui dépassait de son dos. Il n’y avait qu’une personne que ce moment avait gênée.
« En vrai, est-ce qu’on peut parler sérieusement de ta copine ? »
Anna avait une franchise bien présente, avec une façon de la mettre en avant de manière assez exubérante.
« De quoi veux-tu qu’on parle ? demanda Ethan.
– Bah de tout ! De ses nichons, de son cul !
– T’essaies de me dire que tu te la ferrais bien c’est ça ?
– Faut dire que t’as pas choisi la pire aussi, répliqua John.
– Ils ont raison, lui fit Flora. »
Ethan poussa un soupire qui en disait long sur ce qu’il pensait de ses amis.
« Je peux plus, je m’en vais ! »
La meilleure amie d’Anna se leva du canapé, prit ses affaires et sortit sur la terrasse.
« Qu’est-ce qu’elle a ? demanda Flora.
– Je vais aller la voir, fit Ethan.
Il prit sa veste, puis passa la porte pour rejoindre la femme.
“Il y a quelque chose qui va pas, n’est-ce pas ? demanda-t-il.
– Évidemment qu’il y a quelque chose qui ne va pas ! Regarde-toi !
– Attends, tu es vraiment en train de me faire une crise de jalousie ?
– En un peu moins d’un an, t’as presque changé tout ton style. T’es toujours aussi adorable, toujours aussi gentil avec ceux que tu apprécies. Et maintenant, tu as une copine.
– Tu te rends compte que tout ça, tu l’as éloigné toi-même ?
– Tu plaisantes ? demanda-t-elle.
– Je t’ai laissé du temps, j’ai tout fait pour éviter de casser ton couple. J’ai été patient à attendre que tu choisisses, entre elle alors que tu la « supportais plus » ou moi. Et quand l’occasion s’est présentée, tu m’as jeté sous les roues d’un camion pour rejoindre le premier abruti de l’autre côté de la route.
– Je n’ai pas été aussi…
– Tu as comparé les mots que tu viens de me dire, avec ceux que tu as dits à Anna ? demanda-t-il s’agaçant. Je suis seulement ennuyeux ou tu as toute une liste à m’offrir comme cadeau d’adieu ?
– Tu penses vraiment que j’ai fait une bêtise ?
– Tu es la seule à pouvoir en juger. Cependant, je pense que c’est mieux pour moi que tu m’aies laissé. Je t’avoue que je m’en sors plutôt bien.”
Elle s’en alla, alors qu’Hortense et Tyler arrivèrent sur la terrasse.
« Tu l’as encore fait fuir ! lui fit son frère.
– J’avais pas vraiment le choix, répondit-il avec dépit.
– Pourquoi elle essaie encore de se raccrocher à toi ? demanda Hortense.
– Parce qu’elle se pense mieux que tout le monde. Et elle veut toujours ce qu’ont les autres. Elle ose vraiment se prétendre mieux que toi, ça me fait doucement rire.
– Et toi tu en penses quoi ? lui demanda-t-elle posant ses mains sur le torse d’Ethan.
– Elle est bête. Qu’elle reste avec ses abrutis, ils lui correspondent mieux. »
Ah, Amelie.
Marika partait de la boîte. Le trop-plein de la non-considération des employés l’avait forcé à partir.
« Cette fois, c’est la fin.
– Ouais, répondit-elle à Ethan. Il est temps que je m’en aille. Cette boîte me rend folle.
– M’en parle pas. C’est quand même triste. Tu vas nous manquer.
– On se reparle. Tu m’envoies un message, tu passeras bien boire un verre à la maison un de ces quatre ?
– Évidemment, je trouverai le temps pour ça. »
Cette discussion, c’était au repas des congés d’été, au mois d’août. Même s’il avait posé des congés, il était venu au repas quand même. Deux semaines avant son départ, ils ont recruté une intérimaire pour la remplacer. Ethan ne l’a jamais vu, sauf après ses congés.
« T’as croisé la nouvelle DRH ? lui demanda Hortense.
– De très loin ouais.
– Tu devrais, je suis sûr qu’elle te plairait.
– Tu sais que t’es vachement bête des fois.
