Ma pote me sortit un parpaing lorsque je suis arrivé chez elle.
– Attends… Quoi ? m’étonnais-je.
– S’il te plaît ?
– Pourquoi ça serait à moi d’aller la chercher ? Personne d’autre ne veut y aller ?
– Ce n’est pas ça. Il s’est passé quelque chose tout à l’heure, elle l’a très mal pris et maintenant elle s’est renfermée.
– En quoi je pourrais aider à ça ?
– Tu es le seul assez bienveillant, assez calme et capable de la convaincre, me dit-elle.
– Je… J’ne sais pas…
– S’il te plaît ? Je n’ai pas envie qu’elle s’enferme et qu’elle s’éloigne de nous. Je sais que son copain est loin, mais c’est une occasion de lui montrer qu’elle peut compter sur nous. Et puis, j’ai vraiment envie de la voir.
– T’as essayé de demander à son copain de lui parler ?
– Oui, et il m’a dit qu’il n’avait pas réussi à la convaincre.
Arriva cet instant d’hésitation, où elle me regardait avec cet espoir que je lui dise oui.
– D’accord, fis-je. Je vais aller la chercher.
– Oui ! s’exclama-t-elle avant de me serrer dans ses bras. Merci !
Ces musiques résonnaient presque systématiquement lorsque l’été arrivait. La pop-punk devenait l’hymne de tout ce qui rythmait ma vie. Mon temps libre, ma musique au travail, mes balades en voiture.
J’avais presque une heure de trajet pour la rejoindre, alors que je n’avais aucune idée de l’endroit où je devais me rendre. J’ai stationné ma voiture devant une maison à la façade en pierre. La musique au volume relativement haut resonnait légèrement dans l’endroit encloisonné que l’entrée faisait. Je n’avais pas remarqué la personne qui avait vu entrer cette voiture noire, les vitres et le toit ouvrant ouvert. J’en suis sorti, verrouillant le véhicule pour couper le contact. Quelques secondes plus tard, avant que je n’aie eu le temps de sortir mon téléphone pour passer le coup de fil, la femme sortit de la maison.
– Il est difficile de te rater, dit-elle.
– Cette chose, fis-je montrant ma voiture, est facilement reconnaissable oui.
– Je ne savais pas que tu écoutais de la pop-punk !
– Avant même que tu puisses le savoir, oui.
Le dernier morceau qui avait résonné dans cet enclot, était ¡ Viva la Gloria ! de Green Day.
– J’imagine bien que tu n’es pas ici juste pour me voir, me dit-elle.
– Ça serait interdit ? Si cela avait été le cas ?
– J’aurais trouvé ça étrange, quelque peu. D’autant plus que tu n’es jamais venue me chercher ici.
– On m’a dit qu’il s’était passé quelque chose ce matin.
Elle ne répondit pas. Je continuais à m’avancer vers elle pourtant, elle croisa ses bras, et tourna son regard de moi.
– Est-ce que tu veux en parler ? demandais-je.
– Tu veux prendre le temps de m’écouter ?
– C’est pour cela que je suis ici, en plus d’avoir envie que tu nous rejoignes ce soir.
– Je…
Elle tourna son regard à nouveau vers moi, plein de haine et de honte. J’imaginais la raison pour laquelle elle s’était éloignée, mais aussi ce qui avait provoqué ces sentiments.
– Pourquoi on ne peut pas, simplement laisser vivre les gens, sans leur reprocher leur origine et tout ce que cela pourrait engendrer.
– Parce que le racisme et la haine sont devenus des phénomènes de société. C’est encré depuis si longtemps et dans tellement de civilisations que l’on ne pourra s’en séparer en si peu d’années. C’est dommage de le dire, mais les personnes qui en sont victimes n’ont pas d’autres choix que de prendre sur eux. Puis de se battre avec tout ce qu’on leur afflige.
– Pourtant y’a des gens comme toi pour rattraper toutes ces pourritures, dit-elle.