– Je fais ça pour ton bien, répondit-elle.
– Ouais, c’est ça. »
Puis, plus tard, ce jour-là.
Lundi 7 octobre 2019.
Amelie était passée au contrôle pour voir Patrice, qui était parti au Maroc quelques mois avant. Ethan reparti quelques secondes après, avec Hortense pour continuer leur travail sur leurs armoires. Devant eux se présentait leur DRH, qui s’en allait dans son bureau.
« Elle a une putain de cul quand même !
– Attends, quoi ? s’étonna Ethan. »
Il s’arrêta net, perturbé, étonné, et je ne sais encore quelle émotion lui poser.
« De qui est-ce que tu parles ? demanda-t-il.
– D’Amelie ! Elle était devant nous. Ne me dis pas que tu l’as pas vu ! Toi qui regardes tout le monde autour de toi. »
Ils allèrent se cacher dans l’aquarium. L’aquarium, c’était une sorte de salle de réunion, pour les évènements exceptionnels. Ethan passa la porte le dernier, puis la ferma.
« Tu vas me reprocher de toujours regarder les autres ?
– Non ! s’exclama-t-elle. Je ne peux pas t’empêcher d’être celui que tu as construit. Je sais que tout ce qui me rend folle de toi est principalement fait de choses qui vont déranger les autres. Cependant, toi il y a quelque chose qui te dérange.
– Depuis quand tu t’intéresses aux femmes ? »
Il fit quelque peu rougir la demoiselle. Ce n’était pas très différent de l’habitude. Le peu de gêne ou la timidité de la demoiselle la faisait assez vite rougir.
« Eh bien… dit-elle.
– C’est à cause de Flora c’est ça ?
– Après notre rupture. Il y a eu ce jour où on s’est remis ensemble. Elle m’a laissé une impression bizarre. Mais rien de dérangeant. Je, je l’ai trouvée belle.
– Parce qu’inconsciemment tu t’es comparée à elle, dit-il. Tout le monde la trouve belle. Elle a quelque chose d’indescriptible.
– Et c’est un problème ?
– Tu t’es posé la question parce que la veille j’avais couché avec elle ?
– Je serais pas vraiment contre de faire un plan à trois avec elle.
– Moi si ! dit-il la regardant étrangement.
– Pourquoi ? T’as déjà couché avec elle. Elle ne dira jamais non. Elle a tout pour avoir le rôle.
– J’ai pas couché avec elle parce que j’avais envie de coucher avec elle. C’était plus comme si c’était quelque chose qui devait se faire depuis qu’on se connaissait.
– Comme si c’était destiné hein…
– Le sexe n’est pas un jeu pour elle, encore moins avec les hommes. Elle s’est fait violer par son père.
– Oh, merde… Je…
– Tu ne savais pas, c’est pas comme si on le scandait sur tous les toits. Si tu pouvais faire comme si je n’avais rien dit.
– J’y penserai. »
Mardi 15 octobre 2019.
Ethan était revenu de Paris, tout était revenu dans l’ordre avec Hortense, puis il y a eu quelque chose qui tomba assez mal. Quelqu’un d’assez inattendu qu’on va dire.
Il était en train de contrôler un coffre, quand il aperçoit un chef d’équipe faire faire le tour de l’atelier à des nouveaux. D’habitude, les nouveaux commencent par une formation, mais ladite formatrice est partie au Maroc. Alors, cette fois, les choses se déroulent différemment. Ethan, sorti alors de son contrôle pour aller chercher un outil dans l’atelier, passa à côté du chef d’équipe et des nouveaux. La demoiselle du groupe salua Ethan, qui en fit de même en retour. Il en sortit hébété. Quelque chose était étrange, mais à huit heures du matin, sa fatigue et son manque de réveil prenaient le dessus sur sa conscience des choses. Dans une perturbation absolue, il lâcha son coffre et s’en alla dans le box de Cédric, puis éclata de rire en s’asseyant à côté de lui.
« Je t’avais dit d’arrêter la drogue le matin Ethan, lui fit Cédric.
– La nouvelle, ça fait v’là longtemps que je la connais.
– Et tu te l’es jamais faite ? Comment elle est bonne !
– Ça va pas mieux toi ! répliqua Ethan.
– Je sais, tu préfères les blondes, mais avoue qu’elle est vraiment pas mal !
– Elle a un sacré cul surtout.
– Je dirai rien à Hortense, promis.
– J’espère bien ouais ! J’ai jamais parlé de tes préférences à toi.
– T’as pas intérêt ! s’exclama Cédric. »
Quelques heures plus tard, Ethan croisa Hortense dans le couloir de l’atelier. La fille restait comme figée, ou perdue dans ses pensées.
« Ça va Hortense ? demanda Ethan.
– Oh, oui… répondit-elle.
– Quelque chose chez Ophélie t’a perturbé ?
– Je crois qu’il faut qu’on parle… »
Elle s’en alla dans l’aquarium, suivie de près par Ethan.
« Je crois, j’ai l’impression de ne plus me connaître… lui dit-elle.
– Comment ça, ne plus te connaître ?
– Quand t’es-tu rendu compte que tu aimais les hommes ? »
Personne n’avait jamais posé cette question à Ethan. Toutes les personnes qu’il côtoyait et qui étaient au courant de ses relations avec des hommes savaient comment cela avait commencé. Sinon…
« Je l’ai nié longtemps, répondit-il en la regardant. J’avais un regard, un attrait pour eux, mais jamais je ne me disais que c’était parce que je pouvais les aimer ou être attiré par des hommes. »
Il n’eut aucune réponse de la demoiselle, qui restait perdue dans le regard d’Ethan.
« Tu te demandes si tu as besoin ou envie de sortir ou de coucher avec une fille pour clarifier tes pensées ? demanda Ethan.
– Et te quitter ? »
Ses mots étaient hésitants. Cela la dérangeait d’oser quitter Ethan pour quelque chose qu’elle redoutait, ou qu’elle ne comprenait pas.
« Si tu as besoin de prendre du temps pour savoir, alors fais-le, lui dit Ethan
– Mais j’ai pas envie de te perdre juste parce que j’ai l’impression d’aimer les femmes !
– C’est un risque à prendre, répondit-il. »
Ethan regardait à travers les vitres de l’aquarium les personnes qui travaillaient de l’autre côté. Il paraissait étrangement calme face à une situation comme celle-ci.
« Tu vas me détester un jour… dit-elle. D’abord, je te trompe avec mon ex, maintenant j’ai envie de sortir avec des femmes…
– Viens là, lui dit-il. »
Hortense vint se serrer dans les bras d’Ethan. Il ressentait sa peur et sa tristesse, simplement dans la force qu’elle mettait dans ses bras pour le garder contre elle.
« Ça va bien se passer, lui dit Ethan. Eh non, rassure-toi. Je ne te détesterai pas. Tu as le droit d’avancer aussi.
– Merci… »
Vendredi 1er novembre 2019.
Ethan avait eu vent de quelques histoires avec son frère, qui ne le laissait pas sans traces. Il s’était séparé d’Hortense, lui laissant du temps pour que son esprit s’apaise. Il était presque dix-huit heures et il était encore sur son armoire, à débugger son produit.
« Rentre chez toi Ethan, tu finiras lundi, lui fit Loic.
– Non, elle part lundi matin, j’aurais jamais le temps, répondit Ethan. Je fermerai, j’ai encore mes clés et les codes.
– T’es sur ?
– Ouais, je gère.
– Bon, bon week-end alors.
– Bon weekend, répondit Ethan. »
Il avança son produit, pendant environ une demi-heure, puis il entendit des pas se déplacer dans l’atelier. Il n’y prêta pas attention, trop occupé par l’armoire qui lui donnait du fil à retordre et ses écouteurs sur les oreilles. Alors qu’il reprenait une partie qui lui demandait de rester à coter du produit pour opérer sur les boutons de l’armoire pour avancer son test. Il vit arriver Amelie qui s’intéressait à sa présence dans l’atelier.
« Qu’est-ce que tu fais encore ici ? demanda-t-elle.
– J’essaie de finir mon armoire pour qu’elle puisse partir lundi, répondit-il.
– Tu crois pas que tu te donnes un peu trop de peine ?