– Ce n’est pas pour autant que je n’ai jamais été raciste.
– Je ne t’ai jamais entendu cracher sur quelqu’un à cause de ces origines. Ni envers moi.
– Je ne l’ai jamais été envers toi, mais oser dire que je ne l’ai jamais fait. Omettons l’humour noir, accepté par ceux qui le souhaitent. Mais j’ai certainement jugé des gens à leur apparence ou à leur type, même si aujourd’hui j’essaie, à défaut d’être irréprochable. J’essaie de ne pas juger les autres.
– Il y a des mots que tu regrettes ? demanda-t-elle.
– Il y en a oui, mais demander pardon pour ces paroles aujourd’hui n’aurait aucun résultat. J’essaie d’être quelqu’un de bien. Au moins pour ceux qui m’apprécient. Pour enfin réussir à faire mentir tous ceux qui m’ont jeté dans la fausse.
– Certaines personnes t’ont tourné le dos ? En jugeant la personne que tu étais.
– Un paquet, oui.
Je m’étais rapproché de ma voiture, jusqu’à m’asseoir sur le capot. Alors cette chanson arriva, sortant par les fenêtres de sa maison. Un morceau que je me suis mis à chanter.
“Can we start this record over?
Can we paint with different colors?
Can we dig the garden up and start again
I want to tear out all the pages
Of this book I’ve had for ages
’cause the words I’m reading now don’t make no sense”
– Tu n’es pas sérieux ? me dit-elle.
“Solitary and confined
Lost my way and lost my mind
The walls are closing in around me now
Swimming through the solar rain
Washed away the salt and shame
I’m reaching out
But can you find me now?
So meet me where the stars collide
The Milky Way is ours tonight
Your gravity is more than I can take
I’ve come so far to find you here
I burned up in the atmosphere
And there’s no going back
But that’s OK
I got lost along the way”
Je lui ai tendu mes bras, quelque chose venait faire pleurer ses yeux. Ma voix rocambolesque ou la chanson, je ne savais pas vraiment. Elle s’est rapprochée de moi, venant se serrer contre moi.
“Now time is moving slower
My spirit’s getting lower
The rush of blood is music to my veins
I’m spinning in the shadows
The dark side of my shallow beating heart’s
The only way to start again
I’m solitary and confined
Lost my way and lost my mind
The walls are closing in around me now
Swimming through the solar rain
Melt away the salt and shame
I’m reaching out
But can you find me now?
No way back to where you are
I can’t see past this dying star
Stellar clouds surround you now
And I’m so lost without you
Falling just beneath the edge
Event horizon, full eclipse
Stellar clouds surround you now
And I’m so lost without you
I’m so lost without you”
All Time Low | Lost Along The Way
– Je suis désolé, lui dis-je.
– Pour quoi ? s’étonna-t-elle.
– Pour tout, pour ce qu’ils t’ont dit. Pour venir faire le forceur pour te ramener dans nos soirées. Pour te faire chialer parce que je chante comme une chèvre.
Elle éclata de rire.
– Ce n’est pas ta voix, c’est seulement la chanson. Je suis heureuse que tu la connaisses en plus.
– Je ne suis pas incollable sur la pop-punk, mais je m’en sors bien, je crois.
– Pourquoi te donner autant de peine pour moi ? demanda-t-elle.
– Les personnes que je côtoie aujourd’hui. Ceux que j’appelle mes amis ont réussi à me prouver que je n’étais pas la si mauvaise personne que les autres voulaient que je sois. Aussi imparfait, instables, chaotiques peuvent-ils être, ils m’ont accepté et me supportent. Et j’essaie de transparaître celui que je suis devenu grâce à eux en montrant à d’autres qu’ils ont droit aussi à cet antre de bienveillance. Cette safe place que beaucoup cherchent de nos jours.
– C’est ce que tu essaies de faire avec moi ?
– Autant que je le peux oui, répondis-je.
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