– Pourquoi tu me dis ça ?
– T’as de la chance si la boite te paie les heures sup. »
Il tourna son regard sur sa DRH alors qu’elle avait le sourire aux lèvres.
« Vu que tu es devant moi, j’espère que j’arriverai à te convaincre de me les payer, lui dit-il.
– Il faudra que tu me montres à quel point t’es convaincant !
– Aller, dehors.
– Quoi ? s’étonna Amelie.
– Dehors ! »
Il poussa la jeune fille de sa zone de test, posant ses mains sur son dos pour l’éloigner de l’armoire. Il attrapa ensuite la barrière jaune et noire qu’il y avait au bord de sa zone pour fermer sa zone. « Ethan ! » La fille interpella son collègue qui s’était retourné pour rejoindre son produit. Elle lui fit signe de s’approcher, se tenant de l’autre côté de la barrière. Ethan s’avança, presque jusqu’à elle, elle s’avança d’un pas pour venir l’embrasser. « Quand tu auras fini, viens faire un tour dans mon bureau. » Elle s’en alla, empruntant le couloir pour retourner vers les bureaux. Ethan resta fixé sur Amelie, sans trop savoir s’il se laissait porter par le baiser qu’elle venait de lui donner, ou par le fessier de la femme qui s’en allait.
Il rejoignit enfin son armoire, lança son test, regarda l’heure. Dix-huit heures, vingt-cinq. Il prit ses affaires, alla les poser dans sa voiture le temps de son test. Revint à son armoire pour valider le programme, remplir ses papiers et éteindre son testeur. Il eut une légère hésitation après avoir éteint sa machine. Est-ce que quelqu’un devait le savoir ?
Il se présenta devant la porte de son bureau, qui était le seul resté allumé. Tout l’atelier derrière lui avait été éteint par ses soins.
« C’était, perturbant, lui dit Ethan.
– Perturbant ? »
Amelie se leva de sa chaine pour rejoindre Ethan. Elle se mit à ses pieds, elle était presque aussi grande que lui, quelques centimètres de moins à peine.
« Perturbant comment ? demanda-t-elle.
– Je ne m’attendais pas à ce que tu m’embrasses. C’était beaucoup trop spontané pour mon cerveau.
– Ça ne t’est jamais arrivé ? Que quelqu’un t’embrasse alors que tu n’avais même pas pensé ça possible à cet instant ?
– Eh bien… »
Un instant lui revint en tête, un moment qui lui paraissait être d’une autre vie. Il avait baissé les yeux, comme si cette simple question l’avait gêné.
« Je ne suis pas assez intéressant aux yeux des autres pour que cela arrive, dit-il.
– Pourtant tu l’es à mes yeux. »
Elle l’embrassa à nouveau, relativement spontanément encore. Quelque chose dérangeait Ethan, qui pourtant se laissait porter par l’instant, comme la première fois. Pourquoi maintenant ? Alors qu’il ne la connaissait à peine, et qu’elle ne le connaissait guère plus.
Et, oui. Si vous vous posez la question, ils ont couché ensemble. Quelque peu inattendu.
Face down in my bed
Asking, “why am I such a wreck?” Am I lost?
Fell out with some friends
Watch my parents get over-stressed Are we lost?
But I hold on for a minute
My mind keeps spinning
Buried in the guilt that builds up deep in the life I’m living
Am I still living? Neck deep, I’m swimming
So far from the shoreline and I don’t know if I’ll make it
’Cause it feels like I’m drowning
I can’t breathe anymore
When all is gone and I can’t take more
I try to hold it back, try to hold it back
But it haunts my sleep, haunts my sleep
Maybe I’m messed up
From the demons that interrupt
All my thoughts, No, I can’t stay hidden
So paint me up like a villain, For my faults
But I hold on for a minute
My mind keeps spinning
Buried in the guilt that builds up deep in the life I’m living
Am I still living? Neck deep, I’m swimming
So far from the shore and I know
’Cause it feels like I’m drowning
I can’t breathe anymore
When all is gone and I can’t take more
I try to hold it back, try to hold it back
But it haunts my sleep, haunts my sleep
Face down in my bed
Asking, “why am I such a wreck?” Am I lost?
You say you understand
But I know that you may move on
When I’m gone
— Too Close To Touch | Bedroom Hymn —
J’ai retrouvé Ethan et Amelie, les deux assis sur le fauteuil de la femme. Le dossier incliné en arrière, elle posait sa tête sur le torse du jeune homme. « Est-ce que ça va ? » demanda-t-il. Il ressentait quelque chose d’étrange chez elle, à travers son regard quelque peu perdu.
« Tu veux vraiment que je t’incombe de mes problèmes ? demanda-t-elle.
– Si le fait qu’on vienne de coucher ensemble en résulte, alors je veux bien oui.
– Je viens de me séparer de mon copain…
– À défaut, je ne peux avoir aucun remords. »
Elle releva la tête, regardant Ethan. Elle trouvait étrange ce qu’il venait de lui dire.
« Je ne peux pas avoir de remords à coucher avec toi si tu n’es pas avec quelqu’un.
– Je m’attendais à autre chose, dit-elle avant de reposer sa tête. »
Elle attendit quelques secondes, comme si la suite de sa phrase devait être réfléchie avant que la prononcer.
« Je le vis mal. Je vis très mal le fait qu’il m’ait quitté.
– Et tu t’es jeté sur moi pour l’oublier ? demanda Ethan.
– Je pensais que ça m’aiderait à passer à autre chose. Mais ce n’est pas vraiment le cas…
– Pourquoi moi ? demanda Ethan après quelques secondes. Parce que j’étais encore dans l’atelier ? »
Elle leva la tête à nouveau, moins perplexe que tout à l’heure, mais son regard semblait bien plus attristé.
« Je sais que tu n’es plus avec Hortense, dit-elle.
– Ce n’est pas vraiment une nouvelle, répondit Ethan.
– J’ai passé beaucoup de temps à parler avec elle. Elle m’a fait de longs discours sur ta personne. Ta bienveillance, ton humour… »
Ses mots firent sourire Ethan, qui avait à nouveau baissé le regard sur celui de sa DRH.
« Qu’est-ce qu’il y a ? s’étonna-t-elle.
– Elle fait partie de ces rares personnes qui ne voient que le bon en moi, répondit Ethan.
– Alors, pourquoi l’as-tu laissée partir ?
– Parce qu’elle en avait besoin ? Je ne pouvais l’empêcher de rechercher ce qu’elle est. Ça aurait été mentir à ce que j’aurais aimé que quelqu’un fasse si j’étais à sa place.
– Si tu avais été à sa place ? s’étonna-t-elle.
– Je suis pansexuel, ça serait très mal placé de ma part de lui dire de ne pas essayer de comprendre sa sexualité.
– Depuis combien de temps, tu le sais ?
– Depuis presque dix ans, mais je ne l’ai compris qu’assez récemment.
– Du coup, ça veut dire ?
– Il faut que je te fasse un cours sur les sexualités ? demanda-t-il amusé.
– Je suis désolée, dit-elle posant à nouveau sa tête contre son torse.
– Je ne suis pas attiré par le sexe d’une personne, mais par la personne elle-même. Peu importe quel est ou sera son genre.
– Je crois que je comprends.
– Pourquoi il t’a quitté ? Ton copain ? demanda Ethan. »
Elle laissa quelques secondes de blanc. Ethan réussissait à comprendre et ressentir la détresse que vivait la femme avec qui il était.
« Il m’a dit que je n’étais plus assez intéressante à ses yeux, dit-elle. »
Ethan se mit à rire, un étrange rire nerveux qu’il n’arrivait pas à contrôler.
« Excuse-moi, ça m’a fait rire parce que ça m’a fait penser à une de mes mésaventures.
– Mésaventure ? s’étonna-t-elle relevant la tête.
– Tu sais, il ne m’arrive pas tous les jours de me faire entrainer par ma DRH pour coucher avec elle dans son bureau.
– Ah bon ? dit-elle amusée.
– Tu l’aimais vraiment, j’imagine ? reprit Ethan.
– J’étais folle de lui. Ça faisait presque cinq ans, mais j’avais envie que ça continue.
– S’il est parti, c’est qu’il n’a pas compris toute la valeur que tu peux avoir.
– Comment ça ? demanda la femme.
– C’est une autre façon de dire que c’est un connard, que tu mérites mieux.
– Même si je t’entraine dans une partie de jambes en l’air avec ta supérieure ?
– Ce genre d’aventure n’est pas un problème quand il n’y a pas d’autres personnes dans l’équation.
– Tu as raison. »
Elle resta quelques seconds fixés sur ses yeux, alors qu’Ethan n’avait jamais osé lui demander pourquoi ses pupilles semblaient difformes ou déchirées.
« Si elle revenait, tu la laisserais devenir à nouveau ta petite amie ? demanda-t-elle.
– Tu me demandes ça parce que tu veux prendre sa place ? demanda-t-il avec le sourire.
– Non, je le ferai seulement si je suis sûre que tu n’as aucune chance de te mettre en couple avec Hortense à nouveau.
– Je la laisserai revenir, je suis beaucoup trop attachée à elle.
– Alors je vais prier pour qu’elle revienne ! dit-elle se relevant du fauteuil. »
Cette phrase fit rire Ethan. Elle n’avait pas vraiment le sens auquel il s’attendait.
« Vraiment ? Tu ne veux pas prier pour m’avoir pour toi ? demanda-t-il.
– Je sais à quel point elle est attachée à toi. Et à vrai dire, je n’ai pas vraiment envie de casser ça.
– C’est peu commun, mais très honorable, fit Ethan. »
Depuis ce jour-là, Ethan apercevait souvent Amelie rôder dans l’atelier. Elle se retournait vers lui à chaque fois, pour lui sourire.
« Tu me traques ? demanda Ethan.
– Quoi ? Non, je passe dans l’atelier c’est tout. »
Cette fois, il s’était arrêté voir la femme alors qu’elle rentrait de sa pause déjeuner. Mais il restait quelque peu perplexe à ce qu’elle venait de lui répondre.
Mardi 12 novembre 2019.
« D’accord, peut-être que je rôde dans l’atelier dans le seul but de croiser ton sourire. Qu’est-ce que j’y peux si c’est la seule façon de rendre mes journées moins dures ?
– Tu aurais pu m’en parler, reprit Ethan, j’aurais trouvé des moments pour venir passer du temps avec toi.
– Mais je n’ai pas envie de te faire perdre du temps.
– Je ne perds jamais de temps à aider les autres. Tu veux qu’on aille boire un café après le taf ?
– Je veux bien…
– Très bien mademoiselle, je passe te chercher quand j’ai fini. »
Ils finirent leur journée et Ethan attendit la jeune femme à l’entrée du bâtiment. Durant ce temps, il reçut un message de la copine d’un ancien collègue de travail. Quelqu’un avec qui il travaillait au contrôle et avec qui il avait repris contact grâce à son frère, Frère qui avait invité le couple à plusieurs reprises.
« J’ai une bonne nouvelle à t’annoncer, je vais avoir les clés du local à Mende !
– Oh trop bien ! répondit Ethan. Tu les as quand ?
– Certainement début d’année prochaine, je te tiendrai au courant.
– D’accord 😁 »
« Ça t’arrive souvent d’attendre sur l’escalier comme ça ? demanda Christine qui s’en allait à son tour.
– Non ! J’attends quelqu’un, fit Ethan.
– Tu t’es remis avec Hortense ?
– Non, j’attends quelqu’un d’autre. Mais je garde ça pour moi.
– Tu ne veux plus me dire tes petits secrets comme avant ?
– C’est parce qu’on était à Paris ça Christine, répondit Ethan. Ça change les gens.
– Si tu le dis. Bonne soirée en tout cas.
– Toi aussi. »
Il attendit quinze minutes de plus, tous les autres étaient partis ou presque. Amelie sortit du bâtiment à son tour.
« Où est-ce qu’on va ? demanda Ethan.
– Tu me demandes où on va alors que c’est toi qui m’invites ? s’étonna la jeune femme. »
Ethan se releva, devant Amélie.
« C’est pas un rencard, fit Ethan. J’ai pas à choisir un lieu bien précis.
– C’est vrai que c’est pas un rencard. Mais on pourrait aller chez toi ? Non ?
– Si tu veux, répondit Ethan. »
Ils ont encore une fois couché ensemble une fois arrivé chez Ethan. Ce n’étaient pas les miaulements des chats qui avaient réussi à les perturber, mais bel et bien autre chose. Une sonnette. Il était dix-neuf heures passées et quelqu’un était venu rendre visite à Ethan.
« Tu attendais quelqu’un ? demanda Amélie encore dans le lit.
– Pas que je sache. Attends. »
Ethan ouvrit la fenêtre, vit John et Chloé qui attendaient derrière la porte.
« Oh ! Bien le bonjour.
– Qu’est-ce que tu branles ? Ça fait vingt minutes que je te spam et que tu réponds pas ! s’exclama John.
– J’ai dû laisser mon téléphone en vibreur. Je crois, dit-il, avec un sourire amusé.
– On a apporté à bouffer, tu nous ouvres ?
– Vous pouvez rentrer, c’est ouvert.
– Bien vu ! s’exclama John. »
Ethan referma la fenêtre, surpris et déconcerté.
« Tu veux que je m’en aille ? demanda Amélie après qu’il se soit retourné vers elle.
– Je ne te force pas. Ni à rester ni à partir.
– Je vais vous laisser, reprit-elle. »
Les deux se rhabillèrent, puis sortirent de la chambre, sous les yeux étonnés de Chloé. Ethan raccompagna la femme jusqu’à la porte.
« On se voit lundi ? demanda Amélie avant de l’embrasser.
– Je crois bien oui, répondit Ethan amusé.
– Sois sage ! Je suis censé prendre soin de temps en attendant, dit-elle en descendant les escaliers.
– Je ferai de mon mieux. »
Ethan referma la porte, accablé par les regards de ses deux amis.
« Quoi ? s’étonna Ethan.
– J’ai raté un train, je crois, fit Chloé.
– Même John n’est pas au courant de ça, personne ne l’est »
Ethan rejoignit la cuisine, pour se tirer une bière avec la tireuse que lui avait offerte son cousin pour le Nouvel An qui arrivait.
« Comment ça pas au courant ? demanda John. Personne ne sait que tu sors avec quelqu’un d’autre ?
– Vous êtes au courant que je ne suis plus avec Hortense. Mais je ne vous ai rien dit de ce qu’il s’est passé après. Je me suis un peu coupé du monde depuis.
– Comme d’hab quoi, répliqua John.
– Du coup ? Qui est cette personne qui est supposée prendre soin de toi ? demanda Chloé.
– Ma RH, répondit Ethan. »
Il avait estomaqué ses deux amis. Aucun ne s’attendait à ce qu’il dise cela. Ils connaissaient Ethan pour ses non-compétences sociales.
« Ta RH ? Tu viens vraiment de coucher avec ta RH ? J’suis fou où ? demanda John.
– C’est la deuxième fois, répondit-il amusé.
– Quoi ? fit John qui en recrachait presque sa bière.
– C’était un vendredi soir où j’ai fait des heures sup. Elle est venue me voir, m’a embrassé et m’a demandé de passer dans son bureau.
– T’as fait ça dans son bureau en plus ? Ah bah bravo ! s’exclama Chloé.
– C’était assez grisant d’ailleurs. Le pouvoir de coucher avec sa RH…
– Mais pourquoi ? Genre, ça lui a pris parce que tu t’es séparé d’Hortense ?
– En gros oui. Elle s’est fait larguer par son copain, moi aussi. Elle a passé beaucoup de temps à écouter Hortense et tous les discours sur moi qu’elle lui a faits. Et elle m’a sensiblement sautée dessus.
– Et Hortense ? Tu espères toujours qu’elle reviendra ? demanda John.
– J’aimerai bien ouais. Mais je suis pas avec Amélie. Je ne fais que coucher avec elle.
– Et ta RH est d’accord avec ça ? s’étonna Chloé.
– Tu vois bien que c’est elle qui lui a sauté dessus. Elle est forcément d’accord avec ça, répliqua John. »